G20 : le sommet de Hangzhou doit avoir une "position attentive à la complexité des intérêts mondiaux"
A travers les présidents sud-africain Jacob Zuma, sénégalais Macky Sall et tchadien Idriss Déby Itno, l'Afrique sera représentée au prochain sommet du G20 qui se tient les 4 et 5 septembre à Hangzhou en Chine, un rendez-vous appelé à avoir une "position attentive à la complexité des intérêts mondiaux", suggère l'analyste camerounais Mathias Eric Owona Nguini.
Dans une interview accordée à Xinhua, le sociopolitiste, enseignant à l'Université de Yaoundé II, a préconisé à la Chine, principal partenaire commercial de l'Afrique, et aux autres membres du G20 de faire preuve lors de ces assises d'orientations "attentives aux préoccupations de nombre de pays qui sont généralement en position désavantageuse dans les relations internationales globalisées".
Question : la Chine abrite les 4 et 5 septembre le prochain sommet du G20 à Hangzhou. Quel bénéfice cela peut représenter pour l'Afrique?
Réponse : Le bénéfice que les pays africains peuvent obtenir du G20 va dépendre des thématiques qui seront abordées. Est-ce que ces thématiques-là seront en lien avec les préoccupations et les attentes des pays d'Afrique? C'est à partir de là que l'on saura si cette rencontre peut être intéressante pour les pays africains. Ce qui est sûr, c'est que le G20, en tant que cadre d'influence international, est constitué d'un certain nombre de pays qui sont en partenariat avec les pays d'Afrique et qui peuvent éventuellement relayer, dans une certaine mesure, des intérêts assez favorables pour les pays africains.
Q : Les discussions au cours de ce rendez-vous seront justement axées sur des sujets tels que l'innovation, la gestion et la réforme économique et financière, la libéralisation du commerce international et la mondialisation, ou encore la lutte contre la corruption. Selon vous, ces problématiques sont-elles aussi cruciales pour l'Afrique et quelles réponses les dirigeants des pays les plus riches doivent-ils y apporter?
R : Ce sont des problématiques qui ont un intérêt important pour les pays d'Afrique, qui sont aujourd'hui concernés par la dynamique économique, commerciale et financière liée à la mondialisation. Ces pays sont fortement concernés par le jeu de la globalisation commerciale qui ne se fait pas toujours à leur avantage. Ces pays peuvent aussi être affectés par les mouvements financiers internationaux et ils sont évidemment concernés par tout ce qui touche à la gouvernance.
Q : Quelle position le G20 doit-il alors adopter face à ces défis?
R : La position à adopter par les dirigeants du G20 est une position qui doit être attentive à la complexité des intérêts mondiaux en ce qui concerne ces dossiers. La légitimité de cette instance qu'est le G20, par rapport au G8 par exemple, est qu'elle permet d'élargir la vue qu'il y a sur un certain nombre de questions touchant à l'ordre actuel du monde dans ses différents compartiments, aussi bien les compartiments politique, économique, social que culturel. Le G20 a donc d'autant plus d'intérêts qu'il offrira des orientations et une réflexion qui se distinguent dans une certaine mesure de celles du G8, essentiellement constitué des principaux pays industrialisés, qui ont leur propre définition des orientations mondiales, une définition qui est évidemment modelée par les intérêts qui sont les leurs.
Q : Comment percevez-vous la contribution de la Chine à ce jour à la gouvernance mondiale?
R : La Chine est devenue aujourd'hui l'une des puissances étatiques les plus influentes dans l'ordre international actuel. Elle est à la fois un pays qui participe aux clubs d'influence les plus importants, et elle est également un pays qui a connu une certaine montée en puissance au niveau économique. En même temps, la Chine connaît encore des problèmes structurels de type socio-économique qui ne sont pas différents de ceux de bien des pays en voie de développement.
Q : Pour promouvoir un consensus lors du sommet, quelle démarche doit-elle adopter face à ses autres partenaires du G20?
R : La Chine doit, comme d'ailleurs les autres pays influents du G20, agir dans le sens d'une convergence sur un certain nombre de préoccupations, de telle manière que le G20 puisse présenter une vision cohérente quant aux grands dossiers qu'il aura à examiner. C'est ce qui facilitera aussi bien la capacité d'autres regroupements tels que le G8 à écouter ce que le G20 va dire, ainsi que la capacité de bien des pays qui ne sont pas représentés dans le G20 à considérer que cette instance-là offre un lieu d'expression de la diversité des intérêts qui sont présents dans le monde contemporain.
Q : Trois dirigeants africains, le Sénégalais Macky Sall, le Sud-africain Jacob Zuma et le Tchadien Idriss Déby Itno, président en exercice de l'Union africaine, vont prendre part à ces assises. Quel discours doivent-ils tenir avec leurs homologues du G20 pour l'amélioration de la gouvernance mondiale, de la stabilité économique, de même que les défis liés à la paix et la sécurité dans le monde?
R : Les présidents africains qui participeront à ces travaux du G20 se doivent d'insister sur l'importance de la mise en place de règles permettant par exemple d'encadrer les mouvements financiers internationaux, de la mise en place de cadres de discussion autour des grands partenariats commerciaux tels que les APE (accords de partenariat économique), qui peuvent susciter des difficultés pour les pays africains qui n'ont pas un niveau de compétitivité égal évidemment à celui des pays industrialisés faisant partie de l'Union européenne. Ces chefs d'Etat africains peuvent aussi exprimer l'importance pour l'Afrique de mettre en place des règles sérieuses de gouvernance institutionnelle.
Q : De quel poids la coopération sino-africaine peut-elle peser pour permettre de relever de tels défis?
R : La coopération sino-africaine est devenue aujourd'hui un des créneaux en vue de la coopération entre les grandes puissances ou (entre) les puissances émergentes et des pays d'Afrique. On sait que dans la stratégie de présentation de cette coopération, les autorités chinoises insistent sur son caractère gagnant-gagnant pour montrer que la Chine est capable d'apporter de nouvelles formes de relations et d'échanges avec les pays africains. Il reste maintenant que cette coopération-là soit effectivement concluante pour les pays africains, en ce qu'elle leur permette de pouvoir réaliser des projets de développement et de pouvoir bénéficier d'apports qui leur permettraient véritablement de développer leurs niveaux de productivité et de compétitivité ainsi que leur consistance institutionnelle.
Q : Selon vous, y a-t-il un héritage que le sommet de Hangzhou doit laisser. Si oui, lequel?
R : Je pense que ce que le sommet du G20 peut apporter, c'est une qualité de ses orientations, c'est-à-dire la capacité que ces orientations soient attentives aux préoccupations de nombre de pays qui sont généralement en position désavantageuse dans les relations internationales globalisées, que celles-ci soient politiques, stratégiques, économiques ou socioculturelles.
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