Sur les pas des jeunes Chinois du mouvement Travail-Etudes en France (REPORTAGE)

Par : Yann |  Mots clés : Travail-Etudes-France-Chine
French.china.org.cn | Mis à jour le 18-05-2021

A l'occasion du 100e anniversaire de la fondation du Parti communiste chinois (PCC), des correspondants de Xinhua ont visité plusieurs villes de France pour retrouver la trace de certains membres de l'ancienne génération du PCC, qui ont passé leur jeunesse en France dans le cadre du célèbre mouvement Travail-Etudes.

A la fin de la dynastie Qing et au début de la République, la Chine était dominée par un régime semi-féodal, et souffrait d'une semi-colonisation. Sous l'impulsion du Mouvement du 4 mai 1919, le "mouvement Travail-Etudes en France" s'est popularisé un peu partout en Chine, si bien que de début 1919 à fin 1920, des milliers de jeunes Chinois se sont rendus en France en tant qu'étudiants-ouvriers pour chercher un moyen de sauver et de faire progresser leur pays.

L'hôtel Neptune, un petit hôtel situé rue Godefroy, dans le 13e arrondissement de Paris, a été témoin des activités révolutionnaires du futur Premier ministre chinois Zhou Enlai au cours de son séjour en France. En 2000, un couple de Chinois installé de longue date en France a acheté cet hôtel avec l'aide de diverses autres parties. Li Jianle, le propriétaire de l'hôtel, a fait visiter aux correspondants de Xinhua la chambre où vivait à l'époque Zhou Enlai. La pièce ne mesurait que sept à huit mètres carrés, sans salle de bain indépendante. A part un lit, une table et une chaise, il n'y avait de place pour aucun autre meuble.

C'est en 1920 que Zhou Enlai, âgé de 22 ans, est parti de Shanghai pour se rendre en France. Il a habité dans ce petit hôtel de 1922 à 1924. Pendant cette période, il participait pendant la journée au programme Travail-Etudes ; mais le soir, il écrivait des articles pour un quotidien chinois, le "Yishi Daily" de Tianjin, afin de présenter à ses compatriotes la situation politique et sociale de la France et de l'Europe, mais aussi la vie des jeunes Chinois sur place. Ses activités ont notamment conduit à la création et au développement de la branche européenne du "Parti communiste de la jeunesse chinoise" (qui deviendrait plus tard la Ligue de la jeunesse communiste chinoise). Plusieurs dirigeants historiques du PCC, dont Deng Xiaoping, Nie Rongzhen, Chen Yi et Li Fuchun ont travaillé ensemble dans cette pièce minuscule. La rédaction de leur magazine théorique, "Jeunesse" (par la suite rebaptisé "Lumière Rouge"), se faisait également dans cet hôtel.

"Cette chambre n'était pas seulement le lieu de résidence (de Zhou Enlai), c'était aussi notre salle de rédaction et le centre de toutes nos activités. Il y avait souvent trop de monde, c'est pourquoi nous nous réunissions dans un café voisin. Chaque fois que j'allais chez Zhou Enlai, je le voyais toujours en train de discuter avec quelqu'un ou d'écrire. Pour lui, le repas se résumait généralement à quelques tranches de pain sur une platée de légumes. Parfois même pas de légumes, mais seulement du pain avec de l'eau chaude", raconte Nie Rongzhen dans ses mémoires.

En entrant dans le jardin Durzy de Montargis, à 100 km de Paris, une photo en noir et blanc attire l'attention à côté du bassin de rocaille. Cette photo a jadis été prise pour un groupe de jeunes Chinois venus ici pour chercher un moyen de sauver leur pays. C'est dans le jardin Durzy que Cai Hesen et son amie Xiang Jingyu ont notamment exposé à leurs compatriotes leurs propositions pour "sauver la Chine et le Monde", entre le 6 et le 10 juillet 1920. Cai Hesen a envoyé le résumé de la réunion à Mao Zedong (ancien président et fondateur de la République populaire de Chine), qui était alors toujours en Chine, et lui a proposé de "créer formellement et ouvertement un Parti communiste chinois". Mao Zedong a répondu : "Cette lettre est si judicieuse qu'il n'y a pas un mot avec lequel je ne sois pas d'accord".

Léa Pereira, une élève du Lycée en Forêt de Montargis, a confié à Xinhua que son grand-père lui avait parlé des jeunes travailleurs chinois en France ; il a en effet lui-même jadis travaillé à l'usine Hutchinson proche de Montargis. C'était à l'époque une usine de caoutchouc, dans laquelle travaillaient plus de 200 jeunes Chinois, dont Deng Xiaoping, un dirigeant historique connu comme "le principal architecte de la réforme et de l'ouverture de la Chine". Léa a été très impressionnée par le fait que Deng Xiaoping, alors âgé de 18 ans, vivait dans un hangar de bois avec ses collègues, travaillant dix heures par jour en semaine, et même une demi-journée les samedis - et ce pour un salaire horaire d'un franc seulement, car il n'avait que le statut d'apprenti.

Léa Pereira étudie le chinois comme deuxième langue étrangère. Avec ses camarades de classe, elle a regardé un documentaire et lu des extraits de livres sur le mouvement Travail-Etudes en France. Un de ses camarades, Flavien Gavoille, a déclaré à ce sujet : "Après avoir lu un extrait du livre, j'ai été choqué par la misère et par les conditions de travail horribles qu'à dû subir Deng Xiaoping en France. Mais j'ai été aussi admiratif, car même s'il a vécu dans la misère et dans des conditions de travail atroces, il ne s'est pas laissé décourager ; il a réussi à atteindre ses objectifs, comme étudier en France et progresser idéologiquement en tant que communiste pour pouvoir sauver la Chine".

Jean-Louis Rizzo, professeur agrégé d'histoire, a déclaré dans une interview accordée à Xinhua que ce mouvement était une tranche d'histoire fantastique. "Vous avez des jeunes qui viennent ici normalement, pour étudier et pour travailler. Au début, ils ne sont pas très politisés. Mais ils arrivent dans une France où la politique commence à prendre de l'importance et où, en 1920, des grèves éclatent partout. Donc il y a en France une atmosphère sociale très agitée, et cela rejaillit sur ces jeunes Chinois, qui travaillent alors en usine, avec des conditions de vie difficiles et des salaires très bas - ce qui fait qu'ils endurent les mêmes épreuves que la classe ouvrière française. Et c'est sur cette base qu'ils commencent à devenir sensibilisés à la politique. Ces jeunes Chinois vont alors rapidement passer du travail à l'analyse politique, et être plus en plus séduits par le marxisme".

Sonia Bressler, philosophe et essayiste française, a quant à elle indiqué : "Au regard de ce bref rappel historique, nous pouvons dire que le séjour des étudiants-ouvriers chinois en France et leur confrontation à la culture occidentale ont rendu possible la création d'idées nouvelles en Chine. Cette histoire met également en évidence le maillage très ancien de l'amitié sino-française".

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Source: Agence de presse Xinhua
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