RDC : Minova, une ville martyre enclavée par une crise humanitaire dans l'oubli (REPORTAGE)
Avec une population d'environ 46.000 résidents et plus de 300.000 déplacés de guerre, la ville de Minova, coincée entre le Lac Kivu et les montagnes, est considérée comme une ville martyre, enclavée par une crise humanitaire dans l'oubli qui dure depuis des décennies dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC), a observé Xinhua.
Située au bord du Lac Kivu dans la province du Sud-Kivu, la ville montagneuse de Minova se trouve aujourd'hui à sa limite face à l'afflux des déplacés internes fuyant le brasier de la guerre entre les militaires et la rébellion du Mouvement du 23 mars (M23) dans la province voisine du Nord-Kivu.
Depuis quelques mois, en dépit des opérations menées par les militaires congolais et leurs alliés des pays voisins pour déloger les rebelles, le M23 a pris le contrôle des quelques villes et territoires de la région, qui se trouve "complètement enclavée".
"Depuis que le combat approche notre territoire, nous sommes complètement enclavés ici sur tous les plans avec notre population et maintenant les déplacés qui traversent depuis le territoire de Masisi et autres, nous mettant encore dans une très grande difficulté", s'inquiète Jean-Paul Kanku, chef de l'entité administrative qui régit Minova et douze villages aux alentours.
Pour les humanitaires dans la région, les besoins d'aide sont en constante augmentation et la logistique et la situation sécuritaire posent d'énormes problèmes actuellement dans cette partie du pays.
Minova ne se ravitaille que par les embarcations, majoritairement en bois, qui errent sur le Lac Kivu. Selon les autorités locales, la navigation entre Minova et Goma, ville stratégique et chef-lieu du Nord-Kivu, est hantée par les bombardements du M23.
Sur la Route nationale N2, au nord, le chemin entre Minova et Goma, parcourant environ 50km, reste toujours bloqué par les hostilités entre les militaires et les rebelles, alors qu'au sud, le chemin est complètement infranchissable, emporté à plusieurs endroits par des glissements de terrain.
UNE CRISE AGGRAVEE
Selon les Nations Unies, la ville de Minova, épargnée pour l'instant par le M23, vit dans une des crises humanitaires les plus oubliées, avec les regards tournés principalement vers la ville de Goma, qui craint d'être tombée entre les mains du M23.
"Il faut qu'on attire l'attention du monde sur ce que les déplacés de Minova traversent actuellement depuis leur arrivée. Avec la situation sécuritaire en cours dans la région et l'enclavement, (...) il est important qu'on comprenne que cette population a besoin d'une aide urgente", a déclaré à Xinhua un membre du Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires dans la zone de crise sous couvert d'anonymat.
Les avancées du M23 ont aggravé les crises sécuritaires et humanitaires dans la région. La RDC a accusé le Rwanda de soutenir les rebelles du M23, une accusation rejetée à la fois par Kigali et par le M23. Dans un contexte de tensions persistantes, la communauté internationale et les dirigeants régionaux continuent d'appeler à une solution politique et pacifique, soulignant la nécessité de négociations directes.
Sous la médiation du président angolais Joao Lourenço, le président rwandais Paul Kagame et le président congolais Félix Tshisekedi ont accepté la tenue d'une réunion pour résoudre la crise. Les délégations ministérielles des deux parties sont en train de travailler dans ce sens, même si la date et le lieu d'une telle réunion restent à déterminer.
Sur place à Minova, des centaines de personnes dont femmes et enfants, qui vivaient sous les bombardements de la rebellion, s'entassent dans des sites temporaires, des églises et quelques familles d'accueil, dans une situation précaire, sans aucune aide alimentaire acheminée depuis leur arrivée.
"J'ai été obligé de quitter ma maison à (la cité de) Shasha (Nord-Kivu) début février lorsque les rebelles du M23 ont pris le contrôle de mon village sous un bombardement intense. Beaucoup de gens ont été touchés par des tirs en cours de route alors qu'on essayait de traverser vers le Sud-Kivu", a déclaré Madeleine Muhoza, mère de douze enfants actuellement déplacée à Minova depuis février dernier.
Par manque d'infrastructures et de sites appropriés, c'est dans les installations scolaires éparpillées à travers la ville que les déplacés s'installent et partagent avec les élèves.
Dans des salles de classe, les cours se poursuivent en pleine journée avec des déplacés dormant et réchauffant leur nourriture à côté, une situation qui perturbe la vie des élèves et les activités scolaires.
"C'est une situation hors norme que nous observons ici. Malheureusement, nous n'avons pas le choix et nous essayons malgré tout de faire de notre mieux pour sauver l'année scolaire, surtout pour les classes terminales", a souligné Barbara Viviane, enseignante d'une école primaire pour les enfants en sixième année.
Les autorités et les responsables des écoles craignent également pour la vie des élèves qui depuis un moment sont mélangés avec les déplacés dans les installations sanitaires alors que le choléra a déjà fait son apparition depuis janvier dernier. Selon les autorités sanitaires dans la zone, une soixantaine de cas de choléra, dont des morts, ont été déjà enregistrés.








