France/législatives : "Emmanuel Macron va devoir construire l'adhésion" (INTERVIEW)

Par : Sofia |  Mots clés : France-législatives
French.china.org.cn | Mis à jour le 10-06-2017

Même si, comme les sondages le prédisent, La République en marche (LREM) obtiendrait une large majorité à l'issue des élections législatives des 11 et 18 juin, le président Macron "va devoir construire l'adhésion", estime, dans un récent entretien avec Xinhua, le politologue du CEVIPOF, centre de recherches politiques de Science Po, Luc Rouban.

"Une succession d'événements ont permis au fondateur d'En Marche !, nom original de LREM, de se débarrasser du candidat de la droite François Fillon, empêtré dans des affaires, tandis que le socialiste Benoît Hamon, étouffé par la montée du leader de la France insoumise Jean-Luc Mélenchon, n'a pas réussi à tenir un discours audible. Emmanuel Macron a ainsi pu s'imposer comme le recours au centre", résume le politologue du CNRS (Centre national de la recherche scientifique) qui travaille au CEVIPOF.

"Pour l'instant, tout semble bien se passer pour le nouveau chef de l'Etat, mais il va lui falloir construire l'adhésion, cela va être plus compliqué", considère Luc Rouban.

D'après l'enquête BVA-Salesforce publiée mercredi, à laquelle 4.772 personnes ont participé du 2 au 5 juin via internet, La République en marche (LREM) obtiendrait à elle seule la majorité absolue à l'Assemblée nationale, avec plus de 360 sièges. Le MoDem (centre), allié de LREM, gonflerait les rangs de la majorité présidentielle et pourrait constituer un groupe parlementaire en obtenant plus de 15 députés.

Lors du premier tour du scrutin pour les Français de l'étranger, qui s'est tenu dimanche, les candidats LREM sont d'ailleurs arrivés en tête, voire majoritaires, dans les onze circonscriptions législatives qui leur sont réservées. Un second tour aura néanmoins lieu le 18 juin, car la participation a été inférieure au seuil requis de 25% des électeurs inscrits.

Une forte abstention est en effet attendue lors de ces législatives. "C'est à corréler avec le manque d'adhésion et une certaine lassitude des électeurs. C'est aussi lié au sentiment partagé par nombre d'entre eux qu'il n'y a pas de solution alternative et que, dans ces conditions, mieux vaut que le président ait une majorité. L'abstention va réduire le nombre de triangulaires, ce qui va favoriser mécaniquement LREM", explique le chercheur du CNRS.

"Reste que, pour l'instant, le consensus qui prévaut est un consensus par défaut, par soustraction. Le président va devoir construire un consensus positif, s'appuyer sur des groupes sociaux, et pas seulement sur des patrons de PME", poursuit-il. "Si LREM obtient la majorité absolue, voire une victoire écrasante, Emmanuel Macron pourra facilement faire passer ses réformes et prendre des ordonnances, mais si la contestation ne peut pas s'exprimer par la voie politique, il y a un gros risque qu'elle finisse par une contestation sociale d'ampleur dans la rue", juge le politologue.

Selon l'enquête BVA-Salesforce publiée mercredi, le parti Les Républicains (LR/droite) deviendrait la première force d'opposition à l'Assemblée nationale, en rassemblant au moins 110 députés. Luc Rouban estime que LR devraient effectivement résister dans les urnes malgré les dégâts provoqués par le Penelopegate. "Emmanuel Macron a coupé l'herbe sous le pied de la droite sur le terrain économique. Elle pourrait tenter de le contrer sur le terrain sociétal, mais cela la verrouillerait dans une position très conservatrice qui l'empêcherait de tendre la main au centre", explique-t-il.

Quant au Front national (FN), qui a réalisé un score historique à la présidentielle grâce à Marine Le Pen, il est désavantagé par le mode de scrutin des législatives, rappelle Luc Rouban. "Le FN a par ailleurs un problème de leadership, Marine Le Pen a pris un très mauvais coup. La dynamique s'est cassée au second tour lors du débat face à Emmanuel Macron, pendant lequel elle est apparue incapable de proposer un programme économique cohérent, et a renoué avec le style sulfureux de son père. On peut dire que le FN a été pris dans ses propres contradictions, alors qu'il avait déployé des efforts assez fructueux pour se dédiaboliser. Cela va être très difficile pour lui de revenir à la marque. Sur le papier, on pourrait imaginer qu'il cherche à se rapprocher de la droite de la droite, mais ses électorats restent très différents", ajoute-t-il.

Le Parti socialiste (PS), lui, est en grande difficulté, et pourrait même tout juste parvenir à constituer un groupe parlementaire. D'après les sondages, il obtiendrait moins de députés que son plus bas niveau historique, avec 57 députés en 1993. "Le PS est très mal en point. Il a perdu l'électorat populaire depuis des années, son espace politique s'est considérablement rétréci. Ce qui va par ailleurs beaucoup lui nuire, c'est que beaucoup de candidats ex-socialistes se présentent sous la bannière de la majorité présidentielle sans avoir l'étiquette LREM. Cela renvoie l'image de candidats opportunistes, sans beaucoup de conviction", relève le politologue.

Quant à La France insoumise (FI) de Jean-Luc Mélenchon, arrivée en quatrième position au premier tour de la présidentielle avec près de 20% des voix, elle ne serait pas assurée de parvenir à constituer un groupe parlementaire à l'Assemblée. "La FI a un appui populaire assez fort, ainsi que le soutien de certains intellectuels. Mais ce qui handicape ce mouvement, c'est son projet de VIe République. Les insoumis se sont un peu enfermés dans ces débats constitutionnels alors que ce n'est pas le sujet de préoccupation majeure de l'opinion française, qui est davantage soucieuse d'économie et de sécurité", note Luc Rouban.

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Source: Agence de presse Xinhua
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