Un expert de la CNUCED explore les raisons derrière la tourmente du commerce maritime mondial (INTERVIEW)

La combinaison de crises, à savoir les perturbations en mer Rouge, en mer Noire et les défis liés à la sécheresse impactant gravement le canal de Panama, entraîne des conséquences au niveau du commerce maritime mondial, dont la diminution significative du nombre de navires traversant ces routes maritimes, a déclaré Jan Hoffmann, chef de la branche de la logistique commerciale de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) lors d'une récente interview à Xinhua.

La CNUCED a récemment publié une étude intitulée "Naviguer en eaux troubles : L'impact sur le commerce mondial de la perturbation des routes maritimes en mer Rouge, mer Noire et canal de Panama", mettant l'accent sur les répercussions de ces perturbations sur le commerce maritime mondial.

"En 2023, environ 22% du commerce mondial de conteneurs passait par le canal de Suez, le passage le plus court reliant l'Europe à l'Asie. Aujourd'hui, plus de 20% des navires ne traversent plus le canal", a souligné M. Hoffmann.

Concernant la gravité de la situation, l'expert de la CNUCED a exprimé de sérieuses préoccupations. "La crise en mer Rouge a le potentiel de perturber les chaînes d'approvisionnement de secteurs tels que la construction, l'automobile, la chimie et la machinerie, qui dépendent des importations intermédiaires de la région Asie-Pacifique", a-t-il déclaré.

"L'approvisionnement énergétique, la sécurité alimentaire, et la durabilité environnementale pourraient être affectés. Nous constatons déjà une augmentation des prix de l'énergie et des denrées alimentaires, ce qui fait peser des risques inflationnistes", a-t-il ajouté.

Depuis novembre 2023, on constate une augmentation remarquable des tarifs de fret moyen pour les conteneurs. "La plus forte augmentation hebdomadaire jamais enregistrée, de 500 dollars américains, a eu lieu lors de la dernière semaine de décembre 2023", a révélé M. Hoffmann.

"Cette tendance s'est poursuivie depuis. Les tarifs de transport de conteneurs spot moyens en provenance de Shanghai ont plus que doublé depuis début décembre (+122%). Ils ont triplé pour l'Europe (+256%) et sont même plus élevés que la moyenne (+162%) pour la côte ouest des Etats-Unis, bien que les navires ne passent pas par Suez".

La sécheresse extrême du canal de Panama, exacerbée par le phénomène El Nino, suscite de sérieuses préoccupations et est susceptible de persister jusqu'en mai. "La situation nous préoccupe beaucoup plus que celle du canal de Suez", a souligné l'expert de la CNUCED. "Le canal de Panama enregistrait généralement plus de 13.000 passages par an et représente près de 5% du commerce mondial. Au cours des deux dernières années, en raison de la sécheresse, le niveau d'eau a été bas".

"Le canal de Suez est une source importante de revenus en devises étrangères pour l'Egypte", a noté M. Hoffmann. "Il a contribué à hauteur de 9,4 milliards de dollars américains au cours de l'année fiscale précédente, ce qui équivaut à 2,3% du PIB en 2023".

De plus, les effets néfastes s'étendent à d'autres pays africains fortement dépendants du canal de Suez pour le commerce extérieur, tels que Djibouti, le Kenya, la Tanzanie et le Soudan.

M. Hoffmann souligne l'importance de continuer à surveiller les conséquences évolutives de ces trois crises, qui transforment fondamentalement le paysage du transport maritime et du commerce international.