Les "Deux sessions", une fenêtre pour mieux comprendre le développement de la Chine, selon des experts (SYNTHESE)
Des experts internationaux ont fait part de leur intérêt envers les politiques et programmes prévus cette année par la Chine et dévoilés lors des "Deux sessions" organisées à Beijing du 4 au 11 mars.
Celles-ci sont les réunions annuelles de l'Assemblée populaire nationale (APN), l'organe législatif suprême du pays, et du Comité national de la Conférence consultative politique du peuple chinois (CCPPC), l'organe consultatif politique suprême.
Malgré les défis externes et internes, la Chine a enregistré un taux de croissance de 5,2% en 2023. Et pour cette année, elle vise à atteindre une croissance d'environ 5%, selon un rapport d'activité du gouvernement présenté mardi à l'APN pour délibération.
"Cet objectif de croissance est bien adapté aux conditions nationales de la Chine", aux yeux de Luis Fernandez, chercheur principal au Centre de recherche sur l'économie mondiale de l'Université de La Havane. "La Chine a conçu un modèle de développement économique de haute qualité pour l'étape actuelle, préconisant l'économie verte et le développement de la haute technologie. Cela insufflera une forte vitalité à l'économie mondiale".
DE NOUVELLES FORCES PRODUCTIVES DE QUALITE
Pour atteindre cet objectif de croissance, le rapport d'activité du gouvernement propose de moderniser le système industriel et d'accélérer le développement de nouvelles forces productives de qualité, ce qui créera un meilleur paysage économique de la Chine.
"Le concept de 'nouvelles forces productives (de qualité)' est une bonne réponse à l'immense potentiel que recèlent les derniers développements scientifiques et technologiques, tels que l'intelligence artificielle, pour accroître notre productivité, tout en la rendant plus durable et respectueuse de l'environnement et en réduisant le recours au travail humain", estime Michael Schumann, président de l'Association fédérale allemande pour le développement économique et le commerce extérieur.
La Chine va lancer une initiative "IA Plus", intensifiera la recherche sur les technologies révolutionnaires et d'avant-garde, ainsi que favorisera des industries émergentes et des industries du futur, indique le rapport. Dans ce but, elle renforcera sa capacité d'innovation originale et formera un plus grand nombre de scientifiques et d'équipes d'innovation de premier plan.
Selon l'indice mondial de l'innovation 2023 publié par l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle, la Chine, qui se classe au 12e rang, est la seule économie à revenu intermédiaire à figurer parmi les 30 premières et à se rapprocher des 10 premières.
Jeffrey Sachs, professeur et directeur du Centre pour le développement durable de l'Université de Columbia, juge que les progrès technologiques de la Chine sont très rapides et que "ces progrès placent la Chine dans une position mondiale forte pour les années à venir".
Notant également que la Chine est "un moteur" en matière d'innovation, facteur de croissance et de productivité, Alsény Thiam, économiste guinéen et chercheur associé à l'Institut Prospective et sécurité en Europe (IPSE), pense que la Chine pourra apporter beaucoup au reste du monde, notamment à l'Afrique, à travers un transfert de compétences pour permettre au continent de pouvoir aussi transformer ses produits afin de les revendre à un juste prix.
UN DEVELOPPEMENT VERT ET DURABLE
"La Chine a redoublé d'efforts pour favoriser un mode de développement écologique et assurer une croissance économique et une protection de l'environnement bénéfiques à tous, dans le but de bâtir un pays où l'économie et l'environnement progressent de manière coordonnée", a récemment confié à Xinhua Elvis Ngolle Ngolle, haut fonctionnaire camerounais et professeur de relations internationales à l'Université de Yaoundé.
D'après le rapport d'activité du gouvernement, la Chine promouvra la révolution énergétique et œuvrera de manière active et prudente à atteindre le pic des émissions de CO2 et la neutralité carbone.
Elle améliorera également la conservation écologique et favorisera le développement vert et à faibles émissions de carbone, notamment en prenant des mesures globales pour améliorer l'environnement et en stimulant l'économie verte et à faibles émissions de carbone, indique le rapport.
Selon les statistiques, la consommation d'énergie propre en Chine représentait 26,4% de la consommation totale d'énergie, soit une augmentation de 0,4 point de pourcentage par rapport à l'année précédente.
A l'égard de l'industrie verte, par exemple, la production de véhicules à énergie nouvelle en Chine a augmenté de 30,3% d'une année sur l'autre pour atteindre 9,44 millions, et la production de cellules solaires a augmenté de 54% par rapport à 2022.
"La Chine a pris la tête de l'industrie des nouvelles énergies et de la fabrication de voitures intelligentes. Ces secteurs ont encore un énorme potentiel", note Yan Li, maître de conférences à la Nanyang Business School de l'Université technologique de Nanyang à Singapour.
En même temps, "la Chine est sincère dans ses engagements et prête à coopérer avec les pays pour réduire les émissions de carbone". Pour Amer Tamam, rédacteur en chef adjoint du journal officiel égyptien Akhbar, la Chine "tend à dépendre davantage des industries anti-pollution et à investir dans l'hydrogène vert et les énergies propres sur son territoire et dans les pays africains, dont l'Egypte".
UNE CHINE DE PLUS EN PLUS OUVERTE
Un autre point fort du rapport d'activité du gouvernement est la proposition de favoriser une ouverture de haut niveau, de s'aligner sur les règles économiques et commerciales internationales les plus strictes et d'élargir de manière stable l'ouverture institutionnelle.
Pour attirer les investissements étrangers, le rapport propose une série de mesures spécifiques telles que la poursuite de la réduction des restrictions d'accès aux investissements étrangers, la suppression complète de ces restrictions d'accès aux investissements étrangers dans le secteur manufacturier et l'assouplissement de leur accès aux télécommunications, aux soins médicaux et à d'autres services.
Selon des statistiques, l'utilisation réelle des investissements étrangers en Chine s'est élevée en 2023 à 1.133,91 milliards de yuans (157 milliards de dollars), soit le troisième niveau le plus élevé de l'histoire; de plus, 53.766 nouvelles entreprises à investissements étrangers ont été créées dans tout le pays, soit une augmentation de 39,7% d'une année sur l'autre.
Pour Rob Smith, directeur général du fabricant de chariots élévateurs Kion, la Chine est un énorme marché qui continue de croître. "Le succès de notre développement en Chine n'aurait pas été possible sans son environnement d'investissement amical et stable", a-t-il dit.
"La Chine possède la bonne gouvernance que les investisseurs ou les multinationales recherchent; elle est stable et a su s'ouvrir". D'après Mathias Eric Owona Nguini, politologue et vice-recteur de l'Université de Yaoundé I, "au fil des ans, le gouvernement a fait preuve d'un sens aigu de la crédibilité, de la transparence et de la lutte contre la corruption, ce qui a rendu la Chine propice aux investissements".
De plus, la croissance plus rapide de l'économie chinoise a des retombées positives sur le reste du monde. Une augmentation d'un point de pourcentage en Chine entraînerait, en moyenne, une hausse de 0,3% du niveau de production dans d'autres économies, selon les recherches du Fonds monétaire international.
Un rapport du Forum financier international montre que l'économie chinoise devrait contribuer à hauteur de 32% à la croissance économique mondiale en 2023, ce qui en fera le principal moteur de la croissance économique mondiale.
"Aujourd'hui, on ne peut pas avoir une croissance mondiale importante sans parler de la Chine et de son économie", estime M. Thiam, ajoutant que l'économie chinoise participe beaucoup à l'économie mondiale, qu'elle lui est "indispensable (...) pour sa bonne santé et pour sa vitalité".