La duettiste franco-allemand éprouvée par les crises politiques
La France et l'Allemagne, qui constituent le "double moteur" de l'intégration européenne, ont récemment été confrontées à d'importants dilemmes politiques, dont la chute des taux d'approbation des partis au pouvoir, la dissolution de leurs parlements nationaux, des effondrements de coalitions et des remaniements ministériels.
Ces troubles domestiques surviennent dans un contexte de pressions internes et externes, suscitant des inquiétudes quant à la stabilité et à l'élaboration des politiques dans les deux pays.
UNE FRANCE DIVISEE
Le président français Emmanuel Macron a nommé vendredi François Bayrou au poste de Premier ministre, le quatrième à être nommé cette année, après qu'un vote de censure a évincé la semaine dernière son prédécesseur, Michel Barnier.
M. Bayrou est désormais chargé de former un gouvernement et de faire adopter le projet de budget pour 2025 par l'Assemblée nationale.
L'impasse politique française a commencé avec les élections européennes de cet été, lors desquelles le parti Renaissance de M. Macron a connu une lourde défaite et le Rassemblement national d'extrême droite une victoire. Ce revers a déclenché une crise de confiance qui a conduit M. Macron à dissoudre l'Assemblée nationale et à convoquer des élections législatives.
La coalition centriste de M. Macron a perdu sa majorité lors des élections législatives, ce qui a donné lieu à un paysage politique fragmenté, divisé entre la gauche, les alliances centristes et les partis d'extrême droite.
Pendant ce temps, la France se débat avec un énorme déficit budgétaire qui s'élève à 6,1% de son PIB, que M. Bayrou a qualifié d'"Himalaya".
Un parlement fragmenté minera inévitablement la capacité de l'administration Macron à élaborer des politiques, ce qui pourrait conduire à une période incertaine de chaos politique.
ELECTIONS ANTICIPEES EN ALLEMAGNE
L'Allemagne, la plus grande économie d'Europe, est également plongée dans une crise politique. La coalition gouvernementale composée du Parti social-démocrate, du Parti libéral-démocrate (FDP) et des Verts, qui a pris ses fonctions fin 2021, s'est effondrée en novembre à la suite de désaccords de longue date sur des questions telles que la politique fiscale.
Le limogeage du chef du FDP, Christian Lindner, du poste de ministre des Finances a laissé au chancelier Olaf Scholz un gouvernement minoritaire.
En conséquence, le gouvernement devra faire face à un vote de confiance la semaine prochaine au Bundestag, la chambre basse du Parlement allemand. On s'attend à ce que M. Scholz perde ce vote de confiance, ce qui entraînerait la dissolution du parlement et la tenue des élections anticipées pendant 60 jours.
Les principaux partis allemands se sont mis d'accord pour organiser les élections fédérales le 23 février 2025. Un nouveau chancelier sera élu par le parlement nouvellement élu.
DES INCERTITUDES IMMINENTES
Toutes deux aux prises avec des dysfonctionnements administratifs, l'Allemagne et la France sont également à l'origine d'agendas divergents au sein de de l'Union européenne (UE), ce qui a sapé leur rôle de leaders du bloc, a commenté Wu Huiping, directrice adjointe du centre d'études allemandes de l'université de Tongji.
Selon Mme Wu, le ralentissement économique actuel de l'Allemagne pèse lourdement sur la cohésion au niveau de la direction du pays, mais les difficultés économiques sont difficiles à résoudre car elles sont dues à une combinaison de facteurs à court et à long terme.
Les défis à court terme comprennent la hausse des prix de l'énergie après l'éclatement du conflit entre la Russie et l'Ukraine, tandis qu'à long terme, l'économie allemande a été grevée par des coûts de main-d'œuvre et des impôts élevés sur les sociétés. Une bureaucratie trop lourde, un manque d'investissements dans les infrastructures, des dépenses sociales élevées et une aide substantielle à l'Ukraine sont autant de facteurs qui ont accentué les pressions sur les finances publiques du pays, a-t-elle ajouté.
Au cours des mois à venir, les gouvernements des deux pays seront testés sur leur capacité à relever des défis internes tels qu'une récession économique prolongée, ainsi qu'à atténuer les pressions externes telles que la guerre en Ukraine.
Comme l'a fait remarquer le journal espagnol El País, la crise politique dans les deux pays prive l'UE du "double moteur" dont elle a tant besoin et entrave la capacité de l'Union à répondre aux défis mondiaux.
"Il ne peut y avoir d'Europe forte sans une Allemagne et une France fortes", a-t-il souligné.