Fuite des cerveaux : des Nobel quittent les Etats-Unis sur fond de crise de la recherche scientifique (PAPIER D'ANGLE)
Quelques jours avant l'annonce du prix Nobel d'économie 2025, l'Université de Zurich a annoncé le 10 octobre qu'Esther Duflo et Abhijit Banerjee, deux lauréats du Nobel d'économie 2019 qui travaillent alors au Massachusetts Institute of Technology (MIT), rejoindraient sa faculté d'économie à partir de juillet prochain.
Leur décision de quitter les Etats-Unis pour la Suisse intervient sur fond de critiques croissantes visant le gouvernement américain, accusé de réduire largement les budgets consacrés à la recherche scientifique et de porter atteinte aux libertés académiques des universités. Mme Duflo avait cosigné en mars une tribune dans le journal Le Monde dénonçant des "attaques sans précédent" contre la science américaine, selon l'AFP.
En effet, un certain nombre de scientifiques aux Etats-Unis ont envie de chercher un avenir plus prometteur dans un autre pays. On peut alors se demander : qu'est-ce qui s'est passé ?
Selon une dépêche de l'AFP publiée début octobre, John Clarke, l'un des lauréats du Nobel de physique 2025, et l'Américaine Mary Brunkow, co-lauréate du Nobel de médecine 2025, ont dénoncé des coupes drastiques dans les financements de la recherche et des licenciements de scientifiques dans des institutions fédérales. "Cela va paralyser une grande partie de la recherche scientifique aux Etats-Unis", a dit M. Clarke à l'AFP.
Selon un article de la revue Scientific American paru le 2 octobre, à cause du "shutdown", le gouvernement américain a suspendu les activités non essentielles. Des personnels des agences scientifiques ont été renvoyés chez eux et leurs recherches ont été suspendues.
Ce shutdown "pourrait avoir un impact significatif sur la recherche scientifique et cela dépend en grande partie de sa durée", a expliqué Joanne Padron Carney, responsable des relations avec le gouvernement à l'Association américaine pour la promotion de la science (AAAS), une organisation à but non lucratif basée à Washington.
Bien que de nombreux scientifiques s'inquiètent des conséquences d'un arrêt de leurs activités, certains, y compris des chercheurs fédéraux, y voient une opportunité pour le Congrès de retoquer les mesures prises par l'administration Trump, qui ont déjà entraîné des licenciements massifs, des coupes budgétaires et des perturbations dans la recherche.
Lors d'une manifestation à Washington le 29 septembre, des fonctionnaires ont dénoncé les décisions de l'administration Trump. "La science américaine, référence mondiale en matière de science et d'innovation, est en train d'être détruite", a dénoncé Mark Histed, neuroscientifique à l'Institut national de la santé (NIH) à Bethesda.
Sur fond d'incertitude quant à l'avenir du paysage scientifique aux Etats-Unis, la fuite des cerveaux scientifiques américains commence à se faire sentir alors que certains pays cherchent à attirer des scientifiques y travaillant. Selon une enquête de la revue Nature, les candidatures de chercheurs américains pour des postes à l'étranger ont bondi de plus de 30% au premier trimestre 2025 par rapport à la même période l'an passé. Plus de 1.200 d'entre eux, soit 75% des 1.650 sondés, envisageraient même de quitter le pays.
Parallèlement, la réduction drastique des visas H-1B par l'administration Trump freine l'arrivée d'immigrants hautement qualifiés, qui sont statistiquement plus susceptibles de devenir inventeurs ou entrepreneurs.








