La croissance de la Chine "réduit les inégalités au niveau mondial", estime un économiste français
La Chine joue un rôle remarquable dans la réduction des inégalités au niveau mondial, estime l'économiste français Thomas Piketty, dans une interview exclusive accordée à Xinhua.
"La diffusion des connaissances, de l'éducation peut permettre la réduction des inégalités entre pays, c'est ce qu'on observe actuellement avec la croissance exceptionnelle de la Chine et des pays émergents. Ils réduisent les inégalités au niveau mondial et c'est très positif", a déclaré le jeune économiste français de 43 ans, dont le dernier livre "Le Capital au XXIème siècle" est un Best seller.
M. Piketty retient le fait que "c'est la fin de la pauvreté en Inde et en Chine et c'est l'enrichissement des personnes dans ces pays". Surtout, il note que cette croissance "ne se fait pas au détriment des personnes dans les pays riches", estimant "que pour l'essentiel tout ceci est un jeu à somme positive, que la planète entière peut y gagner et que l'Inde et la Chine y gagnent".
Il écarte donc les critiques de certains qui accusent les pays émergents de mener une concurrence infernale aux pays développés.
"C'est vrai que ce processus de rattrapage met une pression sur les travailleurs à faible ou moyen niveau de qualification dans les pays riches. Mais de toute façon, l'augmentation de l'activité dans les secteurs industriels traditionnels avait lieu avant l'arrivée de la Chine et elle aurait eu lieu de toute façon. Je rappelle souvent qu'en France les destructions d'emploi dans le textile étaient encore plus fort entre 1950 et 1980 qu'entre 1980 et 2010. ce n'est pas à cause de la Chine qu'il y a des destructions d'emploi dans le textile", explique-t-il.
M. Piketty critique plutôt la tendance qui consiste en France et en Europe à "chercher des coupables pour la montée des inégalités et la Chine est un coupable idéal". Et d'ajouter: "Mais je n'y crois pas beaucoup. Je pense que la mondialisation est globalement positive".
Si la pauvreté a diminué en Chine et, par voie de conséquence, dans le monde entier, M. Piketty note que les inégalités à l'intérieur du pays sont en augmentation.
"J'étais à une conférence à Hong Kong au mois de novembre 2013 où il y avait des chercheurs de beaucoup d'universités chinoises qui présentaient des résultats de leur enquêtes sur les inégalités en Chine et toutes les données indiquent une augmentation assez forte de l'inégalité des patrimoines en Chine au cours des dix dernières années", relate-t-il.
L'économiste français prévoit que la croissance économique de la Chine va "s'abaisser" dans l'avenir et il prédit que "la question des patrimoines et de l'héritage va devenir très importante en Chine". Du fait notamment que la démographie chinoise est maîtrisée et tend même à être négative, "le poids des patrimoines accumulés dans le passé va devenir très important".
"Quand vous avez un seul enfant, vous héritez des deux côtés, des deux parents, et donc mécaniquement cela donne une très grande importance au patrimoine hérité, explique l'économiste. Je pense qu'on commence à voir cela en Chine et qu'on va le voir de plus en plus dans les décennies qui viennent".
M. Piketty juge que les inégalités, quand elles sont trop fortes, peuvent être un frein à la croissance, provoquer des tensions sociales voire mettre en péril le système financier d'un pays. L'économiste propose donc des solutions pour réduire les inégalités.
"Mon intuition est que la Chine va avoir besoin de développer des systèmes d'imposition progressive des revenus et du patrimoine pour parvenir à limiter les inégalités et pour parvenir à une régulation efficace de l'accumulation du patrimoin", explique-t-il.
Pour lui, l'avantage de l'impôt progressif est de "limiter la concentration des richesses et de limiter la perpétuation des inégalités à travers les générations d'une façon qui est plus systématique et plus juste que des régulations au cas par cas".
"Actuellement, ce que je trouve regrettable c'est l'absence de transparence sur les revenus et sur la répartition des patrimoines. C'est un problème", remarque-t-il.
Thomas Piketty se veut toutefois optimiste. Il pense même que "c'est tout à fait possible que les réponses apportées par la Chine -- justement parce qu'elle peut utiliser les leçons et les erreurs des autres pays -- soient en avance sur les autres pays".
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