Liu Ye : entre enfance et présent

Par : Yann |  Mots clés : Liu Ye, peintre, croisements
French.china.org.cn | Mis à jour le 04-07-2014

Si quelqu'un regardait les peintures que Liu Ye a faites au début des années 1990 et étudiait les thèmes qu'il a développés depuis cette époque, son impression serait celle d'un conte de fées : magie, idéalisme, mais souvent avec un côté sombre.

Rencontrer Liu et passer un moment avec lui dans son studio pour avoir des réponses aux questions qu'il soulève dans ses peintures est un peu comme se trouver face à Peter Pan en personne. Il a une mémoire sélective de son enfance. Ce sont principalement des choses qui l'ont influencé sur le plan artistique, comme son père qui était un auteur pour enfants et qui lui a fait découvrir des livres avec des histoires de Hans Christian Anderson. Ces souvenirs – ou images mentales – qu'il considère comme très lointains, ont subi des changements pour s'adapter à l'homme et à l'artiste qu'il est devenu.

Je lui ai demandé s'il tiquait quand on comparait ses peintures, au niveau du style, aux illustrations des livres pour enfants. « Quand j'étais petit, j'aimais les contes de fées parce qu'ils me permettaient de m'évader et il y avait des moments où j'avais besoin de m'évader. Je peux utiliser certaines références à des choses qui m'ont influencé étant enfant, des choses qui m'ont attiré vers l'art. Mais j'utilise ces sujets, mes "petits personnages", pour décrire ma vie et mon monde d'aujourd'hui, et c'est clairement loin de quelque chose d'enfantin ».

Cet aveu de Liu fait aussi référence à ses portraits souvent érotisés de jeunes filles, un thème récurrent de son travail. Je pousse un peu plus loin et lui demande s'il pense que ces peintures-là se vendent bien sur le marché de l'art actuel parce qu'elles sont un peu sensationnalistes.

« Je ne peux pas vraiment dire pourquoi mes œuvres sont devenues populaires, peut-être parce qu'elles sont différentes de l'art avant-gardiste chinois grand public. Peut-être que les collectionneurs veulent aussi des choses qui ne soient pas toujours politiques. Bien que mon histoire personnelle soit liée à la "Révolution culturelle", je n'éprouve aucun intérêt à peindre des œuvres traitant de cette époque-là, contrairement à d'autres artistes contemporains que je connais et admire. Je peins seulement ce qui m'intéresse. »

Ce qui l'intéresse est un groupe de personnages qu'il a créé et qu'il utilise pour raconter des histoires fantaisistes, surréalistes, parfois coquines, souvent mélancoliques. Ses « petits personnages » sont dessinés avec des têtes de taille adulte sur des corps d'enfants. Ils ont l'air innocents et pensifs, et semblent être impliqués dans de sérieuses affaires. On les voit par exemple parlementer avec des marins sur le pont d'un bateau de guerre en mer ou perdus dans un paysage inquiétant en regardant une carte qui est en fait un tableau de Mondrian déroulé.

Les références à Mondrian sont omniprésentes dans le travail de Liu. Il y a non seulement des connexions directes avec le peintre hollandais, cofondateur du mouvement De Stijl, comme le fait que les « petits personnages » de Liu transportent des œuvres de Mondrian et évoluent dans des décors « mondrianesques », mais le style tranchant et géométrique de Liu ainsi que le registre de couleurs utilisées sont grandement influencés par Mondrian.

Quand on lui demande comment lui est venu son intérêt pour l'artiste, Liu répond que c'est durant sa période d'étude à Berlin, entre 1990 et 1994. « Mondrian était méticuleux mais avait aussi une approche simple. J'ai étudié le design à Berlin et j'en suis venu à apprécier la simplicité des compositions géométriques des artistes de De Stijl. »

Un autre « personnage » que Ye a incorporé dans son travail est Miffy, un petit lapin, personnage de dessin animé, qui a été créé par le dessinateur hollandais Dick Bruna qu'il a rencontré et avec qui il est en relation. Des peluches de Miffy sont disséminées un peu partout dans l'atelier de Liu, et il était occupé à dessiner le petit lapin tandis que nous discutions. Liu m'a dit que ce « personnage » était un peu son alter égo. Quand ce n'est pas un de ses petits personnages qui est le sujet d'une de ses œuvres, c'est Miffy, c'est-à-dire lui-même. On ne sait pas encore comment son public verra son nouveau sujet.

Alors que j'étais en train de terminer ce livre, une peinture de Liu datant de 1995, intitulée Bright Road, montrant deux de ses personnages récurrents d'enfants dansant devant un paysage peint sur lequel un grand objet enflammé s'écrase, a été vendu lors d'une vente aux enchères à Hong Kong pour 2,5 millions de dollars américains. Cette vente représente un nouveau record pour lui et confirme que le marché pour les artistes contemporains chinois reste vivant et éclectique.

 

Jon Burris, photographe et auteur de renom. Il a écrit sept livres à propos de la photographie et de l'art contemporain. Ses propres photographies font partie de collections privées et institutionnelles dans le monde entier.

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