Hommage à l'ancien diplomate chinois Wu Jianmin
Son excellence Wu Jianmin, ancien ambassadeur de Chine en France, nous a quittés brutalement des suites d'un tragique accident survenu le 18 juin 2016 à Wuhan, où il se rendait pour donner une conférence.
Sa disparition brutale a été pour nous tous un grand bouleversement et elle nous attriste beaucoup. Car Monsieur Wu était une personnalité bien connue de notre petite communauté à la Réunion. Il est déjà venu nous rendre visite à deux reprises :
En janvier 2003, alors ambassadeur de Chine à Paris, il est arrivé à la tête d'une forte délégation pour faciliter le court séjour du vice-Premier ministre chinois Li Lanqing de passage dans notre Ile. Ce fut aussi la première visite d'un ambassadeur chinois à la Réunion. Il fut accueilli chaleureusement comme il se doit au sud par le député maire Thien Ah Koon, bien épaulé par Gérard Ah Chine, président de Guangdi Sud, et au nord par le président de l'ACCR François Fock Yee ;
La seconde fois, c'était en 2011 à l'instigation de notre premier consul général Zhang GuoBao secondé par le président de la FAC Jerry Ayan. Il était venu pour donner trois conférences sur les relations sino-réunionnaises à travers la France et le rôle potentiel de notre Ile, comme pays charnière entre la Chine et l'Afrique.
Wu Jianmin était un brillant diplomate, reconnu et respecté par tous ses pairs. Après ses postes d'ambassadeur, il fut nommé doyen de l'Académie des affaires étrangères de Chine et vice-secrétaire général de la Commission des affaires étrangères du CCPC. C'est dire que sous sa houlette de nombreux diplomates chinois de haut rang ont été formés, dont une bonne partie du cabinet de l'actuel ministre des Affaires étrangères Wang Yi. Malgré sa retraite, il était sollicité de toutes parts pour donner des conférences ou présider des forums sur l'état d'avancement de la société chinoise et ses relations avec le reste du monde. Il continuait à pratiquer une diplomatie « grand public » et professait urbi et orbi les progrès de la Chine et son rôle primordial dans la croissance et la paix dans le monde. Il possédait ce don extraordinaire de parler de la Chine et de communiquer au nom de la Chine sans jamais lasser son public tout en étant didactique. Dans ses échanges et discussions, il faisait preuve d'ouverture, d'une grande tolérance et de modération. En même temps il luttait contre le nationalisme et le populisme, deux plaies qui empoisonnent les relations entre peuples. C'est ainsi, qu'il n'hésitait pas à émettre des réserves quand le journal Global Times, pourtant proche du gouvernement chinois, publiait des positions jugées par lui trop tranchées. Apprenant cette triste nouvelle, l'éditorialiste de ce même journal, Hu Xijin, a réagi en déclarant que ses échanges de points de vue avec l'ambassadeur Wu ont été bénéfiques pour l'enrichissement du débat au sein de la société chinoise. Mais quand il s'agissait de défendre la Chine face à l'adversité, le dénigrement, voire la malveillance. Wu Jianmin savait enfiler une main de fer dans un gant de velours.
Réagissant à son décès, l'ambassadeur de France à Beijing Maurice Gourdaut-Montagne a déclaré « la relation franco-chinoise, à laquelle il a tant travaillé, perd un grand ami et un vrai connaisseur de la France », tandis que l'ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin déclarait « l'amitié franco-chinoise perd l'un de ses plus ardents militants et moi je perds un ami profond et fidèle ».
Pour notre part, nous avions connu un homme affable, attentionné, se mettant à la portée de tout un chacun, mettant ses interlocuteurs à l'aise, prodiguant conseils et suggestions sans jamais montrer un brin de condescendance. C'était aussi un excellent francophone doublé d'un francophile sincère. Il parlait un français impeccable, d'ailleurs il nous racontait des anecdotes quand il était interprète français de Mao Zedong et de Zhou Enlai. Son ancien mentor, Zhou Enlai, lui disait toujours « en matière de relations étrangères, il n'y a jamais de petites affaires ». En politique, disait-il, il faut se souvenir du passé mais ne pas s'y accrocher si l'on veut avancer. Une fois, fin des années 60, au Congo, il a été l'interprète de Zhou pendant plus de six heures sans discontinuer. Le Premier ministre chinois l'avait chaudement félicité pour son endurance.
Sa passion pour son métier n'avait d'égal que son patriotisme : il nous a confié sous forme de boutade que si on lui accordait une autre vie, il opterait de nouveau pour les affaires étrangères. Défendre les intérêts de son pays, sans porter atteinte à ceux du reste du monde dans un esprit gagnant-gagnant, voilà son credo. A travers la planète, il a porté haut l'étendard de la politique étrangère de la Chine.
Il ne haussait jamais la voix mais ses paroles portaient loin. Son attitude calme et posée reflétait sa force de conviction. Son charisme, sa prestance et ses connaissances encyclopédiques imposaient le respect et l'admiration. A sa façon, il fut un « passeur » entre la Chine et l'Occident.
Par sa disparition, la Chine perd un de ses grands diplomates et nous, nous perdons un ardent promoteur de l'amitié franco-chinoise et un grand visionnaire du rôle de la Réunion dans un futur pas si lointain de développement entre la Chine et l'Afrique.
Au nom de l'ACCR, nous nous inclinons bien bas face à la stature de cet homme d'exception.
par Dr François FOCK YEE, président d'honneur de l'ACCR
(Chambre de Commerce Chinoise de la Réunion)
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