share

RDC : la situation de la province du Nord-Kivu est "préoccupante" et "imprévisible", selon son gouverneur (INTERVIEW)

Par : Laura |  Mots clés : RDC,M23,militaire
French.china.org.cn | Mis à jour le 09-05-2024
Agence de presse Xinhua | 09. 05. 2024

Plongée dans la guerre avec les rebelles armés et débordée par une des pires crises humanitaires au monde, la province du Nord-Kivu, épicentre des hostilités dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC), traverse une situation "préoccupante" et "imprévisible", a alerté son gouverneur militaire Peter Chirimwami, affirmant la détermination de ses hommes devant l'agression rebelle.


SITUATION "PREOCCUPANTE" ET "IMPREVISIBLE"


La province du Nord-Kivu traverse une situation sécuritaire "préoccupante" et "imprévisible", a résumé le général-major Peter Chirimwami dès le début d'un récent entretien accordé à Xinhua à Goma, chef-lieu du Nord-Kivu, où les combats font rage entre les militaires congolais et de multiples groupes armés depuis des années, accompagnée d'une des plus graves crises humanitaires dans le monde.

Les combattants du Mouvement du 23 mars (M23), issu d'une ancienne rébellion Tutsi congolaise, "ne font qu'avancer" et ont renforcé leurs lignes de front, notamment depuis février 2024, dans le sud de la province, a expliqué le gouverneur, notant également la résurgence meurtrière des rebelles des Forces démocratiques alliées (FDA), d'origine ougandaise et affiliés à l'organisation Etat islamique, dans le nord.

Pour contrer les violences infligées par le M23, les FDA, et une centaine d'autres groupes armés y proliférant, la province du Nord-Kivu et celle de l'Ituri se sont passées depuis mai 2021 en état de siège, où l'administration civile a été remplacée par les autorités militaires et policières.

"Même avec les opérations conjointes avec les armées ougandaises, ils (les FDA) ont commis récemment beaucoup de massacres contre les civils et de kidnappings", a expliqué le gouverneur militaire, précisant que l'agression du M23 se montre plus intensive depuis février dernier, où la rebellion s'est avancée jusqu'à Saké, une cité stratégique considérée comme le dernier verrou vers Goma, ville située dans le sud de la province.

Le M23 s'est entendu vers le nord de la province, a-t-il noté, ajoutant que les militaires se sont engagés pour en analyser les tactiques.

Mercredi, de nouveaux affrontements ont été signalés depuis tôt le matin sur plusieurs collines surplombant Saké, où des détonations d'armes lourdes et légères se font entendre en plein cœur de la ville.

Vendredi dernier, cinq roquettes sont tombées sur plusieurs camps de déplacés sur l'axe Goma-Saké, tuant au moins 18 déplacés, en majorité des femmes et des enfants, selon les Nations Unies, alertant que les refuges dans la zone sont hautement exposés à des risques élevés d'insécurité et de protection.


"NOUS SOMMES PRESQUE ENCERCLES"


Avec les principaux axes routiers entre Goma et ses environs occupés par le M23, la ville de Goma, peuplée d'environ deux millions d'habitants, qui voit sa population augmenter depuis plusieurs mois suite à la vague des déplacés, se trouve au bord de l'asphyxie, alors que l'accalmie sur le terrain est loin d'être observée sur les lignes de front.

"Tous les axes sont pratiquement bloqués (par le M23)", a indiqué le général-major, notant que la province "a une seule ouverture" : le lac Kivu, où errent souvent entre Goma et quelques villages de la province voisine du Sud-Kivu des embarcations civiles, toutes à portée d'artillerie du M23.

"Nous sommes presque encerclés. Mais ce n'est pas très grave, parce que nous avons développé une (...) résilience", a affirmé le gouverneur militaire.

En novembre 2012, les rebelles du M23 prenaient le contrôle de Goma et l'occupaient pendant une dizaine de jours. Pour M. Chirimwami, le M23, qui cherche une nouvelle fois à faire tomber la capitale du Nord-Kivu, se fait des illusions.

"L'intention de l'ennemi, c'est de prendre le contrôle de Goma. Ils ont voulu nous couper de toutes les artères pour nous forcer à quitter la ville. Je pense qu'ils se sont trompés, parce qu'on est là : on est en ville", a-t-il insisté.

Cependant, Goma retient son souffle avec l'afflux de civils dans les camps des déplacés, ce qui risque d'aggraver la crise humanitaire déjà précaire, avec l'approvisionnement en denrées lourdement asphyxié par l'avancée du M23.

Selon un rapport en février 2024 par le Conseil norvégien pour les réfugiés (CNR), une organisation qui suit les déplacements dans le monde entier, les combats menacent d'isoler Goma et de compromettre l'aide humanitaire de millions de personnes.

"L'isolement progressif de la ville entrave la capacité des organisations humanitaires internationales à atteindre les personnes déplacées dans la région orientale, exacerbant une situation déjà désastreuse", s'est alarmé le CNR.


"LA LIGNE DEFENSIVE EST LA"


Avec le départ d'une force régionale déployée par certains pays membres de la Communauté d'Afrique de l'Est (CAE), la RDC compte maintenant sur ses opérations militaires conjointes avec la Communauté de développement d'Afrique australe (CDAA), tout en divorçant avec la mission de maintien de la paix des Nations Unie, connue sous le nom de MONUSCO.

"Nous avons la CDAA avec nous. Donc, nous avons une force qui nous permet de resister pendant longtemps," a expliqué le gouverneur militaire, sans détailler davantage le plan à venir. "Mais je sais qu'ils font un bon travail et ils vont continuer de le faire."

Composée essentiellement d'éléments militaires de l'Afrique du Sud, de la Tanzanie et du Malawi, cette force de la CDAA, avec un mandat offensif, remplace depuis janvier 2024 la force régionale de la CAE. Les autorités de la RDC ont jugé la force régionale de la CAE inefficace et refusé de renouveler son mandat.

"La cité de Saké est toujours sous notre contrôle. La ligne défensive est là. On continue à s'attaquer aux rebelles," a-t-il rassuré. "Nous et la population, nous sommes certains que nous sommes capables de résister".

Avec la MONUSCO qui déclenche leur départ définitif des zones d'opérations dans le pays, dont le Nord-Kivu, au plus tard fin 2024, le gouverneur militaire a indiqué être en attente du plan de désengagement et disposé à l'observer sur le terrain.

La partie orientale de la RDC, en proie aux violences et même aux guerres depuis environ trois décennies, connaît l'une des plus graves crises humanitaires au monde, mais aussi l'une des plus complexes, prolongées, persistantes et négligées, selon les Nations Unies.

Selon le Haut-Commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR) en mars dernier, deux années de conflit cyclique au Nord-Kivu ont forcé plus de 1,3 million de personnes à fuir leurs maisons en RDC, conduisant à un total de 5,7 millions de personnes déplacées à l'intérieur des provinces du Nord-Kivu, du Sud-Kivu et de l'Ituri.

"Avec toutes les crises dans le monde, il est urgent de résoudre la famine des déplacés", a conclu le gouverneur militaire.

Suivez China.org.cn sur Twitter et Facebook pour rejoindre la conversation.
Source: Agence de presse Xinhua
Retournez en haut de la page