Après plus de 30 cycles de négociations et un certain nombre de réunions de haut niveau menées depuis novembre 2012, l'accord sur le Partenariat économique régional global (Regional Comprehensive Economic Partnership, RCEP) a finalement été conclu dimanche, marquant le coup d'envoi du plus grand pacte commercial au monde.
Pour cause de la pandémie de nouveau coronavirus, les dirigeants des 15 pays participants se sont succédés à distance par ordre alphabétique pour signer cet accord lors d'une cérémonie virtuelle au cours du 37e sommet de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ASEAN) qui s'est tenu de jeudi à dimanche concurremment avec des sommets connexes.
"Nous sommes heureux d'assister à la signature de l'accord RCEP, qui intervient à un moment où le monde est confronté au défi sans précédent posé par la pandémie mondiale de COVID-19", ont déclaré les dirigeants dans un communiqué conjoint diffusé avant la signature.
Cet accord concerne les dix pays de l'ASEAN et cinq de leurs partenaires commerciaux, à savoir la Chine, le Japon, la Corée du Sud, l'Australie et la Nouvelle-Zélande.
Fondée en 1967, l'ASEAN regroupe Brunei, le Cambodge, l'Indonésie, le Laos, la Malaisie, le Myanmar, les Philippines, Singapour, la Thaïlande et le Vietnam, ce dernier assurant cette année la présidence du bloc.
UNE RELANCE POST-PANDEMIE
L'un des impacts les plus clairs et directs du RCEP réside dans son potentiel à relancer l'économie et le commerce. Ce dernier devrait subir cette année, d'après l'Organisation mondiale du commerce (OMC), un recul de 13% à 32% du fait de la pandémie.
La signature du RCEP donne espoir aux gens face à la situation internationale morose d'aujourd'hui, montrant que le multilatéralisme et le libre-échange constituent la bonne direction pour l'économie mondiale et le progrès humain, a lancé le Premier ministre chinois Li Keqiang lors de ce quatrième sommet du RCEP, organisé par liaison vidéo.
"La pandémie a montré la nécessité pour tous les pays qu'il y a à s'unir dans la lutte contre la pandémie", observe Jin Jianmin, chercheur principal à l'Institut de recherche Fujitsu à Tokyo.
"Nous devons trouver un nouveau moyen pour contenir la pandémie et rétablir la croissance économique, de manière à renforcer la confiance du monde dans le développement futur", poursuit-il.
Pour Cao Jing, secrétaire générale adjointe du secrétariat de la coopération trilatérale Chine-Japon-Corée du sud, le RCEP contribuera à renforcer la confiance des pays participants envers une sortie de la crise pandémique.
Cet accord "va engendrer une croissance robuste du commerce et de l'investissement dans les pays, réduira les 'obstacles' actuels en travers des chaînes industrielles et des chaînes d'approvisionnement mondiales et accélérera la reprise économique après la pandémie", prédit-elle.
MANIFESTE DE MULTILATERALISME
Beaucoup considèrent la signature du RCEP comme une manifeste en faveur du libre-échange, alors que ces dernières années ont été marquées par une hausse du protectionnisme commercial, d'un nationalisme extrême et, désormais, un isolationnisme et un protectionnisme aggravés par la pandémie.
Le RCEP permettra aux gens de choisir la solidarité et la coopération face aux défis, et non de se livrer au conflit et à la confrontation, et de privilégier l'aide et le soutien mutuels, et non d'adopter une approche protectionniste ou une attitude "attentiste", a commenté M. Li, ajoutant que cela montrait au monde que l'ouverture et la coopération étaient le seul moyen d'obtenir des résultats mutuellement bénéfiques.
Cet accord "est un manifeste pour la libéralisation du commerce dans une conjoncture difficile et un modèle d'accord de libre-échange associé à l'ouverture économique dans le contexte du COVID-19 et d'autres tendances émergentes complexes", analyse Vo Tri Thanh, ancien directeur adjoint de l'Institut central de gestion économique du Vietnam dépendant du ministère du Plan et de l'Investissement.
Le RCEP fusionne les différences tarifaires pour devenir un outil de libéralisation tarifaire unique et synchronisé entre les 15 pays signataires, ce qui est techniquement plus uniforme et qui réduit les enchevêtrements, commente Neak Chandarith de l'Université royale de Phnom Penh, en référence à la prolifération d'accords de libre-échange qui préexistaient entre ces pays.
Kin Phea, directeur général de l'Institut des relations internationales à l'Académie royale du Cambodge, est d'accord avec cet avis, notant que ce pacte commercial joue un rôle déterminant pour contrer l'unilatéralisme.
Il adresse un message clair selon lequel les pays signataires sont très attachés à un régime multilatéral et à la coopération internationale, continuant de prôner en faveur un système commercial multilatéral, lequel a été la base du développement économique de leur région et du monde depuis des décennies, selon lui.
Après la signature de l'accord, le ministre japonais du Commerce Hiroshi Kajiyama a déclaré que le RCEP contribuerait à l'établissement de règles économiques libres et équitables dans la région.
LE VRAI TRAVAIL COMMENCE
Toutefois, comme ce pacte commercial implique des pays à travers l'Asie et la région pacifique, leurs différences sur certaines questions, dont le niveau de développement, ne peuvent pas passer inaperçues, avertissent des experts.
Wilson Lee Flores, éditorialiste au quotidien The Philippine Star, s'est dit inquiet que les industries nationales et les entreprises philippines qui exportent ne soient pas encore aussi compétitives au niveau mondial, de sorte que le RCEP risque de devenir un défi pour ce pays qui cherche à se moderniser rapidement et être compétitif.
"Le RCEP devrait accélérer l'intégration économique de ses 15 membres et devenir un catalyseur dynamique du progrès économique mondial", a-t-il écrit.
Jin Jianmin note également que l'ampleur des accords commerciaux, des concessions tarifaires et le niveau d'ouverture de chaque marché seront influencés par l'acceptabilité sociale de chaque pays participant.
Il appelle ainsi les grandes économies à montrer l'exemple en matière d'ouverture des marchés et à aider les pays signataires les moins développés pour que ceux-ci bénéficient davantage de cette ouverture et renforcent leur capacité de gouvernance au sein d'un marché intégré.
Chheang Vannarith, président de l'Asian Vision Institute à Phnom Penh, partage cet appel, disant espérer un soutien technique accru pour les économies les moins développées telles que le Cambodge, le Laos et le Myanmar afin de les aider à améliorer leurs capacités de production et d'exportation.
Faisant une autre proposition pour combler ces fossés, il appelle également à une synergie entre le RCEP et l'Initiative la Ceinture et la Route (ICR), car celle-ci a déjà joué un rôle crucial pour renforcer le développement et la connectivité des infrastructures régionales, qui sont des éléments clés pour soutenir le commerce et attirer les investissements.