Plan douanier de Trump pour la Chine : "du bruit plus qu'une stratégie politique" (ex-président de Morgan Stanley Asia)

Le plan de tarification douanière agressive du gouvernement Trump contre la Chine est politiquement biaisé et repose sur des présupposés erronés, selon un expert américain.

"Il s'agit davantage de bruit politique que d'une véritable stratégie", a confié Stephen Roach, ancien président de Morgan Stanley Asia et membre de l'Institut Jackson des affaires internationales de l'université de Yale lors d'une interview accordée à Xinhua.

Cet économiste américain estime que le "rapport spécial 301 sur les droits de propriété intellectuelle" passe à côté de son sujet à bien des égards.

La Section 301 est une mesure de la loi américaine sur le commerce de 1974, qui autorise le président à prendre des mesures, notamment de représailles, si une enquête démontre que des pratiques commerciales étrangères compliquent ou entravent le commerce américain ou sont déraisonnables ou discriminatoires.

Le 22 mars, le président américain Donald Trump a signé un mémorandum susceptible d'imposer des droits de douane allant jusqu'à 60 milliards de dollars sur les importations provenant de Chine et de restreindre les investissements chinois aux Etats-Unis.

ACCUSATIONS MENSONGERES

Le rapport du représentant américain au commerce accuse la Chine de "transfert de technologie forcé" au sein de coentreprises. Il affirme que les entreprises américaines sont contraintes de transférer des technologies et systèmes d'exploitation propriétaires afin d'exercer leurs activités en Chine.

"Je ne pense pas que ce soit vrai", a estimé M. Roach, s'appuyant sur son expérience chez Morgan Stanley dans une coentreprise avec la China Construction Bank.

Dans le cadre d'un partenariat avec la première banque d'investissement chinoise en 1995, la partie américaine avait partagé ses pratiques professionnelles et son système de distribution.

"Ce partage était un effort conscient de notre part. Nous l'avons fait volontairement", a affirmé M. Roach, soulignant que les entreprises américaines et internationales participaient de plein gré à ces aménagements légalement négociés pour des raisons de bon sens commercial.

Le rapport accuse également la Chine d'être le seul pays à développer un plan tel que "Made in China 2025" pour la croissance de ses secteurs de haute technologie.

D'après les travaux de M. Roach, de nombreux pays se sont consacrés à la construction d'industries fortes, notamment le Japon, l'Allemagne et les Etats-Unis eux-mêmes. "Il est tout à fait hypocrite de la part des Etats-Unis de critiquer la Chine pour la mise en place de politiques industrielles", a-t-il estimé.

UNE GUERRE COMMERCIALE SERAIT NUISIBLE POUR TOUS

Le plan de tarification douanière punitif des Etats-Unis est considéré par beaucoup comme une manœuvre unilatérale menaçant les échanges internationaux. Il s'inscrit dans une longue tradition consistant à blâmer le déficit commercial pour la perte d'emplois industriels domestiques.

"(M. Trump) pense que la Chine est responsable de nombre des problèmes qui empêchent l'Amérique de retrouver sa grandeur", a analysé M. Roach, évoquant les véritables intentions qui sous-tendent la mesure.

Selon ses conclusions, en 2017, les Etats-Unis étaient en déficit commercial avec 102 pays. "Notre problème est multilatéral", a-t-il fait remarquer. "C'est une erreur de ne considérer qu'une ou deux pièces du puzzle comme la preuve de problèmes bilatéraux".

Qualifiant le litige commercial entre les Etats-Unis et la Chine de problème sérieux qui pourrait aggraver le risque de guerre commerciale en cas de mauvaise gestion, il a souligné que "la mondialisation était mutuellement bénéfique tandis que les guerres commerciales ne faisaient que des perdants".

DES ECHANGES REGULIERS SONT VITAUX

La crainte d'une guerre commerciale a secoué les marchés boursiers et monétaires internationaux. L'indice de référence S&P 500 a connu sa plus grande chute depuis début février et le Dow Jones a perdu près de 3%.

Le 23 mars, le Nikkei 225, indice de référence japonais, a baissé de 4,5% pour atteindre 20.671,11 points et le Kospi sud-coréen a plongé de 3,1%. En Chine, le Shanghai Composite et le Hang Seng ont tous deux perdu plus de 3%. Les indices de référence d'Asie du Sud-Est et d'Australie ont également chuté.

Selon les experts, il existe de nombreuses opportunités de coopération entre les Etats-Unis et la Chine, mais le risque de guerre commerciale compliquerait leur concrétisation.

"Pour résoudre les litiges, un secrétariat composé d'experts des deux camps échangeant régulièrement leurs opinions et analyses serait une meilleure solution", a estimé M. Roach.

Il a également suggéré que les deux parties développent de meilleures règles et lignes directrices sur l'accès au marché et l'utilisation des technologies.