Accueil> INTERNATIONAL

Riz : 80% de la production camerounaise absorbée par le Nigeria, avantage aux importations (REPORTAGE)

Par : Li Zhijian |  Mots clés : Cameroun, agriculture
French.china.org.cn | Mis à jour le 10-05-2013

Quarante-deux ans après sa création en 1971, la Société d'expansion et de modernisation de la riziculture de Yagoua (SEMRY) au Nord-Cameroun tourne au ralenti, confinée à un rôle d'encadrement des planteurs locaux qui fournissent une récolte d'environ 70.000 tonnes de paddy par an, soit l'essentiel de la production nationale.

En raison de son outil de production dégradé et complètement à l'arrêt, cette entreprise étatique localisée sur son site de Yagoua, à quelque 230 km par route bitumée au Sud-est de Maroua, la principale ville de la région camerounaise de l'Extrême-Nord, est loin de pouvoir remplir sa mission d'assurer l'autosuffisance alimentaire à ce pays d'Afrique centrale par la production de riz. Sur une superficie globale établie à 13.300 hectares répartie en trois bassins de production, dont Yagoua pour 5.300 hectares à Yagoua, puis Maga et Kousseri, deux autres localités de l'Extrême- Nord qui comptent respectivement 6.200 et 1.800 hectares, environ 160.000 riziculteurs représentant quelque 20.000 familles travaillent sous son encadrement technique et financier.

Principale source de revenus des populations locales, cette culture transporte dans les champs des familles entières, parents et enfants confondus, de l'aménagement des espaces à la récolte. Installés le long des berges du fleuve Logone, limite naturelle entre le Cameroun et le Tchad, ces valeureux paysans alimentés en eau par des stations de pompage créées par la SEMRY se démènent avec un outil de travail rudimentaire.

Instituteur dans une école publique d'un village voisin, Charles Zoulbangué, natif de Vounaloum ferme, où se découvre une de ces ouvrages hydro-agricoles, n'a pas arrêté de s'y investir, pour une production vendue comme chez la plupart des planteurs, sur place sans la moindre transformation à des commerçants nigérians et aussi tchadiens pour qui c'est une importante opportunité d'affaires.

« Avant, le Cameroun prenait la production et la commercialisation en main. Depuis 1988, je crois, ils nous ont laissés à nous-mêmes, de telle sorte qu'actuellement on se débrouille avec les Nigérians. Et c'es à eux de fixer le prix d'achat du paddy. On n'évalue pas en kilos, mais en sacs. Un sac varie avec leur cours du naira (monnaie nigériane, NDLR) », a témoigné Zoulbangué à Xinhua.

A 12.000 francs CFA (24 dollars) en moyenne la valeur d'un sac de 70 à 80 kilos de paddy, c'est-à-dire du riz non décortiqué, ces entrepreneurs étrangers se voient offrir comme un trésor. Sur les routes en terre de la région, ils convoient de nuit des gros camions pour transporter la marchandise.

« Dans la situation actuelle, les 80% de la production paddy des périmètres rizicoles de la SEMRY vont à l'état de paddy au Nigeria. C'est transformé au Nigeria et c'est de la production qui est achetée à un prix très bas. Ce n'est pas des prix incitatifs », a à son tour rapporté à Xinhua Robert Nyonse, directeur général adjoint de la SEMRY.

Transformées, les importations nigérianes du paddy camerounais prennent la direction du marché international. C'est un paradoxe que les Camerounais ne consomment leur propre riz produit localement sur fonds publics de surcroît, alors que dans le même temps le pays investit chaque année des centaines de milliards de francs CFA dans des importations massives de cette denrée alimentaire.

A environ 400.000 tonnes l'an, les besoins de la consommation nationale peuvent pourtant être comblés par la production locale, puisque, en dehors de la SEMRY, il existe d'autres unités comme l'Upper Nun Valley Development Authority (UNVDA) qui fournit 18. 000 tonnes de riz blanc annuellement dans l'Ouest du pays avec une capacité maximale de 30.000 à 50.000 tonnes, soutient Nyonse.

« Effectivement, le Cameroun est en mesure de produire suffisamment de riz pour satisfaire les besoins nationaux. Avant, les coûts n'étaient pas compétitifs. Mais après la dévaluation, c'est-à-dire à partir de 1995, le coût du riz a augmenté. Le riz est à 300 francs. Or à ce prix-là, les productions que nous faisons ici peuvent largement être compétitives sur le marché. Notre souci est qu'on consomme du riz produit sur le territoire national », explique cet ingénieur agronome hors échelle.

En 1985 déjà, démontre-t-il, « la SEMRY produisait pratiquement les 80% de la production, en comptant d'autres périmètres, c'est-à-dire SODERIM, UNDVA et le riz pluvial. Si la SEMRY est réhabilitée, elle pourra apporter systématiquement chaque année de l'ordre 150.000 tonnes de paddy. Il y a la possibilité de culture de 50.000 hectares dans la vallée du Logone, avec Lagdo, le Saro. Nous avons un rendement de six tonnes à l'hectare. Ça fait 300.000 tonnes de paddy et dont les 70% c'est du riz blanc. »

En quarante-deux ans d'activités de cette entreprise qui passe pour le principal poumon économique de l'Extrême-Nord, les pouvoirs publics ont octroyé un montant total d'environ 50 milliards de francs CFA (100 millions de dollars) de subventions.

« Nous sommes autour de 70.000 tonnes de paddy produites chaque année. Mais il faut préciser que la SEMRY a atteint 110.000 tonnes de production de paddy en 1985-1986. La crise qui a secoué la plupart des pays du monde a fait que l'évolution des productions a été freinée. La SEMRY achetait la production des riziculteurs, transformait cette production en riz, mais ne pouvait pas vendre sur le marché national à un prix national incitatif », informe en outre Robert Nyonse.

A l'époque, un kilo de riz de la SEMRY valait 250 francs CFA, prix sortie usine. « Comme nous sommes à plus de 1.000 kilomètres des principaux centres de consommation que sont Yaoundé et Douala, il fallait payer le transport, soit 40 francs le transport d'un kilo de riz. Donc, ce riz arrivait à Yaoundé et Douala autour de 300 francs le kilo. Alors que sur ces marchés-là le kilo de riz importé c'était 100 francs », souligne-t-il par ailleurs.

Une des rares initiatives dans le domaine, la Société camerounaise de production de riz (SCPR) également basée à Yagoua par les soins d'investisseurs nationaux, a entrepris depuis trois ans une transformation locale de ce riz. Le résultat, d'après ses dirigeants, est impressionnant : 18% de croissance des capacités de l'industrie tous les trois mois. Mais même problème de consommation : une clientèle essentiellement expatriée, notamment coréenne à Yaoundé. F

Source: Agence de presse Xinhua
Les dernières réactions            Nombre total de réactions: 0
Sans commentaire.
Voir les commentaires
Votre commentaire
Pseudonyme   Anonyme
Retournez en haut de la page