Le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker dans la ligne de mire des eurodéputés (PAPIER GENERAL)

Par :  |  Mots clés : CE-Juncker-députés
French.china.org.cn | Mis à jour le 13-03-2018

Les députés européens, réunis en session plénière à Strasbourg, ont critiqué vertement lundi soir les conditions dans lesquelles l'Allemand Martin Selmayr est passé, le 21 février, du statut de chef de cabinet du président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, à celui de secrétaire général de l'exécutif de l'administration bruxelloise.

L'affaire, déjà baptisée "SelmayrGate", jusqu'ici cantonnée aux cercles bruxellois, provoque désormais des remous dans l'hémicycle du Parlement européen. La nomination éclair d'un proche de Jean-Claude Juncker à ce poste suscite la colère des eurodéputés, qui ont tenu un débat en plénière sur la question à la demande de l'ensemble des groupes politiques.

Avocat de formation et membre de l'Union chrétienne-démocrate (CDU) de la chancelière allemande Angela Merkel, M. Selmayr a été nommé à quelques minutes d'intervalle secrétaire général adjoint, un statut préalablement requis, puis secrétaire général de la Commission européenne, sans mise en concurrence, sinon formelle, de sa candidature.

La procédure a respecté toutes les règles européennes, a plaidé sans succès lundi le commissaire européen chargé du Budget et des Ressources humaines, Günther Oettinger (lui-même membre de la CDU), dépêché devant le Parlement européen à Strasbourg, Jean-Claude Juncker (élu à la tête de la Commission européenne grâce au soutien de la CDU) ne s'étant pas déplacé pour répondre aux critiques des eurodéputés.

"Je n'ai aucun doute sur le fait que Martin Selmayr dispose de toutes les qualifications requises pour exercer le poste de secrétaire général de la Commission", a affirmé Günther Oettinger. "Il est indéniablement qualifié pour cette tâche, il a un sens politique développé et un vrai sens européen."

"Bien que la procédure ait été particulièrement rapide, toutes les dispositions du statut des institutions européennes ont été respectées", a-t-il poursuivi.

Une trentaine d'orateurs de tout bord politique se sont succédé dans l'hémicycle strasbourgeois pour fustiger ses déclarations, le reprochant de les prendre pour des "enfants" ou des "imbéciles". Au nom du Parti populaire européen, groupe politique au sein duquel siège la CDU, la Française Françoise Grossetête (Les Républicains/LR) a eu des mots très durs.

"Nous avons fait campagne pour une Union enfin politique, où le politique prendrait le pas sur l'administration. Et voilà que, grâce à une mystification digne d'un régime totalitaire, des fonctionnaires non élus prennent de facto les rênes de l'institution au nez et à la barbe de nos 27 commissaires, prévenus en dernière minute et sans qu'ils aient eu leur mot à dire", a-t-elle lancé.

"Quoi de mieux pour nourrir le discours anti-élite, quoi de mieux pour donner du grain à moudre aux eurosceptiques", a-t-elle ajouté.

Le coprésident belge des Verts, Philippe Lamberts, a dénoncé "le parachutage brutal du capitaine Selmayr" et "l'aveuglement coupable de Jean-Claude Juncker". Martin Selmayr, "c'est d'abord et avant tout l'homme d'un parti. Il poursuit sur le chemin d'une centralisation autoritaire. Son objectif, c'est de ne plus voir qu'une ligne, plus qu'un visage, le sien!", a-t-il asséné. "Tout dans cette affaire empeste le népotisme", a surenchéri son collègue allemand, Sven Giegold.

"Nous vivons à l'heure du Brexit, à l'heure où le populisme de toutes les couleurs travaille 24 heures sur 24 pour ébrécher la confiance dans l'Europe", a déclaré de son côté l'Allemand Arndt Kohn au nom du groupe Socialistes et Démocrates.

Son compatriote de droite Werner Langen est lui aussi monté au créneau. "Non ce n'est pas l'Allemagne qui a demandé nomination de Martin Selmayr: nous, on ne nomme pas des gens sans expérience", a-t-il lâché, rappelant que le nouveau secrétaire général n'avait jamais dirigé un service depuis son entrée à la Commission en 2004 (il a été porte-parole puis chef de cabinet).

"Il n'est pas l'homme qu'il faut pour diriger une administration de 33.000 personnes", a-t-il poursuivi. Avant de lancer: "C'est un coup d'Etat!"

Les Libéraux, par la voix de la Néerlandaise Sophie in 't Veldt, ont affirmé quant à eux que cette affaire Selmayr "détruit toute la crédibilité de l'Union européenne comme championne de l'intégrité et de la transparence dans l'administration publique, alors que la confiance du public est au plus bas".

Dans ce contexte, les députés eurosceptiques ont eu beau jeu de railler les instances européennes, l'europhobe britannique Nigel Farage n'hésitant pas à "remercier la Commission européenne", un organe non élu, a-t-il souligné. "Il faut que les citoyens sachent ce qui s'y passe", a-t-il ajouté. "Nous avons bien eu raison de quitter cette UE", a-t-il insisté.

Pendant ce débat, Guy Verhostadt, le président du groupe libéral, a estimé dans un tweet que "si la Commission ne fait pas attention, elle connaîtra le même sort que la Commission Santer" contrainte à la démission en mars 1999 à cause des emplois fictifs distribués par la commissaire française Édith Cresson.

Le Parlement européen a décidé, à l'unanimité, de confier à sa Commission du contrôle budgétaire (COCOBU) une enquête sur les conditions de la nomination de Martin Selmayr. En avril, les députés décideront s'ils votent une résolution qui pourrait aller jusqu'à placer la Commission européenne sous surveillance ou, s'ils refusent, la décharge budgétaire.

Quelle que soit son issue, cette affaire Martin Selmayr sème la zizanie alors que se profilent les élections européennes de 2019 sur lesquelles les partis d'extrême droite ont d'ores et déjà annoncé leur intention de peser.

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Source: Agence de presse Xinhua
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