L'autre pays du yoga

Par : LIANG Chen |  Mots clés : yoga, Chine
French.china.org.cn | Mis à jour le 25-08-2015

Depuis 2014, le 21 juin est déclaré « Journée mondiale du yoga » par l'ONU. À cette occasion, Suixinyu a organisé à Beijing la 5e rencontre internationale du yoga du 21 au 25 juin 2015. Un sport et un art de vivre qui font de plus en plus d'adeptes en Chine.

Avec le développement de la société, l'attention à l'hygiène de vie et la recherche de moyens susceptibles d'apporter l'équilibre corporel et le bien-être, le yoga trouve de plus en plus d'adeptes dans divers pays. Le 21 juin est déclaré depuis l'année dernière « Journée internationale du yoga » par l'ONU. L'Inde, pays d'origine du yoga, utilise largement cette fête comme moyen de promouvoir mondialement sa culture millénaire. On a ainsi pu voir le premier ministre indien Modi sauter sur l'occasion pour faire la démonstration de ses talents de yogi… sur des tapis « Made in China » importés d'urgence pour l'occasion.

La Chine n'entend pas laisser à sa voisine le monopole de cette discipline qui relie le corps et l'esprit. Pour cette première fois où la rencontre internationale du yoga était organisée à l'extérieur de l'Inde, c'est Beijing qui a été choisie.

Le yoga a le vent en poupe en Chine. D'une part, parce que cette discipline de l'harmonie a le soutien des autorités de l'État. « La poursuite de l'enrichissement matériel produit des tensions sociales, déclarait un diplomate indien qui participait au sommet, et le yoga est un instrument de promotion de l'harmonie sociale. Seuls des individus en paix avec eux-mêmes peuvent construire une société apaisée et harmonieuse. »

Au pays de la société harmonieuse et du rêve réalisé, il y a donc une place pour des disciplines spirituelles étrangères ? Selon M. Zhu Taiyu, directeur de Suixinyu, une société de promotion du yoga et du wushu (arts-martiaux), organisateur de la rencontre, dans ce grand pays qu'est la Chine la réponse est oui.

« Les quatre premières rencontres sino-indiennes de ce type ont été organisées en Inde par les Indiens. Cette année, c'est la première fois que la Chine organise cette compétition, donc forcément c'est une grande joie mais aussi un grand défi pour nous. Les Chinois ne sont pas encore familiarisés avec le yoga athlétique. Chez nous, la performance n'est pas tellement importante. »

Le yoga de plus en plus populaire en Chine

Il poursuit : « Environ un million de personnes ont eu vent de cette compétition, l'agence Xinhua a publié la nouvelle sur son site et a obtenu 560 000 visites dans les premiers jours. Les participants à la compétition, enseignants et candidats sont heureux d'être ici, c'est une grande fête où le corps et l'âme se renforcent mutuellement. » D'autres manifestations sont prévues cette année : Le 8 août à Dalian, à l'occasion de la Journée nationale de remise en forme, se tiendra une conférence sur le yoga et le tai-ji-chuan. Le 5 novembre prochain, à l'occasion de la semaine de la Chine en Inde, une conférence internationale de yoga sera organisée à Rishikesh.

Comme le souligne M. Zhu, la Chine et l'Inde, ces deux vieilles civilisations asiatiques, partagent de nombreux points communs. Ceci se reflète aussi dans leurs cultures respectives : wushu en Chine et yoga en Inde, principe du Dao et spiritualité hindoue se rejoignent dans la recherche de l'harmonie par la paix intérieure.

 

Une philosophie du corps

Cependant, du fait des différences de développement social des deux pays, l'école indienne (spirituelle et symbolique) et l'école chinoise (physique et pragmatique) diffèrent.

Une hypothèse que partage Christophe Codet, spécialiste du yoga. Il considère que, par-delà une origine commune, chaque civilisation produit sa propre version du yoga.

Le yoga est d'origine lointaine et quelque peu confuse et doit sa réputation à l'authenticité de ses vertus psychophysiques. Mais qu'en reste-t-il réellement dans l'enseignement moderne en salles de sport et centres de méditation ? Quels exercices, quelle technique, et quels discours entourent l'enseignement ?

« Il faut savoir que le yoga est un terme générique recouvrant des conceptions, des interprétations et des méthodes diverses. Des préceptes hermétiques peuvent parfois susciter la curiosité ou exercer un certain charme, mais demeurer étrangers à l'entendement du profane », explique-t-il.

Jung, qui a écrit à ce sujet dans son livre Psychologie du yoga, met en garde contre « la folie mimétique », qui est selon lui un véritable danger. Il faut savoir reconsidérer ou écarter les obscurités, les notions trop vagues … et tout ce qui ne ferait qu'engendrer ou nourrir l'illusion.

Rappelons que le but original du yoga est spirituel. Il faut reconnaître que les pratiques à motivation spécifiquement spirituelle s'accordent difficilement avec la philosophie, la conceptualisation et les tendances pragmatiques des Chinois.

Ainsi à l'efficience présumée du symbolisme des postures, le profane préférera la réalité de ses perceptions ; de même, dans le travail sur la respiration il s'attachera à saisir le caractère exceptionnel de la fonction respiratoire étroitement liée à la pensée, et l'importance d'en acquérir la maîtrise.

Un médecin spécialiste du cerveau et connaisseur du yoga définissait par cette belle et juste formule la science et la pratique du yoga : « Faites faire des expériences au cerveau par l'intermédiaire de votre corps ».

De l'Inde à la Chine… en passant par l'Amérique

En moins d'une décennie, des studios d'apprentissage du yoga se sont multipliés dans toutes les grandes villes chinoises. On rencontre leurs publicités le long des avenues, et même des bourgades secondaires ont désormais leur école de yoga. On estime à 12 ou 15 millions le nombre des pratiquants réguliers de cette discipline. La Chine est en route pour devenir la prochaine superpuissance du yoga.

« Le yoga est arrivé en Chine via l'Amérique », affirme Faeq Biria, qui forme des entraîneurs à Beijing depuis 2008. « Les Chinois voient le yoga d'un point de vue américain. Au début, ils y viennent par les effets dérivés : être bien dans sa peau, se sentir beau ou belle, avoir une bonne digestion, un corps en forme, lutter contre le stress… Cela prend du temps de faire évoluer les gens vers les aspects plus profonds de la philosophie. »

« Ce que l'on appelle la modernité crée des stress aussi bien au mental qu'au physique, renchérit M. Chen, un instructeur de yoga de Beijing. Le yoga est un bien meilleur instrument que la psychiatrie ou les médicaments pour créer de l'harmonie sociale. »

Une harmonie sociale réservée aux élites urbaines ? Pour l'instant le yoga est surtout populaire parmi les bobos déçus des salles de sport, mais au fur et à mesure que plus de gens trouvent des connexions entre le yoga et la culture chinoise, la base d'adeptes ne pourra que s'élargir.

D'après Wang Zhicheng, professeur de philosophie à l'université de Zhejiang, la liberté de culte est garantie en Chine, dans la mesure où la religion n'est pas employée par quelqu'un pour créer des tensions. Le yoga, explique-t-il, est plutôt une pratique spirituelle et mentale, une vision du monde, une façon de rester heureux et en forme, ce qui correspond bien à l'idéal chinois qui consiste à « cultiver son caractère ». « C'est une idée humaniste. »

Cultiver son caractère, une idée confucéenne, qui est en vogue depuis plus de 2 000 ans. L'ordre social se définit par la vertu des gens, depuis le dernier des mendiants jusqu'à l'empereur. « L'État renforce l'édification d'une civilisation spirituelle socialiste par la diffusion d'idéaux éducatifs et d'une moralité élevée », dit la Constitution chinoise.

« Le yoga est un beau cadeau de l'Inde à la Chine », reprend M. Chen. « La société chinoise est prête à accueillir des philosophies orientales exogènes. La passion des Américains pour le yoga n'est rien à côté de celle qui commence ici en Chine. »

Quand le cinéma s'en mêle

On sait qu'un phénomène de société est profond quand le cinéma décide de s'en inspirer. La société de production indienne Viacom-18 et les chinois Taihe et Shine World viennent de signer à Xi'an, capitale du Shaanxi, un protocole d'accord pour une production conjointe sous le titre provisoire de Kungfu Yoga. L'idée est de combiner et de comparer ces deux disciplines emblématiques de l'Inde et de la Chine.

Le film sera mis en scène par le Hongkongais Stanley Tong, qui a signé auparavant le blockbuster Stone Age Warriors. La rumeur veut que Jacky Chan en personne tienne l'un des rôles principaux. En revanche, on ne sait encore rien du scénario ni des personnages. Un accord spécial a déjà été signé entre les ministères de l'Information, des Médias et de la Culture respectifs de l'Inde et de la Chine pour ouvrir un accès privilégié au film aux salles obscures des deux pays.

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