France/Législatives : une abstention historique qui questionne la légitimité de la future Assemblée nationale (ANALYSE)

Par : Norbert |  Mots clés : France-léfgislatives-absention
French.china.org.cn | Mis à jour le 17-06-2017

Le succès du mouvement du président français Emmanuel Macron, La République en marche (LREM), au premier tour des élections législatives le 11 juin dernier, est indéniable en termes de suffrages exprimés. Mais, alors que toutes les enquêtes d'opinion prédisent un nouveau record d'abstention pour le second tour, dimanche, le débat sur les causes et les conséquences d'une si faible participation agite l'Hexagone et pose avec acuité la question du mode de scrutin et de la légitimité de la future Assemblée nationale.

Le 11 juin, plus d'un électeur français sur deux ne s'est pas rendu aux urnes. Jamais sous la Ve République la mobilisation n'a été aussi faible pour le premier tour des législatives. Selon les informations du ministère de l'Intérieur, le taux d'abstention a en effet atteint 51,29%, soit près de 8 points de plus par rapport au premier tour des élections législatives de 2012 (42,8%). C'est 29 points de plus par rapport au 1er tour de l'élection présidentielle (22,2%).

Toutes les enquêtes d'opinion prédisent un nouveau record pour le second tour, dimanche, à l'issue duquel l'Assemblée nationale, qui compte 577 sièges, sera entièrement renouvelée. Selon un sondage Odoxa pour France Info publié vendredi, 53% des électeurs ne voteront pas. Si la victoire de LREM, mouvement fondé par Emmanuel Macron en avril 2016, s'annonce écrasante, celle de l'abstention, devenue le "premier parti de France", aussi.

"Même si LREM s'apprête à obtenir une large majorité, c'est une déformation très forte de la réalité de la société française. Au final, seule une petite partie de l'électorat a voté pour LREM, en raison de la faible participation. Ce qui explique l'inquiétude exprimée par de nombreux Français", estime Yves-Marie Cann, directeur des études politiques de l'institut de sondage Elabe-CSA.

"La nouvelle majorité ne devra pas faire l'erreur de croire que les électeurs leur ont laissé un chèque en blanc. Ils ont surtout eu de la chance qu'il n'y ait pas eu de forte mobilisation contre eux. Ils profitent aussi de la bienveillance qui entoure Emmanuel Macron, notamment sur ses premiers pas à l'international qui ont été bien reçus par l'opinion, même si des sujets comme la hausse de la CSG et la réforme du Code du travail sont loin de faire l'unanimité", estime-t-il.

"Mécaniquement, cette forte abstention devrait être favorable à LREM, dont l'électorat est plus mobilisé. Mais le revers de la médaille, c'est de se retrouver avec une Assemblée nationale mal élue. Cela donnera l'impression que ces nouveaux députés ont été élus seulement parce qu'ils ont surfé sur la vague Macron. Ce n'est pas une bonne nouvelle pour leur légitimité ni pour la démocratie en général", résume le sondeur.

L'inversion du calendrier est largement évoquée par les commentateurs politiques pour expliquer le score de l'abstention. Depuis la réforme de 2001, qui a voulu que les deux tours de ce scrutin interviennent dans la foulée de la présidentielle, dès lors que la durée du mandat à la tête de l'Etat avait été ramenée à cinq ans, l'abstention aux législatives n'a cessé de croître et le scrutin fonctionne davantage comme une élection de confirmation.

"L'élection présidentielle est la seule, dans notre système, à rester mobilisatrice", relève Jean-Yves Dormagen, professeur de sciences politiques à l'université de Montpellier.

C'est toute une série de facteurs qui nourrissent l'abstention record enregistrée le 11 juin. La séquence électorale, commencée dès la rentrée 2016 avec la campagne des primaires de la droite, a très probablement contribué à une forme de "lassitude démocratique" des électeurs à laquelle s'ajoute la défiance croissante envers la classe politique qui s'est encore aggravée pendant une campagne présidentielle polluée par les affaires.

Cette très faible participation au scrutin est aussi un désaveu pour les élus. Selon le sondage publié vendredi, 27% des abstentionnistes déclarent en effet ne pas se rendre aux urnes parce qu'ils pensent que l'élection est jouée d'avance et que le mouvement d'Emmanuel Macron va l'emporter, et 24% parce qu'ils ne se reconnaissent pas dans les programmes et les personnalités des candidats. De manière assez paradoxale, ils sont 6 sur 10 à considérer qu'une large majorité LREM à l'Assemblée nationale serait une mauvaise chose.

"Les Français qui ne sont pas pro-Macron - et ils sont nombreux - sont sonnés", relève la docteure en sciences politiques Virginie Martin, qui enseigne à la Kedge Business School. "Le dégagisme et la protestation sur laquelle a capitalisé Marine Le Pen profitent à Emmanuel Macron. Même des gens, à droite comme à gauche, qui n'ont pas voté pour lui sont finalement presque contents car ils voient des candidats du système se faire éjecter", ajoute-t-elle. "Dans ces conditions, la question du socle de légitimité est plus réelle que jamais. Quant à l'opposition, elle est réduite aux extrêmes et risque de s'exprimer dans la rue", souligne la spécialiste.

Le directeur des études politiques à l'institut de sondage Elabe, Yves-Marie Cann, pointe lui aussi du doigt l'impact potentiel de l'abstention sur la légitimité de la prochaine Assemblée nationale. "Ce n'est pas une bonne nouvelle pour la démocratie, ni pour les députés élus", estime-t-il.

Cette question de la légitimité se pose avec d'autant plus d'acuité que le mode de scrutin qui prévaut pour renouveler l'Assemblée nationale est régulièrement mis en cause. "Lorsqu'une formation comme En Marche ! représente 15% du corps électoral mais va obtenir 75% des sièges, c'est qu'il y a un problème", juge Christian Delporte, spécialiste de l'histoire politique et culturelle française.

"Cette dissymétrie considérable s'explique par le mode de scrutin", explique Olivier Ihl, professeur de sciences politiques à Sciences-Po Grenoble, partisan de l'instauration de la proportionnelle. "Le scrutin uninominal majoritaire à deux tours amplifie la sélectivité jusqu'à la rendre caricaturale. Il va falloir introduire la proportionnelle comme le chef de l'Etat l'a promis durant sa campagne", plaide-t-il.

Suivez China.org.cn sur Twitter et Facebook pour rejoindre la conversation.
Source: Agence de presse Xinhua
Les dernières réactions            Nombre total de réactions: 0
Sans commentaire.
Voir les commentaires
Votre commentaire
Pseudonyme   Anonyme
Retournez en haut de la page