Le budget naval de la Chine basé sur ses besoins sécuritaires

22 janvier 2017 : la garde d'honneur de la marine chinoise se tient sous les drapeaux lors d'une cérémonie d'engagement au port militaire de la flotte de la mer du Nord de la marine chinoise à Qingdao, dans la province orientale du Shandong. (Crédit photo : CFP)

L'augmentation des dépenses militaires de la Chine, notamment pour sa marine, vise à préserver les intérêts nationaux en rapide essor à l'étranger et constitue une réponse à l'instabilité de la situation sécuritaire dans la région Asie-Pacifique.

Selon un rapport récent de l'agence Reuters, l'imprévisibilité du président américain Donald Trump représente une opportunité pour que l'Armée populaire de libération (APL) renforce ses capacités militaires. Il indique également que les dépenses militaires de la Chine en 2016 ont atteint plus de 100 milliards de dollars (94 milliards d'euros), soit près du double du Japon et de la Corée du Sud combinés.

« Il s'agit d'une opportunité dans la crise, indique un diplomate asiatique basé à Beijing au sujet des dernières mesures sur la marine chinoise. La Chine craint que Trump finisse par se retourner contre elle, car il est tellement imprévisible... donc elle se prépare. »

Mais Chu Yin, professeur associé de l'Université des relations internationales estime que « l'immense apport de la Chine à son armée, notamment à sa marine, a débuté il y a longtemps ».

Le rapide développement militaire de la Chine est une tendance récurrente avec la montée en puissance économique du pays. Pour Chu Yin, il est entièrement légitime et raisonnable, et « n'a pas besoin de Trump pour être justifié ».

Avec le renforcement de l'empreinte chinoise au niveau mondial, la mission pour l'armée chinoise s'est modifiée, même si la politique fondamentale sur la défense nationale n'a pas changé : « Comment la Chine peut-elle protéger des millions de Chinois à l'étranger et des quantités importantes d'investissements et de projets valant des milliards de dollars sans une marine puissante ? », explique Chu Yin.

Selon les chiffres de l'Administration nationale du Tourisme de Chine, les citoyens chinois ont réalisé plus de 120 millions de voyages annuels à l'étranger depuis 2015. Le gouvernement chinois et l'APL sont responsables de la protection de ces personnes. Elles ont donc développé la capacité de s'adapter à cette situation.

La situation sécuritaire mondiale a empiré au cours des dernières années et la Chine a réalisé avec succès de nombreuses missions d'évacuations pour des ressortissants chinois, notamment en Lybie et au Yémen. De telles missions nécessitent que l'APL ait des capacités fiables à l'échelle mondiale.

Par ailleurs, la Chine est aujourd'hui la plus grande nation commerciale au monde. Le pays dépend fortement du libre-échange et le monde a également besoin du commerce avec la Chine. Le 12 janvier, China National Radio indiquait que les investissements chinois à l'étranger en 2016 avaient atteint les 221 milliards de dollars, enregistrant une croissance de 246 % sur 2015.

« La marine chinoise doit donc gagner suffisamment de capacité pour protéger ces routes commerciales essentielles autour du globe », indique Chu Yin.

Poursuivre le développement

Le président Xi Jinping a fixé des normes plus hautes pour l'APL, mais Song Zhongping - un expert militaire, qui a servi dans le Second corps d'artillerie (renommé aujourd'hui Force d'artillerie) - estime que l'armée chinoise n'a pas encore atteint certaines de ces normes : « C'est pourquoi nous avons une réforme militaire et le budget de la défense nationale continuera d'augmenter. […] Par exemple, la Route maritime de la Soie du XXIe siècle, qui fait partie de l'Initiative des Nouvelles routes de la Soie, nécessite une marine renforcée et avancée, car elle couvre l'océan Pacifique, l'océan Indien et la Méditerranée. »

Selon le rapport de Reuters, « la marine chinoise va probablement s'assurer des financements significatifs dans le prochain budget de la défense chinoise, alors que la Chine cherche à contrôler la domination américaine en haute mer et à renforcer la projection de sa propre puissance dans le monde. »

Pour Song Zhongping, le contrôle de la domination américaine en haute mer ne constitue pas un objectif de la Chine et la motivation pour construire une marine puissante est claire et raisonnable : « Il s'agit de protéger nos propres intérêts, souligne-t-il. Nous ne pouvons pas attendre des porte-avions américains, qu'ils protègent ces intérêts considérables pour nous. »

Yin Zhuo, un contre-amiral et chercheur au Centre de recherche sur les équipements maritimes de l'APL, indique que la marine chinoise a besoin d'au moins cinq à six porte-avions pour maintenir sa présence dans certaines régions spécifiques, afin de protéger les intérêts nationaux et souverains de la Chine.

Par ailleurs, un officier de l'armée de l'air chinoise, ajoute sous couvert d'anonymat : « Du fait de la stratégie américaine du "pivot vers l'Asie" mise en place au cours de l'ère Obama, la possibilité de conflit maritime augmente dans la région Asie-Pacifique, notamment au niveau de la péninsule coréenne, du détroit de Taïwan et des mers de Chine orientale et méridionale. Il n'y a donc aucune raison pour nous de ne pas augmenter le budget de la défense. »