Interdiction chinoise du commerce de l'ivoire : WWF salue "un signal fort" pour réduire le trafic (PAPIER GENERAL)
La décision de la Chine d'interdire le commerce domestique de l'ivoire est un "signal fort" susceptible, avec celle également prise par les Etats-Unis, de permettre de réduire l'ampleur du trafic illégal observé autour de cette ressource et à l'origine d'un grand massacre d'éléphants en Afrique, se félicite le bureau régional pour l'Afrique centrale de WWF.
"Le fait que la Chine donne un signal fort que l'ivoire est un produit qu'il ne faut pas acheter et vendre, c'est un message fort à la population. Donc ça aura un impact", a souligné à Xinhua Marc Languy, directeur régional adjoint pour l'Afrique chargé de la coordination des bureaux d'Afrique centrale de WWF (Worldwide Fund for Nature ou Fonds mondial pour la nature).
Ces dernières années, le trafic d'ivoire a pris des proportions alarmantes. Entre 2003 et 2012, l'Afrique centrale qui couvre une partie du Bassin du Congo, le deuxième plus grand massif forestier du monde après l'Amazonie, a perdu environ 60% de sa population d'éléphants à cause du braconnage, estime l'ONG internationale qui milite pour la protection et la préservation de l'environnement.
Au Cameroun en particulier, elle avait alerté sur le massacre d'une partie de sa population d'éléphants de savane, environ 400 bêtes dans le parc national de Boubandjida (Nord) en 2012.
Dans ce pays, il est fait état d'"une population encore saine" dans les aires protégées du Sud-Est, zone de forêt dense, qui traversent les frontières. Cette population voyage entre le Congo, le Cameroun et la République centrafricaine, rapporte M. Languy.
"Si vous prenez par exemple Gabaï, précise-t-il, qui est une zone naturelle ouverte en forêt, du côté de Bayanga, en République centrafricaine, tout proche de la frontière camerounaise, il y a jusqu'à 2.000 éléphants qui ont été inventoriés et qu'on peut reconnaître un par un, en fonction de la forme de leurs défenses et des déchirures sur les oreilles, etc."
"Donc, c'est quand même une population encore importante, mais ce n'est pas pour autant que cette population va pouvoir survivre si le rythme de braconnage continue", a-t-il prévenu en marge de la présentation le 27 octobre à Yaoundé, du Rapport "Planète vivante 2016", un document qui s'alarme de l'état de dégradation avancé de l'environnement sous l'effet de l'action de l'homme.
D'après ce rapport, la terre a une quantité d'oxygène, de poissons, de mammifères, de légumes, de productions agricoles, qu'elle produit chaque année, mais les différentes actions dites de civilisation lui font subir une énorme pression.
"On emprunte trop à la terre", a lâché Marc Languy pour qui, en s'associant à la lutte internationale contre le commerce illicite d'ivoire, le pouvoir chinois a pris une décision salutaire dont il faut s'attendre qu'elle puisse contribuer à diminuer la demande et réduire le trafic.
"On pense qu'avec beaucoup de sensibilisation, mais des décisions politiques telles que celle de la Chine ou des Etats-Unis, on va changer les mentalités. A partir du moment où les gens trouveront que ce n'est pas bien d'avoir de l'ivoire, de porter de l'ivoire, il n'y aura plus de demande, le braconnage va diminuer. Mais soyons clairs, ce n'est pas suffisant", dit-il.
Ce qui rend la tâche ardue, c'est le fait que le phénomène met en évidence des réseaux criminels, explique-t-il. "Ça veut dire qu'il y a des gens qui font la demande, il y a des gens qui fournissent, il y a des gens qui facilitent les transferts, il y a des gens qui facilitent pour cacher l'ivoire. Donc, ce sont des réseaux qu'il faut démanteler".
Arrêter la demande, prendra alors du temps. Mais en attendant, suggère le directeur régional adjoint de WWF pour l'Afrique, "tant qu'il y a une demande, il faut faire le renforcement de la loi, c'est-à-dire il faut continuer à appuyer les ministères à financer les gardes qui exécutent la loi, qui s'assurent qu'il n'y a pas de braconniers".
"Il faut continuer à s'assurer que quand les braconniers sont pris, qu'ils soient traduits en justice. Il faut continuer à s'assurer que les sanctions judiciaires qui sont prises seront à la hauteur du crime", ajoute-t-il.
Quelques avancées sont tout de même enregistrées dans cette lutte au Cameroun. "Il y a quand même pas mal de braconniers, plus de braconniers qui sont arrêtés ces dernières années. Il y a trois ou quatre ans on a eu des cas de traduction en justice qui ont amené à des décisions d'emprisonnement".
Dans son Rapport "Planète vivante 2016", WWF insiste sur le rôle important du Bassin du Congo pour la régulation du climat et la production de l'oxygène. Pour lutter contre le changement climatique, à l'origine de fortes hausses de chaleur dans le monde et en particulier dans cette région, ses experts recommandent d'accélérer les efforts pour mettre un terme à la déforestation.
L'ONG cite le Cameroun comme un pays susceptible d'être bénéficiaire des fonds notamment carbone et souligne la nécessité pour les autorités de Yaoundé d'élaborer une stratégie destinée à juguler la dégradation des forêts ou la déforestation.
Au sein de la Commission du Bassin du Congo et de la Communauté économique des Etats de l'Afrique centrale (CEEAC), la République démocratique du Congo (RDC), rappelle-t-elle, s'est vu octroyer le plus grand programme mondial de réduction des émissions de CO2, d'un montant de 120 millions de dollars, pour l'encourager dans la mise en place de "solutions concrètes" face à ce phénomène.
"Pourquoi le Cameroun ne peut pas accéder à ce même programme ? C'est une question de volonté politique avant tout. Les solutions techniques, elles, existent", a souligné Marc Languy, en présence de Hanson Njiforti, le directeur national de WWF.
Dans un pays où de grands projets agropastoraux sont développés, M. Njiforti a pour sa part exhorté d'éviter de sacrifier l'environnement sur l'autel des intérêts commerciaux. "On ne peut pas se développer sans tenir compte de l'environnement. S'il n'y a plus de forêt, il n'y aura plus d'eau. L'exploitation forestière a un impact sur les barrages hydroélectriques", par exemple, a-t-il noté.
Au Sud-Ouest du pays, un projet américain d'aménagement de 86.000 hectares de terrain pour la culture du palmiers à huile dans une zone faisant partie d'une aire protégée a soulevé une levée de boucliers au sein de la population, suscitant jusqu'à la mobilisation de l'ONG Greenpeace.
Sur ce dossier, la position de WWF est aussi sans équivoque : non eulement l'organisme conseille de diriger de tels projets vers des zones à faible valeur de biodiversité, mais aussi "d'une manière générale, WWF n'encourage pas les grands projets monospécifiques [portant sur une culture], ils apportent des problèmes. On encourage plutôt les petits producteurs pour améliorer leur productivité", indique M. Njiforti. F
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