Carole Ventura
Du 16 au 19 juin, l'actrice française Carole Ventura a présenté son adaptation de L'Arrache-cœur au théâtre Penghao, une merveilleuse salle intimiste, nichée dans le quartier branché de Nanluoguxiang à Beijing.
Passionnée de Boris Vian depuis l'adolescence, elle avait déjà organisé en Chine son spectacle Histoire de Vian en mars dans le cadre de la fête de la francophonie.
Elle est à présent installée à Beijing, bien décidée à faire connaître l'œuvre du poète de l'absurde, dont l'œuvre est quasi-confidentielle en Chine. À ce jour, L'Écume des jours est son seul ouvrage disponible en chinois (sous le titre 日常的泡沫, Richang de paomo). Pourtant, selon Carole Ventura, « L'Arrache-cœur a un thème qui touche beaucoup les Chinois, surtout dans une société où il y a beaucoup d'enfants uniques ».
Suivant un monologue de Clémentine, la pièce raconte l'angoisse d'une mère face aux catastrophes qui guettent, selon elle, ses trois enfants. Sombrant peu à peu dans la folie et l'isolement, elle décide de leur construire une cage pour les protéger de tous les dangers. Les autres personnages du roman, le psychiatre Jacquemort, la bonne, et le mari Angel sont présents de manière abstraite à travers les paroles de Clémentine. Les triplés, Noël, Joël et Citroën, font partie du spectacle sous forme de poupées animées par l'actrice, seule sur scène.
« Il est très intéressant d'être seul sur scène, car on est obligé de se poser toutes les questions, on ne peut pas être paresseux », confie Carole Ventura. Ce spectacle est entièrement le fruit de ses efforts, de la sélection des extraits, aux costumes et au décor. « L'éternel problème des acteurs est de trouver de bons textes [...] J'ai travaillé deux mois pour avoir un texte théâtral qui fonctionne. C'était très difficile, car j'ai choisi de mettre en scène la troisième partie du roman, où le personnage est assez monocorde. J'ai donc dû trouver une évolution et une tension dramatique, tout en gardant le texte de Boris Vian ».
La pièce est jouée en français, mais un sous-titrage chinois a été ajouté pour faciliter la compréhension des non-francophones. « Nous avons également fait l'expérience de jouer la pièce devant un seul Chinois, sans sous-titres, et il a pu nous raconter l'histoire à la fin. C'est un spectacle extrêmement parlé, où la parole est primordiale, puisque c'est aussi un texte poétique ; mais sans accès à la parole, on fera attention à autre chose : les intonations, les expressions du visage, les expressions corporelles, le langage non parlé de la pièce », explique Mme Ventura.
Le public est essentiellement français pour l'instant, mais de plus en plus d'étudiants chinois francophones ou férus de théâtre viennent découvrir cette œuvre. Une tournée dans d'autres villes est envisagée, comme en mars dernier lorsque l'Alliance française avait sponsorisé Histoire de Vian à Chengdu et Beijing. « Le public chinois et la Chine nous donnent un retour immédiat sur notre travail. C'est très excitant et enrichissant au niveau créatif ».
Tandis que Shanghai regorge d'activités culturelles avec l'Exposition universelle, Carole Ventura annonce également son intention de ne pas manquer ce grand événement. « C'est fantastique d'être en Chine pendant l'Exposition universelle. Le thème est extrêmement intéressant, puisque pour des raisons de carrière, nous sommes de plus en plus amenés à vivre dans de grandes villes ; c'est là aussi que l'on peut trouver de l'effervescence artistique et penser de grands projets. Comment rendre la ville vivable ? C'est un thème très intéressant et un grand challenge ».
Portée par son inspiration, elle travaille actuellement à une prochaine mise en scène avec des acteurs chinois, un projet auquel elle souhaite se consacrer davantage après l'été. L'année 2010 marque également le soixantième anniversaire du décès d'Albert Camus, son autre auteur fétiche, qui pourrait donc faire l'objet d'une adaptation originale dans les mois à venir. Les amateurs de littérature et de théâtre français ont désormais une nouvelle raison de suivre de près l'actualité de la scène pékinoise. (Par Nelly Alix) |