Profiter ensemble de la transition verte
La « coopération verte » sino-française revêt une importance mondiale qui va bien au-delà du cadre bilatéral. Ainsi, dans les secteurs émergents comme les industries vertes et les énergies propres, les deux pays ont des concepts de développement similaires, obtenu des résultats fructueux, et leur potentiel est énorme. Le 24 novembre 2023, le Centre de Neutralité Carbone (CNC) franco-chinois a été officiellement lancé, envoyant une fois de plus un signal fort montrant que la Chine et la France renforcent leur coopération dans les technologies vertes et travaillent ensemble pour lutter contre le changement climatique.
En 2015, la Chine et la France ont coopéré pour conclure l’Accord de Paris, un document historique signé lors de la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques. Lors de la visite d’État du président français Emmanuel Macron en Chine en avril 2023, les deux pays ont publié une déclaration commune dans laquelle le mot « énergie » était mentionné à six reprises ; le mot « climat », à neuf reprises ; et l’expression « neutralité carbone », à quatre reprises. Il est évident que l’approfondissement de la transition énergétique bas carbone et la lutte conjointe contre le changement climatique sont devenus des enjeux clés de la coopération sino-française.
Lors de la visite du président Macron en Chine, de nombreuses avancées ont été enregistrées dans la coopération énergétique sous l’impulsion d’entreprises chinoises et françaises. Lors de la 5e réunion du Conseil d’entreprises sino-français, 36 entreprises ont signé 18 accords de coopération dans le domaine manufacturier, des énergies vertes, des énergies nouvelles et de l’innovation, couvrant non seulement les énergies traditionnelles comme le pétrole, le gaz, et le nucléaire, mais aussi la production d’énergie via le solaire, l’éolien offshore et l’hydrogène, ainsi que le stockage d’énergie, donnant ainsi un cap à la coopération entre les entreprises chinoises et françaises.
La Chine possède des avantages technologiques et industriels dans les énergies nouvelles, avec des coûts relativement faibles. Le pays est ainsi devenu leader mondial. En juin 2023, la capacité installée en énergies renouvelables de la Chine dépassait 1 300 GW, un chiffre jamais atteint auparavant qui surpasse la production énergétique provenant du charbon, et représente plus d’un tiers du total mondial. La capacité installée en énergie hydraulique, éolienne, photovoltaïque et biomasse se classe au premier rang mondial, de même que celle des centrales nucléaires en construction. La part du pétrole et du gaz naturel dans le mix énergétique a diminué pour la première fois au cours de ces 20 dernières années. La production de modules photovoltaïques et de composants clés des éoliennes représente plus de 70 % du marché mondial. En 2022, ces produits exportés ont permis aux autres pays de réduire leurs émissions de CO2 de près de 600 millions de tonnes, pesant de tout son poids sur les chaînes industrielles et d’approvisionnement mondiales des énergies propres.
Il convient par ailleurs de noter que derrière l’amélioration de la « capacité de production verte » de la Chine se cachent des efforts continus d’investissement et d’innovation dans les énergies renouvelables. La production et les ventes de véhicules à énergies nouvelles en Chine se classent ainsi au premier rang mondial depuis neuf années consécutives, représentant plus de 60 % du total mondial. Ce qu’il convient cependant de clarifier, c’est que les avantages de la Chine en matière de production et de vente de véhicules à énergies nouvelles ne proviennent pas de « subventions massives ».
Depuis que la Chine a lancé son plan de développement du secteur des véhicules à énergies nouvelles en 2008, les entreprises de la chaîne industrielle en amont et en aval n’ont en fait jamais cessé d’innover, d’accélérer la R&D de nouvelles technologies, de mettre en place un processus d’itération pour les nouveaux produits, et de progresser dans le développement autonome. La Chine domine de plus le marché des batteries pour véhicule. Les modèles chinois de voitures particulières à énergies nouvelles ont désormais une autonomie moyenne de plus de 400 km et consomment environ 12 kWh aux 100 km. La densité énergétique d’une seule batterie lithium-ion a été augmentée à 300 Wh/kg, et des batteries semi-solides sont produites en masse. La technologie des produits intelligents tels que la télédétection par laser (lidar) et les puces informatiques embarquées a réalisé des progrès significatifs. Les brevets publiés chinois sur les véhicules à énergies nouvelles représentent environ 70 % du total mondial. Ils répondent aux différents besoins des consommateurs chinois, et sont bien accueillis des consommateurs du monde entier, y compris les Européens. Cet avantage n’a pas pu être obtenu en s’appuyant simplement sur de prétendues « subventions massives ».
La crise climatique mondiale s’intensifie et le développement durable de la société humaine est confronté à des défis sans précédent. Il reste un long chemin à parcourir pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris. La COP28 qui s’est tenue à la fin de l’année dernière a fixé pour objectif à l’horizon 2035 de tripler la capacité mondiale installée d’énergies renouvelables par rapport à 2020. Pour y parvenir, la Chine et la France doivent travailler ensemble.
Ces dernières années, le marché chinois a continué d’élargir son ouverture sur le monde extérieur, d’optimiser son environnement des affaires, d’attirer les entreprises à capitaux étrangers et d’accomplir de nouveaux progrès dans la coopération dans les énergies nouvelles, notamment avec de nombreuses entreprises françaises. En novembre dernier, lors de la 6e Exposition internationale d’importation de la Chine, le projet visant à améliorer la qualité de l’eau mis en œuvre par le géant français de l’eau Suez Environnement et Chongqing Derun Environment et sa filiale Derun Xinbang a officiellement vu le jour. Les solutions développées par une équipe d’experts chinois et français d’utiliser des bactéries et des plantes aquatiques submergées pour contrôler la prolifération d’algues et améliorer la qualité de l’eau revêtent une grande importance pour l’amélioration de l’environnement en matière d’eau douce, notamment dans les lacs et les réservoirs.
En 2022, le groupe français Air Liquide a signé un contrat avec Shenergy et le Parc de l’industrie chimique de Shanghai pour continuer à développer les applications vertes et à grande échelle de l’énergie à base d’hydrogène dans les transports.
En 2023, le groupe EDF, la plus grande entreprise publique française, a trouvé des partenaires chinois dans les centrales électriques virtuelles, l’énergie hydrogène verte et les réseaux carbone via le plan Énergie du futur.
Nous n’oublierons jamais l’aide apportée par la France au nucléaire civil chinois, ni la réussite de l’initiative sino-française de partenariat dans la fabrication verte, de l’éco-cité de Wuhan et d’autres projets institutionnels. À l’avenir, les relations sino-françaises ouvriront à n’en point douter un nouveau chapitre avec un « contenu vert » plus élevé. À cet égard, j’aurais trois suggestions de coopération à formuler. Premièrement, il faut saisir les opportunités offertes par la transition verte des deux pays, adhérer aux principes d’équité, de justice et de non-discrimination, et créer un meilleur environnement pour la recherche scientifique verte et la coopération industrielle, notamment dans les véhicules électriques et la finance verte. Deuxièmement, il faut aligner les initiatives et les plans verts des deux pays, tirer parti des complémentarités et explorer davantage la coopération verte sur les marchés tiers. Troisièmement, il faut défendre l’équité et la justice, injecter une énergie positive et proposer de nouvelles solutions pour la transition verte mondiale et la réponse au changement climatique, résoudre les conflits et concilier les différences, et bâtir conjointement un système de gouvernance climatique mondiale juste et raisonnable.
*LU SHAYE est ambassadeur de Chine en France.