China.org.cn (C): Cette année, le Colloque économique franco-chinois aura pour thème « Innovation et Entreprenariat – visions croisées chinoise et française ». L'innovation est aussi l'un des principaux thèmes du 13^e Plan quinquennal chinois. La France et la Chine entretiennent aujourd'hui de nombreuses collaborations, notamment dans les secteurs de l'énergie, de l'environnement et des sciences et technologies. Quelles sont à ce jour les résultats de cette coopération bilatérale ? Et quels sont d'après vous les futurs domaines de la coopération sino-française en matière d'innovation ?

Jean-Pierre Raffarin (R) : Les grandes entreprises françaises, qui sont en Chine, ont décidé de travailler ensemble avec les autorités chinoises dans la durée. Il s'agit de la 21^e édition de ce forum annuel, avec des entreprises qui investissent en Chine, qui emploient des travailleurs chinois, et qui font de la recherche en Chine. C'est la continuité, la patience et la stabilité qui comptent.

Ces entreprises se réunissent tous les ans. Cette année, ils ont mis l'enjeu sur l'innovation : comment innover, mais aussi comment innover avec les Chinois, avec les centres de recherche chinois et avec les entreprises chinoises. Je crois que la nouveauté de cette année consiste dans une sorte d'ouverture. Très souvent dans le passé, ceux qui faisaient des découvertes voulaient les garder pour eux et avaient peur que celles-ci soient divulguées. Aujourd'hui, nous savons qu'on réussit ensemble. La France et la Chine doivent travailler ensemble, si elles veulent réussir à inventer les solutions aux problèmes d'aujourd'hui avec des solutions de demain. Il ne faut pas avoir peur les uns des autres, il faut avoir confiance. L'innovation passe par la confiance entre la Chine et la France.

C : Ces dernières années, afin d'approfondir la mise en œuvre de sa stratégie de développement basée sur l'innovation, la Chine a lancé les plans « Made in China 2015 », « Innovations technologiques 2030 » ou encore « Internet Plus ». Elle encourage par ailleurs les entrepreneuriats populaires et de masse. Selon vous, quelles possibilités de coopération cette nouvelle stratégie de développement apportera-t-elle à nos deux pays ?

R : Nous remercions beaucoup la Chine de ces initiatives, parce que ce sont des projets sur le long terme. Nous avons besoin de temps, notamment en matière de recherches, de brevets et de développement de l'innovation. Avec la Chine, nous apprécions beaucoup cette coopération qui s'inscrit dans le temps, par exemple à l'horizon 2030. Je pense que dans la culture chinoise, le temps a toujours été très important. Celui-ci doit être un allié de l'action. Pour les chercheurs français, pour les industriels français et pour tous ceux qui veulent participer à ces programmes, c'est un atout formidable que de se donner le temps de l'innovation.

C : Cela fait un an déjà, que la Chine a pris ses fonctions comme présidente du G20 et le sommet de Hangzhou a été organisé avec succès, notamment avec la publication du premier communiqué des dirigeants sur le changement climatique à l'initiative de la Chine. Le pays fut aussi l'un des premiers pays à ratifier l'Accord de Paris et à déposer son instrument de ratification à l'ONU. Quels rôles positifs pensez-vous que la Chine a joué dans la conclusion de l'Accord de Paris ?

R : La Chine a joué un rôle déterminant. L'engagement de la Chine a permis l'Accord de Paris et si elle ne s'était pas engagée comme elle l'a fait, je crois que nous aurions eu de grandes difficultés. Cet accord est aujourd'hui signé et ratifié par un grand nombre d'Etats. Nous pensons vraiment que c'est un grand progrès. La Chine a bien joué son rôle comme présidente du G20, non seulement pour le climat et cette mobilisation sur l'Accord de Paris, mais aussi pour la croissance, parce que c'est elle qui est aujourd'hui le moteur de la croissance du monde. C'est donc un élément très important de travailler au maximum pour la croissance. L'innovation, la recherche… tout ce qui peut être aujourd'hui facteur de croissance est très important. Le G20 de Hangzhou restera comme un G20 important, à la fois pour le changement climatique, mais aussi pour la recherche d'une croissance mondiale.

C : Cette année, il y a eu de nombreux changements affectant la situation internationale, tels que le Brexit ou encore l'élection de Donald Trump à la présidence américaine. D'après vous, quel impact cela aura-t-il sur l'économie européenne ?

R : Il y a beaucoup de choses aujourd'hui, qui sont imprévisibles. D'abord, il y a des conflits partout sur la planète. Je pense au conflit dulevant, au terrorisme, à la Syrie, à l'Irak… mais aussi à la tension qu'il y a entre l'Iran et l'Arabie saoudite,à ce qui est en train de se passeren Libye,qui menace la Tunisie, ou encore à l'Ukraine. Il y a beaucoup de lieux aujourd'hui, où les tensions sont fortes. A cela, s'ajoutent des incertitudes, comme le Brexit, comme les propositions qu'a faites M. Trump en campagne, comme aujourd'hui l'avenir de l'Italie.

Un monde sûr est un monde, qui est en partie prévisible. Aujourd'hui, ce qui est dangereux, c'est que le monde et un certain nombre de grandes puissances ne sont pas vraiment prévisibles. De ce point de vue-là, la Chine est un élément de stabilité dans le monde. La Chine ne change pas d'idées toutes les semaines. On connaît les priorités de la Chine et on connaît ses objectifs. Le président Xi Jinping a fixé à 2030, et même à 2049, un certain nombre d'objectifs. On sait la ligne qui est suivie par la Chine. La France et la Chine sont des pays prévisibles et pour la paix du monde, il faut être prévisible.

Le monde est dangereux, il faut de grands pays pacifiques. La Chine et la France sont deux grands pays qui, notamment au Conseil de sécurité de l'ONU, se battent pour la paix. Nous avons des armées et déployons des efforts militaires, mais pour se protéger, non pour faire la guerre. La dissuasion, ça compte. Mais nous nous battons dans le monde pour la paix, par un équilibre multipolaire. C'est l'engagement de la France et c'est aussi l'engagement de la Chine.