Deux cents ans après, Karl Marx offre encore une vision claire du capitalisme (INTERVIEW)

Par :  |  Mots clés : Marx-interview
French.china.org.cn | Mis à jour le 05-05-2018

Si les caractéristiques du monde occidental d'aujourd'hui sont très différentes de celles qui prévalaient au XIXe siècle en Angleterre, la pensée de Karl Marx continue néanmoins d'offrir une vision claire du capitalisme, a estimé Patrick Artus, économiste en chef de la banque internationale de gestion Natixis, lors d'une interview accordée récemment à Xinhua à Paris.

Un phénomène "extrêmement inquiétant" ronge le capitalisme moderne : si depuis les années 1980, la hausse de la productivité ralentit dans les pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le rendement du capital reste paradoxalement élevé, voire en croissance, a-t-il expliqué.

Comment les capitalistes ont-ils réussi à maintenir le même niveau de profit du capital dans un environnement défavorable ? Selon M. Artus, la pensée de Karl Marx peut expliquer ce phénomène.

Chez Marx, les salaires baissent jusqu'au niveau le plus bas possible, qu'il appelle le "salaire de subsistance". Or, "on a vu que les salaires, de façon continuelle, se sont mis à augmenter moins vite que la productivité, et on a réduit la part des salaires dans le revenu national dans tous les pays", a fait remarquer M. Artus.

"Cette baisse des salaires a permis l'augmentation de la profitabilité des entreprises et du rendement de capital tandis que le progrès technique et la productivité ralentissaient", ce qui constitue un mécanisme voisin de celui décrit par Marx : "les capitalistes ont besoin de faire baisser les salaires pour maintenir leur profitabilité, bien que l'explication de la baisse de la productivité [ne soit] pas la même qu'à notre époque", a-t-il relevé.

Selon Karl Marx, à un moment donné, il n'est plus possible de faire baisser les salaires, ce qui incite les capitalistes, toujours en quête de profits, à faire de la spéculation financière, laquelle finit par déclencher une crise financière. "Ceci me paraît aussi assez pertinent. On a des crises financières capitalistes qui sont dues à la spéculation sur l'immobilier, sur les actions [...] depuis 20 ans", a indiqué M. Artus.

On peut prendre le cas des Etats-Unis en exemple. "Depuis 30 ans aux Etats-Unis, il y a une politique délibérée de compression des salaires. Les Américains en bas de l'échelle des revenus n'ont eu aucune augmentation de leur pouvoir d'achat depuis 30 ans. On a quand même la mise en pratique d'une politique de compression des salaires dont l'objet est, avec la flexibilité du marché du travail et la disparition des syndicats, de permettre d'avoir une rentabilité du capital supérieure à celle qui apparaîtrait spontanément", a fait observer M. Artus.

Selon lui, Karl Marx est le seul à parler du lien entre l'exigence de rentabilité du capital et les salaires, c'est-à-dire le partage des revenus, dans l'histoire de la pensée économique.

"Chez les économistes historiques, Walras s'intéresse à l'équilibre des marchés, donc c'est de la micro-économie. Say, c'est les questions d'offres; Keynes, c'est les problèmes de demandes, de crises, de chutes de la demande, d'excès d'épargne; Schumpeter, c'est les problèmes d'innovations (...) Mais sur cette question qui m'intéresse, concernant le partage des revenus entre capitalistes et salariés, c'est Marx qui est la référence", a-t-il précisé.

"Marx est un bon économiste que beaucoup de gens utilisent et qui est, à mon avis, extrêmement intéressant. Il fait partie de cette école des économistes du XIXe siècle qui est très intéressante", a-t-il estimé.

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Source: Agence de presse Xinhua
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