L'entrepôt de Tianjin stockait 40 substances chimiques
Le fils d'un ancien chef de la police est l'un des deux propriétaires mystérieux de l'entrepôt qui stockait des matières dangereuses à Tianjin, où se sont produites les explosions qui ont fait au moins 114 morts. Il aurait utilisé ses relations pour obtenir des permis en dépit du manquement de la société aux règles de sécurité, a rapporté hier l'agence Xinhua.
L'autre propriétaire est un ancien dirigeant d'une entreprise de produits chimiques appartenant à l'Etat, qui aurait également utilisé ses relations pour obtenir les approbations nécessaires, a indiqué l'agence Xinhua dans un long reportage sur la société propriétaire de l'entrepôt, Ruihai International Logistics.
Dong Shexuan, le fils âgé de 34 ans du défunt chef de la police du port de Tianjin, Dong Peijun, et l'ancien cadre Sinochem Yu Xuewei, cachaient leurs participations dans la société par l'intermédiaire d'amis, a rapporté Xinhua.
Ils sont mentionnés parmi dix dirigeants de l'entreprise qui ont été interpelés après les explosions survenues la semaine dernière.
Dong Shexuan possédait 45 % de la société par l'intermédiaire d'un ancien camarade de classe, a rapporté Xinhua. Le reste appartenait à Yu Xuewei, mais officiellement détenu par un de ses amis.
Il n'a pas été immédiatement clair pourquoi Yu Xuewei voulait cacher ses parts dans la société, mais Dong Shexuan a déclaré à Xinhua qu'il voulait éviter toute accusation de conflit d'intérêts, en particulier parce que son père faisait alors l'objet d'une enquête pour corruption. « L'opinion publique aurait pu être négative, étant donné le poste de mon père dans la police », a-t-il déclaré.
Yu Xuewei a déclaré avoir recruté Dong Shexuan pour participer à l'entreprise à la fin de l'année 2012 en raison de ses connexions familiales, et parce que ce dernier pouvait facilement obtenir un certificat de sécurité incendie pour l'entreprise qui manipulait des matières dangereuses. « J'ai apporté tout ce qu'il fallait pour les projets de rénovation, et le certificat de sécurité incendie a été rapidement délivré », a rapporté Xinhua en citant Dong Shexuan.
Le certificat a apparemment convaincu les fonctionnaires de la planification locale à délivrer à Ruihai un permis de construire pour le stockage de matières dangereuses, alors même que l'emplacement choisi empiétait sur le périmètre de sécurité de 1000 mètres autour des habitations et des routes publiques, ce qui constituait une violation claire des règles de sécurité de l'Etat.
« Mes connexions sont au niveau de la police et des pompiers. Lorsque nous avions besoin d'une inspection de sécurité incendie, je suis allé rencontrer les responsables des pompiers du port de Tianjin. Je leur ai donné mes dossiers et on m'a rapidement accordé l'autorisation nécessaire », a déclaré M. Dong, selon Xinhua.
Il a également expliqué que Ruihai avait réussi à franchir un autre obstacle qui aurait dû être impossible. Un cabinet d'évaluation de la sécurité avait dit à la société qu'un rapport positif était hors de question en raison de la non-conformité de l'entrepôt avec la distance de sécurité. « Yu Xuewei m'a dit de ne pas m'inquiéter, et de le laisser régler la question. Il a changé de cabinet d'évaluation et a obtenu le rapport positif », a-t-il indiqué à Xinhua.
Environ 700 tonnes de cyanure de sodium hautement toxiques étaient stockées sur le site, selon les autorités.
Xinhua a également révélé que la société avait opéré sans permis pendant neuf mois, jusqu'en juin dernier. « Après l'expiration de la première licence, nous avons demandé une extension », a déclaré M. Yu. « Nous n'avons pas interrompu nos activités parce que nous ne pensions pas qu'il y avait un problème. Beaucoup d'autres entreprises continuent à travailler sans permis. »
Sinochem possède deux entrepôts de produits chimiques dangereux à proximité du site des explosions, selon Greenpeace, qui empiètent également sur le périmètre de sécurité défini par la loi.
Zhu Liming, directeur adjoint du bureau de la planification et de la gestion des terrains dans la Nouvelle Zone de Binhai, qui a accordé la licence d'installation et de construction de l'entrepôt, a déclaré que son bureau « s'était référé aux documents de sécurité incendie, qui donnaient le feu vert à la société en termes de distance de sécurité des zones résidentielles. »
Lors d'une conférence de presse organisée hier, le maire adjoint de Tianjin He Shushan a déclaré que l'entrepôt stockait une quarantaine de substances classées dans sept catégories, dont environ 1300 tonnes de composés d'oxyde, principalement du nitrate de potassium et du nitrate d'ammonium, 500 tonnes de matières inflammables, notamment du sodium métallique et du magnésium, et 700 tonnes de substances hautement toxiques, principalement du cyanure de sodium.
Hier après-midi, 150 tonnes de cyanure de sodium avaient été retirées du site des explosions et envoyées à la société de production pour être traitées, a-t-il expliqué.
Les explosions ont suscité des craintes sur la présence de polluants toxiques dans l'air et l'eau à Tianjin, mais les autorités ont assuré que les niveaux de pollution ne posent pas de danger.
Bien que la zone des explosions reste contaminée, aucun produit chimique dangereux n'a été détecté dans les environs, a assuré aux journalistes Bao Jingling, ingénieur en chef du Bureau de l'environnement de Tianjin.
Il a indiqué que des techniciens du bureau avaient également testé des échantillons d'eau prélevés dans les rues de la ville après les orages qui se sont produits mardi, et qu'ils n'avaient trouvé aucune contamination dangereuse. Certains habitants avaient signalé la présence d'une substance mousseuse inhabituelle après la pluie.
Le reportage de Xinhua renforce l'idée commune que les entreprises chinoises privées bien connectées utilisent leurs relations personnelles avec des membres du gouvernement pour outrepasser les règles.
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