Jean-Pierre Raffarin : cette année sera "fertile" pour les relations franco-chinoises (INTERVIEW)

En 2019, l'année où la France et la Chine célèbrent le 55e anniversaire de leurs relations diplomatiques, les deux pays auront des échanges de visites de haut niveau et organiseront d'importants événements, ce qui fera de cette année "une année fertile", a déclaré l'ancien Premier ministre français Jean-Pierre Raffarin lors d'une interview exclusive accordée à Xinhua.

Le président chinois Xi Jinping effectuera fin mars une visite d'Etat en France, alors que des visites de haut niveau en Chine du côté français sont également prévues. Parmi les événements importants illustrant la coopération bilatérale figurent notamment le deuxième Forum de "la Ceinture et la Route" pour la coopération internationale, la deuxième Exposition internationale des importations de la Chine (CIIE) et un grand forum sur la culture chinoise à Nice.

M. Raffarin a indiqué que l'année prochaine serait pour lui "les 50 ans avec la Chine" après son premier voyage dans ce pays en 1970. "J'ai fait probablement plus d'une centaine de voyages en Chine. Je m'intéresse beaucoup à la culture chinoise et aux changements en Chine. J'ai vu la Chine se transformer et devenir une puissance économique, industrielle et urbaine", a-t-il rappelé.

Il a déclaré que, ces dernières années, la France et la Chine ont mené une coopération fructueuse dans divers domaines, dont celle sur l'Accord de Paris sur le changement climatique. "L'Accord de Paris n'aurait pas été possible sans la Chine et sans la bonne coopération franco-chinoise", a-t-il affirmé.

D'après M. Raffarin, plusieurs faits nouveaux sont apparus depuis le cinquantenaire des relations diplomatiques franco-chinoises, dont l'Initiative la Ceinture et la Route (ICR) et l'Exposition internationale des importations de la Chine (CIIE).

Il a qualifié l'ICR d'innovante, de juste et de pacifique, estimant que cette initiative rassemblait et développait la théorie de coopération dans "un monde qui est dévoré aujourd'hui par les tensions".

"Il vaut mieux avoir des projets et il vaut mieux construire des routes et des ponts, plutôt que de construire des murs et de s'enfermer", a-t-il souligné.

Selon M. Raffarin, la Chine s'est affirmée comme un grand pays importateur en organisant la première CIIE en novembre dernier. De nombreuses entreprises françaises, dont L'Oréal, Danone et Schneider Electric, ont profité de cette foire pour renforcer leur présence en Chine et la viande bovine française a fait son retour sur le marché chinois après 17 ans d'embargo.

Aux yeux de l'ancien Premier ministre, il y a trois grands "cercles de coopération" dans les relations franco-chinoises.

"La vision du monde" représente le premier cercle où la France et la Chine ont beaucoup de convergences, a estimé M. Raffarin. "Nous sommes pour un monde multipolaire. Nous sommes pour inventer un nouveau multilatéralisme. Nous pensons vraiment que c'est le dialogue qui apporte la paix", a-t-il fait remarquer.

Parallèlement, il a reconnu que la France et la Chine avaient des divergences sur les systèmes politiques, mais selon lui, "il faut respecter les divergences de l'autre".

M. Raffarin a indiqué que le marché était un autre cercle de cooperation franco-chinoise. "On oublie très souvent que le marché chinois représente le moteur du monde. Nous avons besoin de la croissance chinoise. Ce qui fragilise la croissance chinoise, fragilise la croissance mondiale", a-t-il souligné.

Aujourd'hui, les entreprises françaises sont fortement présentes en Chine et ont obtenu des réussites sur le marché chinois, allant des domaines aéronautique, nucléaire et industriel aux domaines des vins et des produits de luxe.

D'après des statistiques officielles chinoises, le commerce bilatéral entre la Chine et la France a dépassé pour la première fois les 60 milliards de dollars en 2018.

Pour M. Raffarin, le troisième cercle concerne la diplomatie, où les deux pays ont fait preuve de respect mutuel vis-à-vis du système de l'autre.

"Nous n'oublions pas que dans la crise de la dette, ce sont les Chinois qui ont acheté de l'euro pour protéger la zone euro", a-t-il rappelé. Aujourd'hui, la France et la Chine ont établi un partenariat stratégique global.

"A un moment où la relation transatlantique est extrêmement fragilisée", M. Raffarin a suggéré que la France devait continuer à parler avec le monde, dont la Chine, et à maintenir les relations amicales avec celle-ci, afin de construire un certain nombre de projets et de profiter des points d'accord concernant notamment la gouvernance mondiale.

M. Raffarin a conclu que "l'amitié entre la France et la Chine, c'est aujourd'hui un facteur de stabilité pour le monde. Plus on se parlera, plus il y aura cette coopération France-Europe-Chine, plus le monde sera stabilisé".