(Avis d'invités) Les Chinoises vues par des étrangers qui vivent en Chine

Lors d'un reportage à Hongcun, un magnifique village presque millénaire de la province orientale de l'Anhui, en Chine, j'ai découvert un fait surprenant : le système hydraulique et les canaux, ingénieux et toujours fonctionnels aujourd'hui, ont été conçus par une femme il y a environ 600 ans.

Inspiré du feng shui et de la forme d'un bœuf, ce système témoigne d'une intelligence pratique et d'une vision à long terme. Ce détail, ajouté entre autre aux circonstances de ce voyage où, très souvent, ce sont les femmes qui naturellement menaient les discussions ou prenaient les décisions, m'a donné l'impression qu'en Chine elles jouissent d'une grande indépendance.

Cependant, une impression n'est pas un fait. Bien que ce sujet soit complexe et difficile à résumer sans le réduire, il m'a semblé intéressant d'en explorer l'historique et de recueillir les témoignages de femmes expatriées vivant en Chine.

D'après des rapports officiels du gouvernement chinois, les femmes étaient autrefois "un groupe opprimé et asservi au cours des derniers milliers d'années". Le cas de Hongcun semble donc être une exception, due au fait que c'était un village de marchands : les hommes en âge de travailler voyageaient constamment, laissant la gestion du village aux femmes.

A travers l'histoire riche et étendue de la Chine, on trouve d'autres exemples où les femmes ont joué un rôle primordial. L'un des plus symboliques est celui de Nüwa, déesse créatrice qui, selon la mythologie chinoise, a façonné l'humanité et réparé le ciel. Ces figures mythiques et historiques contrastent avec la réalité quotidienne des femmes jusqu'à un passé relativement récent.

Les premières réformes en faveur de l'égalité des sexes n'ont émergé qu'après le milieu du XIXe siècle. Un tournant majeur s'est produit avec la création de la République populaire de Chine et le slogan : "Les femmes soutiennent la moitié du ciel". Cette période a vu la promotion des droits des femmes au travail et à l'éducation.

La politique de réforme et d'ouverture lancée en 1978 a encore amélioré l'accès à l'éducation et aux opportunités professionnelles, renforçant ainsi leur indépendance financière. En 1995, la Chine a accueilli la 4e Conférence mondiale sur les femmes, qui a adopté la Déclaration et le Programme d'action de Beijing et posé un jalon dans la cause de l'égalité des genres dans le monde. Ces avancées ont marqué un progrès significatif.

TEMOIGNAGES D'EXPATRIEES

Pour avoir une vision extérieure de la situation des femmes en Chine, j'ai rejoint un petit groupe de femmes expatriées qui vivent à Beijing pour leur café du mardi. Je suis accueilli par la doyenne et responsable de ce rendez-vous hebdomadaire, Jasmina, originaire d'ex-Yougoslavie et vivant en Chine depuis 45 ans. Elle ouvre la discussion en citant un proverbe chinois : "L'homme est la tête, la femme est le cou".

Elle explique : "En Chine, ce sont les femmes qui 'run the show'. Elles décident où la tête tourne. Cela rejoint un peu le dicton occidental : 'Derrière chaque grand homme, il y a une femme'. Aujourd'hui, on voit de plus en plus de femmes d'affaires. Si une femme très diplômée peine à trouver un emploi, elle crée souvent sa propre entreprise. Elles sont intelligentes, travailleuses, et ont beaucoup de succès".

Une des bases d'un développement sain est la sécurité. Sur ce sujet, Maria, une Russe installée en Chine depuis six ans, l'assure : "Je me sens beaucoup plus en sécurité ici. Je peux me promener la nuit sans crainte". Amandine, une Française vivant en Chine depuis trois ans, note que "les hommes chinois ne vous fixent pas dans la rue. On peut s'habiller comme on veut sans être jugées. Ici, on se sent en sûreté". Maria renchérit : "Les Chinois prennent soin des femmes. Ils proposent toujours de l'aide, même sans qu'on la demande. Je peux vraiment être 'girly' et me sentir protégée".

Cette immersion dans l'histoire et les témoignages contemporains révèlent une réalité complexe.

Ce qui ressort de ces échanges, c'est l'image d'une société en transition, où les femmes jouent un rôle central, tant dans la sphère privée que publique. Comme le dit Jasmina, "en Chine, les femmes font tourner la tête" et j'oserai ajouter la phrase de David Foekinos qui a écrit "La femme ne tourne jamais la tête sans une idée derrière". A travers leur détermination et leur résilience, les Chinoises redéfinissent aussi l'avenir de leur pays. Fin

Note de la rédaction : David ROUAULT est un journaliste travaillant à Beijing.

(Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l'auteur et ne reflètent pas nécessairement les positions de l'agence de presse Xinh