France/législatives : "le renouvellement de l'Assemblée nationale sera le plus conséquent depuis 1958" (INTERVIEW)
Quel que soit le verdict des urnes à l'issue des législatives qui se dérouleront dans l'Hexagone les 11 et 18 juin, le visage de la nouvelle Assemblée nationale sera profondément transformé, explique, dans un entretien avec Xinhua, le politologue Sébastien Michon de l'Université de Strasbourg. Mais si le renouvellement des personnes sera massif, celui des profils reste à nuancer, relève le chargé de recherche au CNRS (Centre national de la recherche scientifique).
"Le renouvellement de l'Assemblée nationale sera le plus conséquent depuis 1958. 37% des députés sortants ne se représentent pas. Parmi ceux qui se représentent, un certain nombre ne sera pas réélu. Les sondages donnent en effet beaucoup de candidats de La République en marche (LREM) en bonne position, même s'ils ont moins d'expérience politique", estime M. Michon, co-auteur avec Julien Boelaert et Etienne Ollion d'un travail d'enquête de trois ans intitulé "Métier : député. Enquête sur la professionnalisation de la politque en France", publié en avril.
"Si le renouvellement des personnes sera massif, celui des profils pose question, en termes de moyenne d'âge des nouveaux députés mais surtout sur le plan sociologique. En effet, 90% des candidats qui se présentent sous les couleurs du président Macron sont issus des catégories sociales supérieures ou sont des chefs d'entreprises", souligne le politologue.
D'autre part, si nombre d'entre eux sont novices en batailles électorales, beaucoup n'en sont pas moins familiers de la vie publique. "S'il y a moins d'anciens collaborateurs ou d'anciens élus, beaucoup de candidats LREM restent issus du sérail, proches des sphères du pouvoir. C'est à l'image du gouvernement : 11 des personnes qui le composent ont été présentées comme issues de la société civile, mais près de la moitié d'entre elles est passée par des cabinets ministériels", note le chercheur au CNRS.
Le renouvellement de la classe politique promis par le nouveau chef de l'Etat pendant sa campagne présidentielle reste donc à nuancer, résume-t-il.
Interrogé par Xinhua sur le vote des Français de l'étranger, qui s'est tenu dimanche, Sébastien Michon explique qu'il n'est pas un miroir de la politique hexagonale. Les candidats LREM sont arrivés en tête dans les onze circonscriptions législatives réservées aux Français de l'étranger, voire majoritaires dès le premier tour (un second tour aura néanmoins lieu le 18 juin car la participation a été inférieure au seuil requis de 25% des électeurs inscrits). Mais il faut rappeler qu'au second tour de la présidentielle, 89% des électeurs de ces onze circonscriptions ont voté Emmanuel Macron, contre un peu moins de 11% pour la candidate du Front national Marine Le Pen (qui a recueilli près de 34% des voix à l'échelle nationale).
"On observe une forte adhésion à LREM dans 6 circonscriptions. Cela s'explique notamment par la composition sociologique de l'électorat des circonscriptions concernées, qui est très favorable à Emmanuel Macron. Mais le principal enseignement à tirer de ce scrutin réside dans le très fort taux d'abstention qui s'élève à plus de 80%. Il faut s'interroger sur ce point", insiste le chercheur.
Concernant les rapports de force au sein de la future Assemblée nationale, si LREM obtient la majorité absolue, comme le prédisent les sondages, "la configuration sera classique avec un groupe majoritaire qui servira de courroie de transmission au gouvernement", explique le politologue. "Sans majorité absolue, le scénario sera un peu différent et impliquera des négociations avec des centristes de l'UDI, voire des élus Les Républicains et socialistes. Mais cela ne changera pas fondamentalement la donne", poursuit-il.
Ces élections législatives vont-elles consacrer le "triomphe du présidentialisme" et déboucher sur une "majorité de godillots", comme l'affirment des éditorialistes de l'Hexagone ? "D'autant plus si LREM obtient la majorité absolue", répond Sébastien Michon. "Sous la Ve République, le Parlement reste extrêmement contraint par le gouvernement. Cela est renforcé par le fait majoritaire. Par ailleurs, des députés novices auront moins la capacité de s'opposer, car ils maîtrisent moins les rouages des institutions. Cela peut en effet renforcer le régime présidentialiste", estime-t-il.
Comme beaucoup d'analystes, le politologue pense que les "réformes annoncées sur la loi travail vont certainement faire bouger les syndicats et un certain nombre de salariés".
Interrogé sur les premiers pas d'Emmanuel Macron sur la scène européenne et internationale, le chercheur note que le président est "extrêmement actif". "C'est lié à la fonction présidentielle", rappelle-t-il.
Concernant la relance du couple franco-allemand prônée par le nouveau chef de l'Etat, Sébastien Michon, qui est également co-responsable au sein du laboratoire SAGE (Sociétés, acteurs, gouvernement en Europe), estime qu'il est trop tôt pour se prononcer, a fortiori avant les élections législatives de septembre en Allemagne. "Il n'y a pas que la France et l'Allemagne dans l'Union européenne... Des pays risquent aussi de freiner cet axe fort", note-t-il.
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