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Un canal qui change la donne -- le parcours du Panama vers sa souveraineté (REPORTAGE)

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French.china.org.cn | Mis à jour le 24-12-2024
Agence de presse Xinhua | 24. 12. 2024

Le président du Panama José Raul Mulino a rejeté dimanche les récentes menaces faites par le président américain élu Donald Trump de reprendre le contrôle du canal de Panama, réaffirmant que "la souveraineté et l'indépendance" de son pays n'étaient pas "négociables".

"Je veux exprimer précisément que chaque mètre carré du canal de Panama et sa zone adjacente appartiennent au Panama, et continueront d'appartenir au Panama", a déclaré M. Mulino sur le réseau social X.

"Chaque Panaméen, ici ou n'importe où dans le monde, le garde dans son cœur, et cela fait partie de notre histoire de lutte et de conquête irréversible", a-t-il ajouté.

Le canal de Panama, une voie navigable artificielle au Panama qui relie l'Atlantique au Pacifique, a été achevé par les Etats-Unis en 1914 et rendu au Panama en 1999 en vertu d'un traité signé par le président américain de l'époque Jimmy Carter et le dirigeant panaméen de l'époque Omar Torrijos. L'accord abandonnait le contrôle américain sur le canal d'ici l'an 2000 et garantissait sa neutralité.

UNE NATION "FAITE"

En 2019, le documentaire américain "Panama Canal" a été projeté. Alors que le film met en évidence l'importance mondiale du canal, il saute pourtant un chapitre clé : l'intervention des Etats-Unis dans la sécession du Panama de la Colombie, qui a assuré le contrôle américain du canal pendant près d'un siècle.

"Pour construire le canal, les Etats-Unis avaient aidé le Panama à obtenir son indépendance de la Colombie, démembrant ainsi une république sœur pour obtenir un traité sur le canal qui a protégé les intérêts américains", a écrit l'historienne panaméenne Marixa Lasso dans son livre "Effacée: l'histoire indicible du canal de Panama".

En 1821, le Panama déclare son indépendance de l'Espagne et intégré la République de la Grande-Colombie. Vers le milieu du IXXe siècle, son emplacement stratégique a attiré l'intérêt des Etats-Unis, en particulier lorsque le pays cherchait un canal transocéanique. En 1903, le traité Herran-Hay est signé, accordant aux Etats-Unis le droit de construire un canal. Cependant, il a été rejeté par le parlement colombien pour des raisons de souveraineté.

Le président américain d'alors, Theodore Roosevelt, a laissé entendre qu'il soutenait l'indépendance du Panama dans une lettre à son ami Alber Shaw : "En privé, je vous dis librement que je serais ravi si le Panama était un Etat indépendant, ou s'il le devenait aujourd'hui".

Le 3 novembre 1903, des navires de guerre américains ont soutenu une révolte qui a conduit à la sécession du Panama. En quelques jours, les Etats-Unis ont reconnu le nouveau pays et ont rapidement obtenu le traité Hay-Bunau-Varilla, lui accordant "l'utilisation, l'occupation et le contrôle" de la zone du canal à perpétuité pour des frais modestes.

"J'ai fait le Panama", a déclaré M. Roosevelt.

La Construction du canal de Panama a commencé sous contrôle américain en 1904 et a été achevée en 1914.

La Zone environnante du canal de Panama, une bande de 16,09 kilomètres de large couvrant 1.432 kilomètres carrés, fonctionnait comme un "Etat à l'intérieur d'un autre" sous juridiction américaine. Elle avait son propre gouverneur, administration et commandement militaire, avec le drapeau américain flottant au-dessus.

Entre 1913 et 1916, les Etats-Unis ont relocalisé de force des résidents indigènes, démantelant les villes panaméennes et déplaçant environ 40.000 personnes sans compensation adéquate.

Une lettre conservée aux Archives nationales des Etats-Unis, signée par diverses victimes et envoyée le 30 septembre 1914, déclarait que les habitants de la zone étaient traités encore plus durement que les "criminels féroces". On leur avait refusé "un endroit pour vivre et manger, nos terres et nos maisons nous ont été enlevées sans nous payer justement ce qu'elles valaient".

Dans les années 1920, les Etats-Unis ont tenté d'établir le traité Kellogg-Alfaro échoué, qui a été rejeté parce qu'il visait à légaliser la présence de troupes américaines sur le sol panaméen.

"Ce traité a complètement transformé le Panama en une base militaire américaine, c'est-à-dire un tremplin militaire pour le reste de l'Amérique latine", a rappelé Julio Yao, ancien conseiller en politique étrangère et président d'honneur du centre d'études stratégiques asiatiques du Panama.

"LE MONDE A MIS SON VETO AUX ETATS-UNIS"

La lutte menée par le Panama depuis des décennies pour recouvrer sa souveraineté sur le canal de Panama a atteint son point d'ébullition dans les années 1960. L'escalade des protestations et la diplomatie internationale ont fini par remodeler les relations du pays avec les Etats-Unis.

Inspirés par la nationalisation du canal de Suez par l'Egypte en 1956, les Panaméens ont multiplié les appels à la révision du traité du canal de Panama.

Le 9 janvier 1964, les "protestations du drapeau" ont dégénéré en affrontements violents après que des résidents américains de la zone du canal de Panama eurent déchiré un drapeau panaméen, se souvient Federico Alvarado, aujourd'hui âgé de 78 ans, qui faisait partie des manifestants. Pendant quatre jours, les forces américaines ont ouvert le feu sur les manifestants, faisant plus de 20 morts et plusieurs centaines de blessés graves.

La violence a incité le Panama à faire appel aux instances internationales. En 1973, le Conseil de sécurité des Nations Unies a tenu une session extraordinaire dans la ville de Panama, au cours de laquelle le général défunt Omar Torrijos, a prononcé un discours cinglant condamnant le colonialisme américain.

"Nous n'avons jamais été, nous ne sommes pas et nous ne serons jamais un Etat associé, une colonie ou un protectorat, et nous n'ajouterons pas une étoile de plus au drapeau des Etats-Unis", a déclaré M. Torrijos.

Un projet de résolution soutenant la souveraineté du Panama a obtenu le soutien de 13 des 15 membres du Conseil de sécurité, le Royaume-Uni s'abstenant. Cependant, les Etats-Unis ont exercé leur droit de veto, bloquant la résolution malgré son large soutien.

"Les Etats-Unis ont opposé leur veto à la résolution du Panama, mais le monde a opposé son veto aux Etats-Unis", a déclaré le ministre panaméen des Affaires étrangères de l'époque, Juan Antonio Tack.

Le veto a galvanisé la sympathie internationale pour la cause du Panama. Le monde comprenait enfin la lutte du Panama, a déclaré M. Yao.

En septembre 1977, les traités Torrijos-Carter ont été signés, établissant que le canal de Panama passerait sous contrôle panaméen le 31 décembre 1999.

L'INDEPENDANCE RESTE DIFFICILE A OBTENIR

"Les Américains ont toujours trompé le Panama avec une date ultérieure et n'ont jamais quitté le Panama", a rappelé M. Yao.

Même après la signature des traités Torrijos-Carter en 1977, les Etats-Unis ont continué à affirmer leur domination stratégique sur le canal de Panama.

L'invasion américaine du Panama, baptisée l'Opération "Juste Cause" par Washington, a débuté le 20 décembre 1989 et s'est poursuivie jusqu'en janvier 1990, avec pour objectif explicite de capturer l'homme fort du Panama, Manuel Noriega, accusé de trafic de stupéfiants et de crime organisé.

Trinidad Ayola, aujourd'hui âgée de 68 ans, dont le mari a été tué par les forces d'invasion américaines, a déclaré que la douleur et les injustices de l'incursion militaire de 1989 la hanteront toujours.

Avant que Mme Ayola ne rentre chez elle et n'apprenne la perte de nombreuses vies panaméennes, elle avait cherché son mari à l'aéroport, où elle avait rencontré des soldats américains qui avaient "chargé leurs armes".

"J'aurai toujours l'impression que c'était hier. Je dois vivre avec cette douleur toute ma vie", a révélé Mme Ayola, présidente de l'Association des parents et amis des personnes tombées au champ d'honneur du 20 décembre.

Plus de 26.000 soldats américains ont participé à l'opération, qui a abouti à l'arrestation de M. Noriega et à la dissolution des forces armées panaméennes. L'invasion a eu un impact significatif sur l'histoire du pays d'Amérique centrale, causant un nombre indéterminé de victimes et de retombées politiques.

"Selon les Etats-Unis, l'objectif était d'éliminer M. Noriega (...) mais en réalité, ce qu'ils voulaient, c'était de détruire les forces de défense", a déclaré Sebastian Vergara, qui a présidé l'association de 1996 à 2001. Son père, un civil, a été l'une des nombreuses victimes innocentes de l'invasion.

Rolando Murgas, président de la Commission du 20 décembre, un groupe qui enquête sur la vérité derrière l'invasion, estime que "l'invasion (...) visant à écraser toutes nos revendications passées et notre dignité nationale".

La commission a enregistré plus de 400 victimes, allant d'un nourrisson d'un mois à un homme de 84 ans.

En 2022, le gouvernement panaméen a déclaré le 20 décembre Journée de deuil national.

M. Vergara cherche également à éduquer les générations futures sur l'invasion. "Si elle est enseignée en tant que matière dans les écoles, les jeunes seront conscients que ces situations ne doivent pas se répéter", a-t-il déclaré.

"L'oubli est interdit", a déclaré Mme Ayola.

LE PANAMA POUR LES PANAMEENS

C'était un jour de pluie. Le 30 décembre 1999, le drapeau américain a été abaissé pour la dernière fois, remplacé par le drapeau du Panama. Le transfert, officialisé le 31 décembre en vertu des traités Torrijos-Carter, a marqué le début d'une nouvelle ère pour le Panama.

"Après la transition, seul le drapeau panaméen, un énorme drapeau, a été hissé", a rappelé Jorge Luis Quijano, ancien administrateur du canal de Panama de 2012 à 2019.

"Pour le monde, ce n'était qu'un jour comme les autres, mais pour les Panaméens, c'était monumental", a-t-il déclaré.

Avec le contrôle total du canal, le Panama a introduit des postes de police, des tribunaux et le droit civil dans la zone du canal, les Panaméens remplaçant le personnel américain dans la gestion des opérations.

Sous l'administration du Panama, des efforts considérables ont été déployés pour agrandir le canal afin de répondre aux besoins de la navigation moderne, d'autant plus que les anciennes écluses avaient du mal à accueillir de plus gros navires. L'expansion du canal, achevée en 2016, a été essentielle pour positionner le Panama en tant qu'acteur clé du commerce mondial.

Aujourd'hui, le canal gère environ 5% du commerce maritime mondial, cimentant le rôle du Panama en tant que plaque tournante de la logistique, du commerce et de la finance.

La zone de libre-échange de Colon au Panama est l'une des plus grandes de l'hémisphère occidental. L'aéroport international de Tocumen est une plaque tournante vitale reliant les Amériques. La capitale Panama est également devenue un centre financier pour l'Amérique latine, abritant de grandes banques d'Amérique, d'Europe et d'Asie.

L'importance du canal dépasse le commerce. Au Musée du canal de Panama, un restauré drapeau déchiré lors des "manifestations du drapeau" de 1964 rappelle aux visiteurs les sacrifices consentis pour la souveraineté. L'inscription "Qui sème les drapeaux, récolte la souveraineté" met en relief son passé.

"Nous appartenons à ces patriotes qui ne veulent pas être oubliés", a déclaré Joaquin Vasquez, un représentant de l'Association Canal Sentinel.

Pour M. Yao, le parcours de la nation reflète des luttes plus larges dans les pays du Sud global. M. Yao établit des parallèles avec des régions comme l'Afrique et le Moyen-Orient, notant que les histoires partagées de domination et de résilience façonnaient leur voie à suivre.

"C'est un grand réveil pour une région qui a été très appauvrie, très dominée, très influencée et très manipulée. Je pense qu'il y a des raisons d'être optimiste", a déclaré M. Yao.

"Je crois très fermement aux pays du Sud global", a ajouté M. Yao. "Nous sommes sur le bon chemin."

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Source: Agence de presse Xinhua
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