Le parapluie chinois traditionnel, un savoir-faire ancien qui connaît un nouveau souffle

Par : Yann |  Mots clés : Chine,tradition
French.china.org.cn | Mis à jour le 24-02-2019

Vêtu d'un tablier de couleurs vives en toile huilée, le même matériau qu'il utilise pour fabriquer ses parapluies, Zheng Guoming, 50 ans, brosse soigneusement l'huile de tung qu'il vient d'étaler. Autour de lui, des parapluies oranges en toile huilée sèchent dans le jardin, faisant flotter alentour un fort parfum d'huile de tung.

"L'huile de tung est la clé de la durabilité des parapluies en toile huilée", explique M. Zheng, ajoutant qu'il est nécessaire de les brosser soigneusement et uniformément pour assurer le lustre des parapluies.

M. Zheng est le directeur de l'usine de parapluies en toile huilée Guoming, située à Gufeng, village du district de Jing, dans la province chinoise de l'Anhui (est). Il est la sixième génération porteuse de ce savoir-faire ancien dans la fabrication de parapluies, une histoire de près de 1000 ans.

Grâce à la toile recouverte d'huile de tung, ces parapluies sont plus solides et durent plus longtemps que ceux en papier huilé, un autre type de parapluie ancien chinois.

L'histoire du parapluie en toile huilée du district de Jing remonte à la dynastie des Song (960-1276), et il a prospéré sous les dynasties Ming (1368-1644) et Qing (1644-1911).

Au début, le parapluie était principalement utilisé par la famille impériale. Il l'était également lors de rituels. Lors des mariages par exemple, les parapluies rouges en toile huilée étaient censés éloigner les mauvais esprits. Plus tard, l'usage du parapluie s'est progressivement étendu à tout le monde, selon Zheng.

"Le parapluie a toujours fait partie de ma vie", se rappelle Zheng Guoming. "C'était tellement populaire que, quand j'étais petit, je devais aider mes parents à les fabriquer pendant mon temps libre." Il a repris l'usine de son père alors qu'il n'avait que 19 ans.


EVOLUER OU DISPARAÎTRE


Le jeune directeur d'usine a été pris au dépourvu lorsque, dans les années 1980, les gens ont cessé d'utiliser les parapluies traditionnels face au déferlement des parapluies étrangers modernes et facilement transportables.

"Le parapluie en toile huilée a soudainement quasiment disparu du marché et la demande annuelle est tombée de 40.000 parapluies à seulement 10.000. De nombreuses usines spécialisées ont rapidement cessé leurs activités", se souvient Zheng Guoming. Au début des années 1990, l'usine de M. Zheng était la seule dans le district de Jing.

Acculé, il a fait la seule chose qu'il pouvait faire. Il a entrepris de réformer le système de gestion de la production afin d'améliorer la qualité des produits tout en baissant les prix.

Afin d'améliorer la durée de vie des parapluies, il a utilisé du bambou de 10 ans ou plus pour la fabrication des baleines, et a perfectionné la recette de l'huile de tung. "Nous devions baisser les prix pour gagner des parts de marché. Les parapluies étrangers se vendaient une douzaine de yuans pièce alors que nos produits ne coûtaient que cinq (74 cents US) à six yuans", précise Zheng Guoming.

Il a également découvert un marché de niche créé par l'émergence des activités indépendantes après la réforme et l'ouverture de la Chine. Les grands parapluies en toile huilée protégeant les marchands du soleil ou de la pluie se vendaient comme des petits pains, et l'offre n'arrivait pas à satisfaire la demande.

Ainsi, le parapluie en toile huilée avait regagné une place sur le marché malgré la domination du parapluie moderne. Cependant, on était encore loin du niveau du temps de son ancienne gloire. C'est un jour une discussion avec un client qui a entraîné un redressement des activités de l'usine de M. Zheng. Ce client était disposé à acheter au prix fort des parapluies en toile huilée décorés grâce à une technique de tissage traditionnelle appelée "chuan hua" (tissage de fleurs).

Chuan hua fait référence au tissage de fils de coton de différentes couleurs en haut du cadre du parapluie, le long des fourchettes, pour réaliser des motifs de fleurs. Cette technique compliquée demande tellement de temps qu'elle a été abandonnée depuis longtemps.

"Je me suis rendu compte que les produits de grande qualité ont toujours leur place sur le marché", explique M. Zheng. Il a commencé à restaurer la technique du "chuan hua" et à se consacrer à la fabrication de parapluies en toile huilée haut de gamme destinés à la décoration intérieure et aux accessoires de films et de photographie.

Il n'a cessé d'améliorer et d'innover, avec notamment la gravure de motifs sur les poignées des parapluies, ou des toiles peintes.


TRANSMETTRE LE SAVOIR AUX JEUNES


Il a également personnalisé les parapluies en toile huilée pour répondre aux demandes individuelles, les rendant populaires non seulement en Chine mais également à l'étranger.

"Les clients japonais et coréens préfèrent les parapluies avec des éléments de la culture chinoise traditionnelle, tels que la poésie, la peinture et la calligraphie chinoises, tandis que les clients néerlandais privilégient les modèles faits de tissu écologique avec une poignée en bambou. Ils adorent ça", raconte-t-il.

Ayant finalisé une commande de plus de 2.000 parapluies écologiques en toile huilée pour un client néerlandais, il est maintenant occupé par une autre commande, celle d'un Canadien qui prévoit de venir bientôt pour en apprendre davantage sur la culture chinoise traditionnelle du parapluie en toile huilée.

Aujourd'hui, le volume d'exportation annuel de son usine a atteint 20.000 unités et la production annuelle est passée de 20.000 à 30.000 au début des années 90 à environ 100.000 actuellement, dont 30% pour les parapluies haut de gamme.

La photographie a aussi contribué à un regain de vitalité de ce métier ancien. La merveilleuse combinaison de vieux bâtiments, d'artisans d'un grand professionnalisme et d'anciens parapluies en toile huilée fait de l'usine l'un des 100 meilleurs spots photos de la ville de Xuancheng, attirant plus de 10.000 visiteurs chaque année.

M. Zheng envisage d'y créer un studio photo dédié aux parapluies.

Malgré la situation prometteuse, les années qui passent lui rappellent constamment le dilemme de la succession. "Il est difficile d'attirer les jeunes dans ce métier en raison de la nécessité d'une formation intense et longue. Il faut deux à trois ans aux apprentis pour maîtriser l'ensemble du processus", explique-t-il.

La production d'huile de tung peut être un autre obstacle pour eux, car il faut plus de deux heures pour en fabriquer l'équivalent d'un seau, et ça ne sent pas bon, ajoute-t-il.

Il espère pouvoir plus tard ouvrir un centre d'apprentissage pour les élèves des écoles primaires et secondaires, afin que les enfants puissent avoir accès à cet art ancien et, qui sait, avoir envie de reprendre le flambeau.

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Source: Agence de presse Xinhua
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