Autour des années 1920, de nombreux jeunes Chinois sont venus en France pour étudier et travailler, à la recherche d'un horizon nouveau. Ils se sont temporairement installés à Paris, Lyon et Montargis etc. et ont fait admettre qu'il fallait "créer en Chine un parti marxiste et fort" dans la quête de la voie du salut national. Et pour le Parti communiste chinois (PCC), ces "thèses en ont été un peu le ferment, l'embryon", selon Jean-Louis Rizzo, professeur français agrégé d'histoire, qui a enseigné au lycée de Montargis et à l'Institut d'études politiques de Paris. "Le PCC a eu une grande faculté d'adaptation au fil des années", a-t-il déclaré.
Lors d'une interview récente accordée à Xinhua, M. Rizzo a raconté que pendant "la Conférence de la paix de Paris qui débute en janvier 1919", alors que les vainqueurs de la Première Guerre mondiale "ont donné raison au Japon, qui était aussi un allié pendant la guerre, contre la Chine", sur la reprises des "droits de l'Allemagne sur la région du Shandong", des milliers d'étudiants se sont réunis pour manifester le 4 mai 1919 à Beijing.
"Beaucoup de jeunes ont alors compris que d'une part, la République de Chine de 1912 n'était pas adaptée pour régler ces problèmes et que, d'autre part, l'anarchisme était quant à lui inopérant pour résoudre la situation", a-t-il dit.
"A partir de 1919, beaucoup de jeunes Chinois étaient attirés par la France, considérée à l'époque comme le pays des droits de l'homme, de la science avec Pasteur, et de la démocratie puisque c'est à cette époque une des rares démocraties européennes", a indiqué M. Rizzo.
Entre mars 1919 et décembre 1920, plus d'un millier de jeunes Chinois qui viennent en France dans le cadre du mouvement "Travail-Etude". "Parmi eux, plus de 300 viennent à Montargis, ce qui est beaucoup par rapport à l'ensemble de la France", a-t-il rappelé.
Selon M. Rizzo, il y a des raisons qui expliquent cet attrait pour Montargis. "Premièrement, la ville est tout près de Paris, à 110 kilomètres. Deuxièmement, Montargis était le berceau historique de ce mouvement et on vient ici par tradition. Troisièmement, les études et le coût de la vie à Montargis n'étaient pas élevés et beaucoup moins chers qu'à Lyon ou à Paris. Enfin, à Montargis l'accueil était très favorable".
Trois établissements scolaires de Montargis et l'usine Hutchinson ont accueillis les jeunes chinois avec une population locale favorable à leur présence. Il y avait aussi une volonté de rencontres mutuelles entre jeunes chinois et jeunes français. Il y a eu par exemple des cours dans les deux langues, mais aussi des cours de cuisine française et chinoise, a-t-il expliqué.
Parmi ces jeunes étudiants à Montargis, Cai Hesen y est arrivé en 1920. En juillet de l'année, il a rassemblé des jeunes chinois dans le jardin Durzy pour discuter de l'avenir de la Chine et du monde, a raconté le professeur, "ces thèses de Montargis rédigées lors de ces échanges, sont envoyées à un ami de Cai Hesen resté en Chine et comme lui, originaire du Hunan, c'est Mao Zedong. Tous deux vont s'échanger deux lettres chacun, se disant qu'ils sont d'accord avec cette théorie... et les thèses de Montargis en ont été un peu le ferment, l'embryon" pour le PCC.
"C'est une histoire fantastique, a dit M. Rizzo, car vous avez au départ des jeunes, peu politisés qui arrivent dans une France où la politique commence à prendre de l'importance : grèves dans les ports, dans les mines. L'atmosphère sociale en France était très agitée et cela rejaillit sur ces jeunes chinois qui travaillent alors en usine comme les Français, connaissant et subissant leurs difficultés".
Ces jeunes Chinois allaient donc rapidement "passer du travail à l'analyse politique, étant de plus en plus séduits par le marxisme et au fond, ils ne peuvent pas imaginer que 30 ans plus tard, ils joueront un rôle très important dans la République populaire de Chine à partir de 1949", tels que Chen Yi, Zhou Enlai et Deng Xiaoping, a-t-il déclaré.
"Pour moi, le PCC a fait preuve d'une remarquable capacité d'adaptation", a dit le professeur. "Il sait parler aux ouvriers et aux paysans. Il y a eu aussi la personnalité du président Mao Zedong qui était à la fois un politique, un philosophe et qui a pu guider les premiers pas de la Chine. Enfin, la politique de Deng Xiaoping, qui a réussi à maintenir un régime politique communiste tout en réussissant l'entrée de la Chine dans la modernité économique. Je dirai que ce PCC a eu une grande faculté d'adaptation au fil des années", a conclu M. Rizzo.