La visite de Macron en Chine envoie des messages multiples
La visite du président français Emmanuel Macron en Chine et sa participation à la Foire internationale d’importation de la Chine (CIIE) souligne l’importance des liens commerciaux entre la deuxième économie mondiale et l’un des membres du Groupe des sept (G7) pays industrialisés censés être les plus puissants au monde.
La France est l’un des quinze pays invités d’honneur et possède un pavillon national à la CIIE. Depuis le mois d’août, le Bureau des affaires de l’ambassade de France en Chine a organisé des rencontres hebdomadaires pour organiser les participants et discuter des détails de leurs plans pour l’exposition. Le gouvernement français semble avoir attaché davantage d’attention que prévu à cette exposition et les entreprises françaises apparaissent extrêmement enthousiastes.
Pourquoi la France montre-t-elle autant d’intérêt envers la CIIE? La raison est simple: la Chine est incontournable si la France veut développer ses marchés à l’étranger.
Premièrement, en se basant sur l’analyse du commerce bilatéral entre la Chine et la France, la participation à la CIIE peut permettre à la France de faire augmenter ses exportations vers la Chine et de résoudre son déficit commercial.
D’après les données d’Eurostat, la France a été en déficit commercial avec la Chine entre 2013 et 2019. Emmanuel Macron doit avoir ce problème à l’esprit. La plateforme internationale offerte par la CIIE pourrait aider la France à exporter davantage de ses produits vers la Chine, à augmenter son volume des exportations et à combler son déficit commercial avec la Chine.
Deuxièmement, la CIIE aidera la Chine et la France à développer leurs domaines de coopération. La coopération économique et commerciale traditionnelle entre la Chine et la France s’étend dans trois domaines: l’aviation et l’aérospatiale, l’énergie nucléaire et les trains à grande vitesse.
Les vêtements, les cosmétiques, les produits alimentaires et les vins haut-de-gamme français sont réputés à travers le monde, mais ils représentent une proportion relativement faible des exportations françaises vers la Chine. Par le biais de la CIIE, la France peut consolider la coopération dans les domaines traditionnels et dans les domaines dans lesquels elle possède un avantage par rapport à la Chine. Par exemple, l’économie du troisième âge est relativement développée en France. Avec le vieillissement de la population chinoise, il existe un potentiel colossal pour la coopération des deux pays dans ce domaine.
Troisièmement, la France se concentre aussi sur la vente de ses produits agricoles vers la Chine. La France est le plus grand producteur agricole au sein de l’Union européenne et ses produits sont principalement exportés vers l’Europe. Cependant, les exportations agricoles françaises ont diminué du fait des crises persistantes et du ralentissement économique en Europe. De plus, les prix des produits agricoles ont chuté à la suite de la signature ces dernières années de l’Accord économique et commercial global entre l’UE et le Canada, ainsi que d’un nouvel accord commercial entre l’UE et le Marché commun du Sud (Mercosur).
En 2001, la Chine avait interdit les importations de bœuf français, mais elle a levé cette interdiction en 2018. Le gouvernement français souhaite développer les exportations agricoles vers la Chine en saisissant l’opportunité offerte par la levée de cette interdiction. Cette année, la France va s’efforcer d’ouvrir le marché chinois du porc.
La diplomatie du président Macron représente la continuation du gaullisme, caractérisé par sa diplomatie indépendante. Le président français est connu pour innover sur une théorie basée sur les pensées et les actes de l’ancien président français Charles de Gaulle. Sa politique envers la Chine comporte ainsi deux aspects.
D’un côté, la France considère la Chine comme un partenaire stratégique indispensable.
A la suite du retrait des Etats-Unis de nombreuses organisations internationales majeures, la France a besoin de la coopération de la Chine sur l’Accord de Paris et l’accord sur le nucléaire iranien.
De plus, la France a besoin du marché chinois et espère profiter de l’approfondissement de l’ouverture de la Chine sur le monde extérieur.
Du fait du Brexit et de la sortie proche de la chancelière allemande Angela Merkel, le pays a également bénéficié d’un statut privilégié dans les relations sino-européennes et, alors que l’influence de la Chine en Afrique − où la France a une présence forte − va croissant, la demande pour une coopération de pays tiers France-Chine en Afrique est florissante.
De l’autre, la France considère la Chine comme un concurrent.
Même si la Chine espère que la France peut avoir sa propre position lorsqu’elle traite avec les Etats-Unis, Emmanuel Macron adhère au pro-atlantisme en matière de politique chinoise et suit les Etats-Unis.
Sur l’initiative des nouvelles Routes de la soie, la France a fait montre d’une attitude extrêmement positive, mais elle a aussi exprimé de grandes inquiétudes et pris des précautions à son encontre. Le président français a mentionné en public la nécessité d’être « vigilants face à l’hégémonie »… en évoquant la Chine.
Emmanuel Macron poursuit une sorte d’équilibre dans sa diplomatie. Il espère contrebalancer l’influence de la Chine en Afrique avec la « présence française » ou la « présence européenne ». Il a également parlé de la « stratégie indopacifique » lors de sa visite en Inde.
Enfin, il existe des différences idéologiques évidentes entre la Chine et la France. Les points de vue de Paris sur les questions des droits de l’homme, du Tibet, de la mer de Chine méridionale et de Taiwan sont similaires à ceux de Washington.
Néanmoins, le gouvernement Macron est prudent et prend soin de ne pas toucher à la « ligne de fond » de la Chine. Même s’il est critiqué par les partis d’opposition en France pour être « mercantiliste », le président français connaît les tenants et les aboutissants des affaires internationales, et préfère être un leader dans les relations sino-européennes, plutôt que le bouc émissaire pour une mauvaise relation avec le géant asiatique.
L’auteur est chargé de recherche assistant à l’Institut de des relations internationales contemporaines de Chine.