share

Les femmes déplacées dans l'est de la RDC paient un lourd tribut en matière de violences sexuelles (REPORTAGE)

Par : Lisa |  Mots clés : RDC,Femmes,Société
French.china.org.cn | Mis à jour le 30-04-2024
Agence de presse Xinhua | 30. 04. 2024

A l'ombre de la guerre infligée par les rebelles armés dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC), les femmes déplacées paient un lourd tribut en matière de violences sexuelles, tentant de survivre au milieu de la spirale des tensions qui ne montre quasiment aucun signe d'apaisement pour le moment.

Dans le site de Bulengo situé à dix-sept kilomètres de la ville de Goma, chef-lieu de la province du Nord-Kivu, sur la route vers la cité de Saké, théâtre des combats entre les militaires congolais et les rebelles du Mouvement du 23 mars (M23), près d'un millier de cas de violences sexuelles ont déjà été enregistrés par les responsables du site et le comité de surveillance et d'alerte depuis l'arrivée des déplacés dans la zone en début d'année.

Depuis l'année dernière, environ 800.000 personnes ont trouvé refuge dans le site de déplacés de Bulengo, au quartier dit du "Lac vert", à la périphérie ouest de la ville de Goma, dont la majorité vient du territoire de Masisi, après avoir fui les combats toujours en cours entre les militaires et les rebelles du M23, qui ont pris le contrôle de nombreux territoires.

"Par semaine, il nous arrive d'enregistrer au minimum 60 à 90 cas de viols que les victimes elles-mêmes signalent à notre comité de surveillance dans le site. La majorité des cas que nous enregistrons proviennent des alentours des sites de déplacés lorsque les femmes sont en brousse à la recherche de légumes et de bois de chauffage", a déclaré Biogi Esperance, responsable du comité d'alerte au site de Bulengo.

Assise dans une salle de fortune aménagée par les ONG dans le site de Bulengo, une vingtaine de femmes, dont la majorité sont mère et femme au foyer, ont toutes une histoire à raconter concernant leurs bourreaux.

"J'ai aussi été violée (...) Ils m'ont violée aussi plusieurs fois (...) Nous sommes nombreuses ici dans le site de Bulengo, d'ailleurs les autres ne veulent juste pas venir parler par peur", peut-on entendre plusieurs femmes lancer dans la salle lors de l'entretien avec Xinhua.

"Si l'on parlait, nos maris pourraient nous quitter. Même si l'on parlait, rien ne changerait", a murmuré une victime, d'une voix entrecoupée.

Des femmes violées dont l'histoire est connue font également face aux abandons de leurs conjoints qui majoritairement décident de quitter leurs familles pour aller vivre ailleurs par honte. Une situation qui traumatise de plus en plus certaines victimes qui souffrent doublement, selon le dire de Mme Biogi Espérance.

Josiane, mère de six enfants, a confié avoir déjà été violée plusieurs fois à ce jour depuis novembre dernier, parfois en route vers la brousse à quelques kilomètres de là pour chercher du bois de chauffage à revendre autour de sa tente, où elle habite avec sa famille.

Avec un visage d'amertume et déception, Josiane a souligné que l'une de ses filles âgées de 17 ans avait déjà fait aussi l'objet d'un viol dans les mêmes circonstances au mois de janvier dernier. À en croire des témoignages recueillis auprès de femmes dans la zone, c'est souvent sous la pluie que des filles et femmes sont tombées entre les mains de prédateurs sexuels par manque d'endroits pour s'abriter.

"C'est soit par manque d'un abri ou même par manque de quoi manger que la majorité des femmes sont victimes de viol ici dans le site généralement. Les gens ont faim et n'ont rien à donner à leurs familles, et donc sont souvent victimes d'abus sexuels masqués par contrainte", a indiqué à Xinhua un responsable membre du comité de gestion du site de Bulengo.


"UN TERRIBLE ENGRENAGE"


Avec les combats entre les militaires congolais et les rebelles du M23 se rapprochant des sites de déplacés, les groupes armés omniprésents alimentent les violences sexuelles, une situation par rapport à laquelle plusieurs organisations qui opèrent dans la prise en charge des victimes déplacées ont donné l'alerte.

Un grand nombre de victimes interrogées sur place accusent les personnes avec des armes à feu d'être responsables de viol contre les femmes autour du site des déplacés et ailleurs, et plus particulièrement les groupes armés, dont certaines positions de combats sont depuis un moment proches des sites de déplacés situés sur la route entre Goma et Saké.

"Il y a même des groupes armés qui trouvent actuellement refuge autour du site des déplacés lorsqu'ils se replient de la zone de combat et c'est pour ça que certaines bombes ennemies arrivent maintenant à toucher même une partie du camp. Des cas de kidnappings sont régulièrement signalés au sein du site et des femmes et jeunes filles mineures hautement exposées face à cette situation", a pour sa part insisté un responsable local anonyme de la société civile du Nord-Kivu. "C'est un terrible engrenage", a-t-il insisté.

Fin mars, Peter Chirimwami, gouverneur militaire de la province du Nord-Kivu a souligné que la province du Nord-Kivu comptait actuellement plus de 2.700.000 déplacés internes qui ont fui les affrontements entre les militaires congolais et les rebelles du M23.

"Avec cet afflux massif de déplacés, la situation dans les camps de déplacés autour de Goma devient intenable, car il y a environ dix morts enregistrées par jour dans les camps de déplacées dues aux épidémies et à l'insécurité", a précisé mardi Peter Chirimwami. 

Suivez China.org.cn sur Twitter et Facebook pour rejoindre la conversation.
Source: Agence de presse Xinhua
Retournez en haut de la page