Incroyable : De Gaulle enfin en visite en Chine !
French.china.org.cn | Mis à jour le 13-09-2017
SÉBASTIEN ROUSSILLAT, membre de la rédaction
50 ans après l'établissement des relations diplomatiques sino- françaises, le général de Gaulle, ou plutôt, son effigie est enfin arrivée en Chine, et ce grâce à l'intervention de la Fédération des Associations franco-chinoises. Rencontre avec son secrétaire général : Alain Caporossi.
Un petit coup dans le rétro !
Il y a 60 ans, en 1954, l'Association du peuple chinois pour l'amitié avec l'étranger (APCAE) était constituée. Ce mois-ci, faisons connaissance avec sa partenaire française : la Fédération des Associations franco-chinoises (FAFC). Celle-ci a réussi le pari, 34 ans après la mort de l'auguste général et 50 ans après que celui-ci ait décidé d'établir les relations diplomatiques entre la Chine et la France, de le faire partir en Chine dans l'avion du président Xi Jinping.
Mais avant de vous raconter cette fabuleuse histoire, il est important de vous faire connaître cette organisation indépendante qui œuvre humblement à l'amitié entre le peuple français et le peuple chinois.
« L'ancêtre de la Fédération, c'est l'Association des Amitiés franco-chinoises (AAFC). Celle-ci a vu le jour en 1954, juste 5 ans après l'avènement de la République populaire de Chine. Cette association pionnière avait pour objectif initial d'œuvrer à l'établissement de relations diplomatiques entre les deux pays à une époque où la Chine était soumise à un blocus de la part d'une partie des pays occidentaux non socialistes et n'était pas assez connue des Français », nous expose Alain Caporossi, secrétaire général de la Fédération. Dès cette période, l'APCAE et l'AAFC développent des relations autour d'un solide partenariat amical.
D'après Alain Caporossi : « Dans le contexte de l'époque, on peut dire que l'AAFC était constituée de deux groupes, tous deux attachés à la préservation de la paix : les gaullistes et communistes. Ces deux groupes avaient peu en commun, sinon le fait de considérer que la France devait avoir une politique étrangère indépendante de celle des états-Unis. Bien sûr, les membres de l'association n'étaient automatiquement liés à un groupe politique, l'AAFC regroupait également par sympathie ou par curiosité de nombreuses personnes intéressées par la Chine et sa culture », ajoute-t-il.
L'AAFC, pionnière des relations franco-chinoises
Lorsque l'on lui demande en quoi l'AAFC a influencé la création des relations diplomatiques, Alain Caporossi répond très simplement en disant qu'« ils émettaient l'idée fondamentale, mais simple, selon laquelle il n'était pas réaliste ni pensable de continuer à méconnaître le pays du monde qui comptait le plus grand nombre d'habitants et le pays d'Asie le plus important potentiellement sur le plan géostratégique ! »
C'est ainsi que dès 1955, les échanges politiques entre l'AAFC et la Chine prennent place. L'un des plus importants est la rencontre entre le sénateur français Edmond Michelet et Zhou Enlai. En visite au Vietnam afin d'examiner le sort des soldats français faits prisonniers par le Vietminh et la situation des personnes et des biens français au Vietnam, Edmond Michelet reçoit une invitation du président de l'ICPAE, Zhang Xiruo pour se rendre en Chine la veille de son retour en France. Dans l'invitation : « Afin de promouvoir l'amitié et la compréhension mutuelle entre la Chine et la France, notre Institut vous invite respectueusement à venir faire une première visite d'information dans notre pays… » Arrivée en Chine par Hong Kong et le Guangdong, la délégation conduite par le sénateur Edmond Michelet rencontre, à Beijing, le 22 septembre, le président de l'ICPAE. Le lendemain, elle est reçue par le premier ministre et ministre chinois des Affaires étrangères Zhou Enlai : c'était une première !
En 1961, un membre de l'AAFC est même reçu par le père de l'actuel président chinois : Xi Zhongxun alors vice-premier-ministre. « Ce sont nos partenaires chinois qui ont retrouvé la photo. Le Français en question était Eric Allonas, alors à la tête d'une délégation de la AAFC. Nous l'avons contacté et appris qu'il avait personnellement participé à la création de l'Association des Amitiés Franco-Chinoises : sur le plan national, à Paris avec l'académicien Jean Dresh, et à Lyon avec le professeur Wertheimer. » Il conduisait à l'époque une délégation de l'AAFC en Chine.
Il faut aussi noter que l'AAFC comptait parmi ses membres et dirigeants des personnalités politiques importantes et notamment, la femme d'Edgar Faure, l'instigateur de la création des relations diplomatiques franco-chinoises. En 1957, il effectue un premier voyage en Chine en compagnie de sa femme Lucie. À son retour, il rédigera un livre Le Serpent et la Tortue où il rend compte de ce voyage et considère, dans sa conclusion : « Il faut affranchir et développer des relations de tous ordres, économiques et culturelles avec la Chine. Notre attitude de résistance et de refus va à l'encontre de ce que nous souhaitons obtenir. Il faut aider la Chine dans l'immense effort que tente ce peuple pour sortir de l'ornière d'un retard de plusieurs siècles. Il faut l'aider à accomplir sa modernisation, car seule cette modernisation peut la rapprocher de nous, économiquement et politiquement. »
En 1963, il est l'émissaire du général de Gaulle auprès du président Mao Zedong en vue de l'établissement des relations diplomatiques entre les deux pays. Sa mission accomplie avec succès est concrétisée le 24 janvier 1964 par une courte déclaration publiée simultanément à Beijing et à Paris. Le travail de l'AAFC dans ce processus n'est certainement pas anodin.
Pas facile tous les jours d'être un ami de la Chine...
Actuellement, en France, des sentiments contradictoires persistent toujours à l'égard de la Chine.
Pour Alain Caporossi, « ils sont souvent faits de fascination et par ailleurs d'inquiétude face au développement impressionnant de la Chine en comparaison des difficultés françaises et européennes actuelles ». N'entend-on pas d'ailleurs régulièrement dire que « la Chine va nous manger ou que les Chinois sont partout » ? Bref, comme le dit le secrétaire général de la FAFC : « La peur de l'autre se développe envers les peuples des pays émergents et donc avant tout du plus nombreux et du plus performant : le peuple Chinois ! Heureusement, tout de même, on n'en est plus à craindre le "péril jaune" décrit à la fin du XIXe siècle », ajoute-t-il avec amusement.
Toutefois, l'actuel « china-bashing » est une tendance forte de la majorité des médias français dont nombre de rédacteurs n'ont jamais passé la Grande muraille ou réactualisé leurs informations. Ainsi, l'opinion des Français relative à la Chine et à son peuple est fréquemment sur-critique. La connaissance des réalités chinoises est souvent obsolète. « En conséquence, les membres bénévoles des associations de la FAFC doivent déployer des efforts constants afin de contenir les incompréhensions et de réduire les malentendus que des peurs stériles peuvent alimenter », termine Alain Caporossi.
« L'image de la Chine en France est souvent négative. Mais il arrive également, qu'à l'inverse, elle soit idéalisée ! C'est notre mission de tenter de rétablir des équilibres, d'apporter des précisions, des rectificatifs, de nuancer… de maintenir un juste équilibre entre angélisme et diabolisation », résume Alain Caporossi. L'objectif primordial de la FAFC et de ses associations locales, comme Rennes-Chine ou Atlantique France-Chine, est de faire mieux connaître et donc mieux comprendre la Chine aux Français. Dans une autre mesure, son rôle est aussi d'aider les Chinois à mieux comprendre et connaître la France et les Français.
Plusieurs cordes à leur arc
Alain Caporossi nous énumère les moyens que la Fédération possède pour faire découvrir la Chine aux Français : « tout d'abord, au niveau des associations membres de la FAFC, nous créons des activités de conseil, d'accompagnement, de soutien pour la promotion locale des relations de la coopération décentralisée entre la France et la Chine. Ensuite nous organisons des cycles de conférences, de cinéma chinois, des expositions, animations, démonstrations et cours (calligraphie, peinture, cuisine) des Fêtes (Nouvel an chinois), échanges d'artistes, voyages aux thèmes et circuits originaux… ».
Connaître la Chine ou faire aimer la Chine passe parfois aussi par l'apprentissage de sa langue. Pour ce faire, les associations organisent également des cours de chinois (tous publics, y compris enfants de tous niveaux et préparation du HSK) dans de nombreuses villes.
Bien sûr, la corde officielle de la fédération est importante, car elle lui permet d'être représentative lors de grandes réunions sur le thème de la coopération franco-chinoise. Par exemple, le comité d'évaluation de la coopération décentralisée franco-chinoise du ministère français des Affaires étrangères (2010) ou les conférences mondiales des villes jumelées avec la Chine (Beijing 2008 et 2010). Plus proche de nous, la FAFC participe également aux manifestations pour la célébration du 50e anniversaire de l'établissement des relations diplomatiques entre la France et la Chine. « J'ai moi-même été invité à la représenter au Quai d'Orsay le 13 janvier 2014, lorsque le ministre français des Affaires étrangères a lancé la commémoration du cinquantenaire de l'établissement des relations diplomatiques entre les deux pays. »
Selon les circonstances, elle peut être amenée à prendre des initiatives ou à répondre à des sollicitations originales, exemples : Le don d'un buste de Victor Hugo en 2010 financé par la FAFC et l'APCAE pour le parc Yuanmingyuan (à l'occasion du 150e anniversaire de la destruction de l'ancien Palais d'été de Beijing) et de la « Lettre » indignée de Victor Hugo en réponse à cette triste action. Le don d'un autre buste de Victor Hugo à l'Académie du Théâtre de Shanghai, financé par Besançon – sa ville natale – par la Société JC Decaux et par l'Association Franc-Comtoise des Amitiés franco- chinoises.
Le 15 mai dernier, Alain Labat, président de la FAFC, Alain Caporossi, secrétaire général de la FAFC et président de l'Association Franc-Comtoise des amitiés franco-chinoises, Jacqueline Meunier, présidente de l'association Rennes Chine et Edmond, Pelé président de l'association Atlantique France-Chine étaient par exemple invités à représenter la FAFC à la cérémonie de célébration du 60e anniversaire de l'APCAE au Grand Palais du Peuple de Beijing.
De Gaulle arrive enfin !
« En tant que secrétaire général de la FAFC, il est de mon devoir d'envisager des actions qui puissent contribuer au développement de l'amitié franco-chinoise. En avril 2013, suite au premier voyage du président français en Chine et en prévision du cinquantenaire de l'établissement des relations diplomatiques entre les deux pays, une idée nous est venue à l'esprit. Nacera Kainou, la sculptrice des bustes de Victor Hugo de Shanghai et Beijing avait réalisé un magnifique buste du général de Gaulle : l'instigateur des relations diplomatiques avec la Chine. Nous lui avons alors proposé d'essayer de faire offrir ce buste à l'occasion du voyage d'État du président Xi Jinping prévu en mars 2014. » « C'était un projet ambitieux, mais pas irréalisable vu l'histoire et l'influence de la FAFC », déclare M. Caporossi. Pour mener à bien le projet, ils contactent la sculptrice Nacera Kainou et entreprennent un long parcours pour faire connaître ce projet qui rencontre un écho favorable auprès de divers organismes et partenaires potentiels.
« Une semaine seulement avant la visite en France du président chinois, grâce à un appui du ministère français des Affaires étrangères et l'accord du président Hollande, la situation s'est débloquée alors que nous pensions avoir échoué ! » La Terre originale, précieuse pièce unique du buste du général de Gaulle, est alors offerte au président Xi Jinping par le président François Hollande, le 27 mars 2014 au Château de Versailles en présence de la sculptrice. C'est ainsi que de Gaulle qui n'avait pas eu l'occasion d'aller rendre visite à son homologue Mao Zedong, rentre en Chine, dans l'avion présidentiel, pour être exposé très certainement dans la salle consacrée aux cadeaux d'État dans le nouveau Musée national d'histoire.
Ce cadeau d'État, offert par la France à la Chine, constitue la plus remarquable des contributions de la FAFC et de ses associations, témoignage de l'Amitié franco-chinoise.