John S. Service (centre) à Yan'an.
Trois ans et trois mois seulement se sont écoulés depuis l'éclatement de la guerre civile entre le Guomindang et le PCC (Parti communiste chinois), jusqu'à la fondation de la République populaire de Chine (RPC) le 1er octobre 1949. Au début du conflit, ni le PCC, ni le Guomindang, ni les États-Unis ou l'Union soviétique n'auraient pu prévoir la rapidité de ce changement. Comment le PCC, d'abord en position d'infériorité, a-t-il pu vaincre le Guomindang ? Toutes les parties en cause voudraient trouver une réponse plausible. Partant de points de vue différents, les analystes sont parvenus à leur propre conclusion. Mais tous sont tombés d'accord sur un point : l'issue de la guerre a dépendu du soutien populaire. Dans la lettre que le secrétaire d'État américain Dean Acheson a adressée le 30 juillet 1949 au président Truman, il écrit que les forces apparemment puissantes du Guomindang étaient illusoires, que leurs premières victoires étaient basées sur du sable, que leur défaite n'est pas due à l'insuffisance de l'aide américaine, qu'en 1948, année décisive, les troupes du Guomindang n'ont perdu aucune bataille à cause de la pénurie d'armes ou munitions, et se sont désagrégées d'elles-mêmes à cause de la corruption, sans besoin d'être battues par quiconque, et que la pensée des Chinois allait aux communistes.
« Deux mondes » dans un même pays
John S. Service (1909-1999) est né à Chengdu, en Chine, dans une famille de missionnaires américains. Ce diplomate de l'ambassade des États-Unis en Chine devient un sinologue éminent. Il a pénétré dans les régions rurales et frontalières de la Chine pour effectuer des enquêtes sociologiques, connaître les conditions d'existence et la situation des gens de la rue. Il avait ainsi une vue plus ou moins profonde de la situation politique, économique et sociale en Chine. Le 20 juin 1944, il a adressé au Département d'Etat américain un rapport intitulé « La situation en Chine et propositions relatives à la politique des États-Unis ». Il écrit : « La Chine fait face à un effondrement économique. L'armée et les organismes gouvernementaux sont démoralisés, et le moral du peuple est au plus bas. La détresse se répand, le désespoir règne partout. L'autorité du gouvernement central s'affaiblit et ses ordres deviennent inopérants. La corruption est flagrante, le relâchement des lois et de la discipline a atteint un degré sans précédent dans l'administration et l'armée. Les intellectuels et les ouvriers qui souffrent le plus de l'inflation se trouvent entre la vie et la mort. Les paysans sont mécontents de l'enrôlement forcé, de l'imposition arbitraire et de toutes sortes d'exactions, et leur mécontentement ne cesse de s'accroître et de s'aggraver. Le mécontentement enfle aussi au sein des troupes du Guomindang. On ne voit aucun symptôme annonçant l'apaisement des tensions entre le Guomindang et le PCC. Au contraire, celles-ci ne cessent de s'aggraver. Maintenant, tout le monde estime que la guerre civile est inévitable. Le fait que le Guomindang recherche son propre intérêt et refuse d'écouter toute critique progressiste lui fait perdre le respect et le soutien du peuple. Si le mécontentement et le sectarisme ne gagnent pas en intensité au sein du Guomindang, ils tendent à se développer. Les intellectuels stigmatisent de plus en plus ouvertement la domination dictatoriale du généralissime ».
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