Pourquoi une journée de commémoration nationale en hommage aux victimes du massacre de Nanjing ?
French.china.org.cn | Mis à jour le 27-05-2014
Le 13 décembre 2013, des habitants de Nanjing se rassemblent au Mémorial du massacre de Nanjing, pour rendre hommage aux victimes de la guerre qui a commencé il y a 76 ans. (CFP)
Le 27 février 2014, la 7e session du Comité permanent de la XIIe Assemblée populaire nationale (APN) a pris l'initiative de fixer une journée de commémoration nationale dédiée aux victimes du massacre de Nanjing. Il s'agit d'une décision de justice inédite qui aura d'importantes répercussions tant en Chine qu'à l'étranger. Alors, pourquoi la Chine a-t-elle créé cette journée ?
Une coutume internationale
Il suffit de remonter l'histoire jusqu'à la Seconde Guerre mondiale pour se rendre compte que de nombreux pays dans le monde rendent hommage de diverses manières à leurs compatriotes tombés durant cette guerre. Ces activités commémoratives perdurent encore aujourd'hui, afin d'encourager l'ensemble du peuple à chérir la mémoire des martyrs de guerre, tout en le poussant à réfléchir profondément et globalement à ces faits historiques.
Après la fondation de la République de Pologne au sortir de la Seconde Guerre mondiale, ce pays a inscrit dans sa législation nationale que le 27 janvier serait un jour de commémoration. Chaque année à cette date, les survivants et les vétérans de l'Armée rouge qui avaient participé à la bataille pour la libération des camps de concentration, ainsi que des hommes politiques de haut rang, sont invités au Musée national Auschwitz -Birkenau, où sont organisées des activités commémoratives. Des cérémonies du même genre ont également lieu à travers toute la Pologne. En novembre 2005, l'Unesco a arrêté le 27 janvier comme Journée internationale dédiée à la mémoire des victimes de l'Holocauste, à laquelle participent annuellement des villes du monde entier, dont New York et Paris.
Les États-Unis commémorent en outre l'attaque de Pearl Harbor. Le 7 décembre 1941 au petit matin (heure de Hawaii), le Japon avait attaqué la base navale américaine de Pearl Harbor, un évènement prélude à la guerre du Pacifique. Le président américain d'alors, Roosevelt, avait aussitôt qualifié dans un discours ce 7 décembre 1941 de « jour d'infâmie », avant de déclarer la guerre au Japon. Dorénavant, chaque 7 décembre, le gouvernement, l'armée et la population aux États-Unis commémorent cette attaque de Pearl Harbor de diverses manières. De Hawaii à Washington, tous les départements gouvernementaux mettent un drapeau en berne, tandis que l'armée dépose des couronnes de fleurs pour honorer la mémoire des 2 400 Américains qui ont péri dans cet assaut. L'actuel président américain Obama a déclaré le 7 décembre « Journée nationale de commémoration de Pearl Harbor ».
Le Japon rend également hommage aux victimes des bombardements atomiques à Hiroshima et à Nagasaki. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le 6 et le 9 août de chaque année, sauf en 1951 où la guerre de Corée faisait rage, le Japon organise dans ces deux villes des cérémonies en souvenir des civils tués dans ces explosions nucléaires. Le premier ministre japonais en exercice, les présidents de la Chambre des conseillers et de la Chambre des représentants, ainsi que les chefs des principaux partis politiques, prennent part à ces commémorations. Depuis 1999, le Japon y invite même par courrier les représentants des pays détenteurs de l'arme nucléaire. Les États-Unis, qui par le passé laissaient cette lettre sans réponse, ont commencé à mandater un représentant à partir de 2011. Ban Ki-moon, secrétaire général des Nations unies, a également déjà répondu présent à l'invitation pour la cérémonie commémorative d'Hiroshima.
Ainsi, par rapport aux autres pays organisant depuis longtemps des cérémonies pour ne pas oublier certains épisodes historiques violents, la Chine a mis du temps avant d'établir une journée de commémoration nationale en hommage aux victimes du massacre de Nanjing. Mais il n'est jamais trop tard pour se conformer aux usages internationaux.
Une revendication du peuple
La création de cette journée de commémoration nationale fait aussi écho au puissant appel lancé par le peuple chinois depuis des années.
Le 13 décembre 1937, les envahisseurs japonais ont débuté un tragique massacre qui a duré une quarantaine de jours à Nanjing, donnant lieu à des atrocités qui ont choqué la Chine comme l'étranger. Des preuves irréfutables ont pu témoigner de cette barbarie violant le droit international.
Depuis 1994, la province du Jiangsu et la municipalité de Nanjing organisent le 13 décembre une cérémonie en mémoire de ceux qui ont été abattus durant ce massacre. Des survivants et des parents des victimes y assistent. À plusieurs reprises, ils ont sollicité l'État à accorder plus d'importance à ces commémorations. Un certain nombre d'experts et de chercheurs spécialisés dans l'histoire du massacre de Nanjing, travaillant aux Archives historiques nationales n°2, à l'Académie des sciences sociales du Jiangsu, à l'Université de Nanjing et à l'École normale supérieure de Nanjing, ont répété que cette commémoration ne devait pas se limiter à l'échelle locale et ont suggéré de convier les dirigeants de l'État à ces cérémonies commémoratives, afin d'en élargir leur portée et de faire preuve de respect envers les morts ainsi que de responsabilité devant l'histoire.
Des députés de l'APN et des membres du Comité national de la Conférence consultative politique du peuple chinois (CCPPC) ont répondu à la revendication du peuple lors de deux sessions. Le 9 mars 2005, au cours de la 3e session du Xe Comité national de la CCPPC, Zhao Long, membre permanent du Comité national de la CCPPC et directeur adjoint du comité permanent de l'Assemblée populaire de la province du Jiangsu, a soumis pour la première fois la proposition de faire du 13 décembre une journée de commémoration nationale. Le 9 mars 2012, lors de la 5e session du XIe Comité central de la CCPPC, Zhao Long a répété sa requête. Parallèlement, le 10 mars 2012, lors de la 5e session de la XIe APN, Zou Jianping, vice-président de la commission du Comité révolutionnaire du Guomindang de Chine (CRGC) pour la province du Jiangsu et président de l'Université des arts de Nanjing, a également avancé l'idée, avec d'autres membres de l'assemblée, d'organiser des activités commémoratives dédiés aux victimes du massacre de Nanjing à l'échelle nationale.
Les commémorations nationales de ce triste évènement correspondent donc à la volonté suprême du peuple.
Des attentes pour l'avenir
Ces commémorations nationales chinoises visent de surcroît à éviter que de tels carnages et drames ne se reproduisent à l'avenir, pour que les hommes coexistent en paix. Elles démontrent à quel point les Chinois sont déterminés à préserver la mémoire du passé et à sauvegarder la paix mondiale.
Oublier les leçons de l'histoire nuirait probablement à la paix, avec l'éventualité que ces tragédies se réitèrent. Mei Ru'ao a rappelé que « l'oubli du passé pourrait conduire à des catastrophes futures ». Ce dernier était représentant de la Chine au Tribunal militaire international pour l'Extrême-Orient, où avaient été jugés les grands criminels de guerre japonais de la Seconde Guerre mondiale, dont le général Iwane Matsui, instigateur du massacre de Nanjing. Bien sûr, ressasser l'histoire n'a pas pour finalité la vengeance, mais bien la vigilance. Comme Li Xiuying, rescapée du massacre de Nanjing, l'a dit à la veille de sa mort, quand elle avait 80 ans : « Il faut ne retenir que l'histoire, pas la rancune. » Cette phrase appelle à la réflexion quand on sait que lors du massacre de Nanjing, Li Xiuying, alors âgée de 19 ans et enceinte, avait reçu de la part des Japonais 37 coups de baïonnette...
Yasunori Takazane, professeur à l'Université de Nagasaki, a déclaré après avoir visité le Mémorial du massacre de Nanjing le 13 décembre 2013 : « Le massacre de Nanjing m'a profondément bouleversé. Tous ces clichés historiques rassemblés ici me choquent. Auparavant, je pensais que seul le Japon avait souffert durant cette guerre, mais non, ce n'est pas la vérité. Il est nécessaire de révéler les crimes que le Japon a commis en Chine durant la Seconde Guerre mondiale. Le Japon doit procéder à un examen de conscience approfondi en ce qui concerne cet épisode historique. » Cependant, malgré que le Japon ait été jugé et reconnu coupable devant l'histoire, certains défigurent les faits survenus lors du massacre de Nanjing. Tel est le cas notamment de Shinzo Abe, représentant des forces droitistes japonaises, qui cherche à enjoliver l'agression et les méfaits perpétrés. Des personnages comme Naoki Hyakuta, haut cadre au sein du groupe japonais NHK, avaient par ailleurs tenté de nier les actes odieux caractérisant le viol de Nanjing, ce qui avait suscité l'indignation de l'opinion publique. Dans ce contexte de heurts entre histoire et réalité, la nouvelle législation nationale stipulant la tenue de commémorations nationales pour les victimes du massacre de Nanjing jouera un rôle historique concret : elle permettra le maintien de la vérité, la réfutation de mensonges honteux et la construction de la paix.
Que l'histoire débouche sur un avenir pacifique : tel est l'objectif justifiant l'organisation de ces cérémonies commémoratives.
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