L'arrêt du transit du gaz russe par l'Ukraine suscite des inquiétudes quant à l'approvisionnement et aux prix (SYNTHESE)
L'arrêt du transit du gaz russe par l'Ukraine fait craindre des pénuries d'approvisionnement et une flambée des prix de l'énergie, notamment dans les pays européens enclavés comme la Slovaquie. L'Ukraine et la Russie ont toutes deux annoncé cette interruption mercredi, ce qui a poussé certains pays de l'Union européenne (UE) à recourir à des sources d'énergie de substitution plus coûteuses.
"CELA VA NUIRE A L'UE, PAS A LA RUSSIE"
Le Premier ministre slovaque, Robert Fico, a déclaré mercredi que l'arrêt du transit du gaz vers l'Europe via l'Ukraine aurait "de graves conséquences pour nous tous dans l'Union européenne, sans nuire à la Russie".
Cette interruption fait suite à la décision de l'Ukraine de ne pas renouveler l'accord de transit de gaz conclu en 2019 entre sa société publique Naftogaz et la société russe Gazprom, qui expirait le 31 décembre 2024.
"A 07H00 (05H00 GMT), dans l'intérêt de la sécurité nationale, le transport de gaz naturel russe à travers le territoire de l'Ukraine a été interrompu", a déclaré le ministère ukrainien de l'Energie dans un communiqué mercredi. De même, Gazprom a confirmé avoir interrompu l'approvisionnement en gaz en raison de l'expiration d'accords clés et du refus de l'Ukraine de les renouveler.
Dans une lettre adressée dimanche à la Commission européenne, M. Fico a condamné l'arrêt du transit de gaz par l'Ukraine, le qualifiant d'irrationnel, et a prévenu qu'il aggraverait les tensions et nuirait davantage à l'UE qu'à la Russie. Il a également indiqué que son gouvernement pourrait envisager des mesures telles que la suspension de l'approvisionnement en électricité à l'Ukraine.
La Slovaquie, qui dépend fortement du gaz russe, fait partie des pays les plus touchés. Elle importe chaque année environ trois milliards de mètres cubes de gaz naturel de Russie via l'Ukraine, ce qui représente les deux tiers de sa demande.
Toutefois, la Commission européenne a minimisé l'impact potentiel, un porte-parole ayant estimé que l'infrastructure gazière européenne était "suffisamment flexible" pour fournir du gaz d'origine non russe à l'Europe centrale et orientale via des itinéraires de substitution, et qu'elle avait été renforcée par de nouvelles capacités d'importation de gaz naturel liquéfié (GNL) à partir de 2022.
Mark Cigoj, rédacteur en chef de l'hebdomadaire croate 7 Dnevno, a noté que la Slovaquie, l'Autriche et la Hongrie étaient particulièrement vulnérables, étant donné leur dépendance au gaz russe et l'absence d'accès direct aux importations de GNL.
APPROVISIONNEMENT, TENSIONS SUR LES PRIX
L'autorité slovaque de régulation des industries de réseau, le régulateur énergétique du pays, a prévu une augmentation des prix du gaz pour les ménages de 15% à 34% en 2025 sans l'aide de l'Etat à l'énergie.
Pour en atténuer l'impact, le gouvernement slovaque a alloué environ 235 millions d'euros à l'aide à l'énergie, ce qui pèse encore plus lourd sur le budget déjà serré du pays.
SPP, la société publique slovaque de distribution de gaz, a assuré mercredi la continuité de l'approvisionnement, tout en reconnaissant l'augmentation des coûts des solutions de remplacement.
La Moldavie, qui importe environ deux milliards de mètres cubes de gaz par an de Russie via l'Ukraine, a adopté mercredi des mesures visant à réduire la consommation d'électricité d'au moins 30%.
Ces mesures comprennent la limitation de l'éclairage public, l'arrêt des escaliers mécaniques dans certains bâtiments publics et commerciaux et la modification des heures de travail dans les secteurs à forte consommation d'énergie.
En 2023, environ 15 milliards de mètres cubes de gaz russe ont été transportés vers l'Europe via l'Ukraine, ce qui représente environ 5% des besoins de l'Europe. Après l'arrêt du transit ukrainien, le gazoduc TurkStream, qui passe sous la mer Noire, devient la seule voie d'acheminement du gaz russe vers l'Europe.
Selon la Commission européenne, la part du gaz russe acheminé par gazoduc dans les importations de l'UE a chuté de plus de 40% en 2021 à environ 8% en 2023.
Toutefois, M. Cigoj a fait remarquer que l'UE devait élaborer un plan clair pour coordonner les achats de gaz entre les Etats membres, avertissant que l'augmentation des marges et des coûts de transport ferait grimper les prix du gaz, ce qui alimenterait encore davantage l'inflation.
LE CHANGEMENT FAIT GRIMPER LES COUTS
Alors que de nombreux pays européens ont considérablement réduit leur dépendance au gaz russe depuis le début du conflit entre la Russie et l'Ukraine, des pays comme la Slovaquie, la Hongrie et l'Autriche en restent tributaires.
La vice-Première ministre et ministre de l'Economie slovaque, Denisa Sakova, a affirmé mardi que la Slovaquie était techniquement bien préparée à l'arrêt des livraisons de gaz, car le pays dispose de réserves suffisantes et d'autres sources d'approvisionnement pour l'année 2025.
Toutefois, elle a mis en garde contre les difficultés qui pourraient survenir si le problème persistait pendant la saison de chauffage de l'hiver prochain.
Il est évident que les pays européens devront s'organiser pour acheter du gaz beaucoup plus cher auprès d'autres sources à l'avenir, a conclu M. Cigoj.
Markus Krug, directeur adjoint du département gaz de l'autorité autrichienne de régulation de l'énergie E-Control, a prédit que le gaz russe continuerait probablement à transiter par la Turquie, approvisionnant ainsi la Hongrie. Il a estimé que l'approvisionnement en gaz de la Slovaquie pourrait provenir principalement de la Hongrie, le reste provenant de l'Autriche, de la République tchèque et de la Pologne.
Le gazoduc TurkStream, d'une capacité annuelle de 31,5 milliards de mètres cubes, n'a qu'une capacité limitée pour absorber l'augmentation de la demande. Pour combler le déficit, l'UE devra recourir davantage aux importations de GNL, dont le coût est nettement plus élevé.