Comment la Chine a fait face à l'afflux de "surcapacités occidentales" après son adhésion à l'OMC
Alors que le mercredi 11 décembre marque le 23e anniversaire de l'adhésion de la Chine à l'Organisation mondiale du commerce (OMC), faire face à la concurrence des importations reste un défi persistant dans le monde entier.
Le malaise de certains Occidentaux à l'égard de l'importation de véhicules électriques (VE) chinois est étonnamment similaire aux inquiétudes que les constructeurs automobiles chinois éprouvaient autrefois face à l'intensification de la concurrence des marques étrangères lorsque le pays se préparait à rejoindre l'OMC.
"Le loup arrive!" s'écriaient alors les constructeurs automobiles chinois, exhortant à la protection de l'industrie automobile nationale contre les concurrents étrangers, les grandes entreprises automobiles appelant même à retarder l'ouverture du secteur.
Malgré la pression de l'industrie automobile nationale, les responsables chinois étaient convaincues que des droits de douane élevés et d'autres restrictions commerciales ne feraient que protéger l'industrie automobile obsolète du pays et que les consommateurs en paieraient le prix, selon Long Yongtu, qui était le négociateur en chef de la Chine pour l'adhésion à l'OMC.
Finalement, la Chine s'est engagée à réduire les droits d'importation et à lever d'autres restrictions sur les automobiles dans le cadre de son adhésion à l'OMC. Etonnamment, le marché chinois de l'automobile n'a pas fléchi, mais s'est plutôt développé rapidement.
Dong Yang, un initié de l'industrie qui a participé aux négociations, a été impressionné de voir le prix d'une voiture Xiali, une marque populaire chinoise, chuter drastiquement de plus de 90.000 yuans (environ 12.527 dollars) à quelque 40.000 yuans, parallèlement à une baisse des prix des voitures importées.
Ce n'est un secret pour personne que le commerce mondial prospère grâce aux excédents résultant de la production des pays au-delà de la demande intérieure. Pourtant, le terme de "surcapacité" a récemment été utilisé pour qualifier négativement le terme "excédent", alimentant ainsi un discours alarmiste en Occident sur la puissance manufacturière de la Chine.
Un article de l'OMC remet en question la perception commune selon laquelle la concurrence des importations dans les pays industrialisés n'a entraîné que des pertes, soulignant qu'il y a aussi des gains significatifs.
Un examen approfondi de l'évolution du paysage industriel et des importations de la Chine au cours des 23 dernières années permet de révéler les difficultés de croissance rencontrées par la Chine pour faire face à l'afflux de "surcapacités" en provenance des pays occidentaux, si la théorie vendue avec tant d'acharnement par l'Occident ces derniers temps peut être maintenue, ainsi que les leçons que le pays a tirées de ce parcours.
CACHER LA TETE DANS LE SABLE OU AFFRONTER LA CONCURRENCE DE PLEIN FOUET?
Comme l'a rappelé M. Dong, la concurrence brutale qui a suivi l'entrée du pays dans l'OMC a forcé les constructeurs automobiles chinois à chercher constamment à s'en sortir en utilisant les forces du marché.
"Au début, il était indispensable d'utiliser des technologies importées, car les consommateurs préféraient les technologies étrangères aux innovations de faible qualité des marques nationales. Comme l'importation de technologies devenait trop coûteuse et les bénéfices trop faibles, ils ont commencé la recherche et le développement indépendants", a déclaré M. Dong à l'Agence de presse Xinhua.
Le succès des entreprises chinoises de VE est largement attribué à leur capacité à dépasser leurs concurrents par l'innovation.
D'après M. Dong, la montée en puissance des constructeurs automobiles chinois pour devenir des acteurs mondiaux de premier plan repose sur quatre avantages majeurs : une efficacité accrue, des coûts réduits, des économies d'échelle et une innovation constante.
Au-delà de l'automobile, les secteurs agricole et financier devaient également faire face à des défis importants, a noté Huo Jianguo, vice-président de la Société chinoise d'études sur l'Organisation mondiale du commerce.
Au contraire, les trois secteurs ont tous connu une transition en douceur et réalisé une croissance robuste en participant à la concurrence, a souligné M. Huo dans une interview accordée à Xinhua. Il a attribué ce succès à l'impact positif de la concurrence, qui a aidé à améliorer la productivité et la qualité de produits.
Lorsque la concurrence s'est accrue dans des secteurs tels que les produits pharmaceutiques, les produits chimiques, l'électronique et les appareils ménagers, une légion d'entreprises chinoises compétentes est apparue, et la part des ordinateurs, smartphones, semi-conducteurs et produits électroniques chinois sur le marché mondial a connu une hausse significative.
"Les faits ont montré qu'un marché ouvert et l'introduction de la concurrence internationale est propice à l'amélioration des capacités de fabrication nationales, jetant ainsi une base solide pour une participation accrue à la concurrence internationale", a déclaré M. Huo.
DIABOLISER LES PRODUITS ETRANGERS OU ACCUEILLIR LES IMPORTATIONS?
Depuis son adhésion à l'OMC, la Chine a continué d'accueillir les produits étrangers à bras ouverts.
Le pays a maintenu sa position de deuxième plus grand importateur mondial pour la 15e année consécutive en 2023, représentant 10,6% du total des importations mondiales l'année dernière, selon un récent rapport sur les importations de la Chine, écrit par Wei Hao, doyen associé de l'école de commerce de l'Université normale de Beijing, et ses collègues.
Le ratio de l'excédent commercial de la Chine par rapport au PIB a diminué de 7,53% en 2007 à 4,59% en 2023, et les importations ont augmenté plus rapidement que les exportations, a précisé Tian Zhihong, professeur à l'Université de l'agriculture de Chine.
La part de la Chine dans les importations mondiales a également augmenté régulièrement, passant de 3,8% en 2001 à 10,58% en 2022, la plus forte croissance parmi les principaux pays et région, selon le rapport de M. Wei.
De 2001 à 2023, les importations de la Chine en provenance de la France sont passées de 4,1 milliards de dollars à 37,3 milliards de dollars, et celles en provenance de l'Allemagne, de 13,8 milliards de dollars à 106,2 milliards de dollars, selon le rapport.
Les importations agricoles en sont un bon exemple. Les importations agricoles de la Chine ont été multipliées par 14,1 entre 2001 et 2023, consolidant le statut du pays en tant que premier importateur mondial depuis 2011, selon les données de l'OMC citées dans un rapport de l'Ecole nationale de stratégie de sécurité alimentaire (National School of Food Security Strategy, NSFSS) de l'Université Renmin de Chine.
"La Chine est devenue une force motrice majeure pour le développement agricole mondial au cours des 20 dernières années, en particulier en promouvant le développement agricole des économies émergentes avec son vaste marché", a déclaré à Xinhua le professeur Cheng Guoqiang, doyen de la NSFSS, qui a participé aux négociations de l'OMC.
Concernant les importations du pays en provenance des Etats-Unis, le soja est incontestablement un poids lourd. La Chine a une forte demande en graines de soja, mais son autosuffisance dans ce domaine est difficile à atteindre. Elle s'est efforcée d'améliorer la technologie de plantation du soja, tout en continuant à accroître ses importations, a expliqué M. Tian.
Depuis 2001, les exportations américaines de soja vers la Chine ont connu une croissance explosive et les Etats-Unis étaient autrefois le principal fournisseur de soja de la Chine.
Un rapport annuel sur les exportations américaines vers la Chine, publié par le Conseil commercial Etats-Unis-Chine au début de l'année, indique que la Chine reste un marché important pour les entreprises américaines, en soutenant près d'un million d'emplois aux Etats-Unis.
La Chine a institutionnalisé son engagement à accroître les importations par des actions concrètes au cours des dernières années. Elle a notamment pris des mesures telles que la réduction des droits à l'importation, l'optimisation de la liste des importations transfrontalières de commerce de détail et le lancement en 2018 de l'Exposition internationale d'importation de la Chine (China International Import Expo, CIIE). Lors de la septième CIIE qui s'est tenue le mois dernier, des accords d'une valeur de 80,01 milliards de dollars ont été conclus.
L'année dernière, les importations chinoises de biens de consommation ont totalisé 1.950 milliards de yuans, soit une hausse de 1,2% par rapport à l'année précédente, reflétant l'appétit croissant du pays pour les produits de haute qualité afin de répondre aux diverses demandes des consommateurs.
M. Wei pense qu'une proportion accrue de biens de consommation dans les importations totales de la Chine apportera plus d'avantages aux pays exportateurs.
ERIGER DES BARRIERES OU S'OUVRIR PLUS LARGEMENT À TOUS ?
M. Huo a critiqué la tentative de distorsion d'un excédent de produits comme "surcapacité", étant donné qu'un équilibre parfait entre l'offre et la demande n'existe pas dans la réalité.
Après l'adhésion de la Chine à l'OMC, la capacité de production des industries matures telles que l'acier, l'automobile, les produits chimiques et pharmaceutiques en Europe et aux Etats-Unis a été constamment transférée en Chine.
"D'une certaine manière, il s'agissait également d'un transfert de surcapacité selon la définition occidentale. L'ouverture du marché chinois a sans aucun doute joué un rôle de soutien dans le rééquilibrage de l'économie mondiale", a observé M. Huo.
Notant que l'ouverture courageuse du marché et l'introduction de la concurrence constituent l'un des moyens efficaces de stimuler la force et la résilience d'une économie, M. Huo a déclaré que la Chine avait tiré parti de l'ouverture pour faire avancer les réformes, et que l'ouverture à haut niveau était essentielle pour permettre au pays de participer à la concurrence internationale.
Malgré les hésitations de certains pays occidentaux face à la concurrence des importations, le libre-échange reste un catalyseur viable de la croissance économique. Il favorise l'efficacité de l'allocation des ressources, permettant aux pays de répartir les ressources en fonction de leurs avantages comparatifs et d'améliorer l'efficacité globale de l'économie mondiale, a remarqué M. Tian.
Il a également souligné l'importance du libre-échange pour améliorer le bien-être des consommateurs en augmentant la variété des biens et des services, en abaissant les prix et en favorisant la diffusion de la technologie et de l'innovation, des facteurs particulièrement cruciaux pour les pays en développement.
Le libre-échange favorise également la connectivité des chaînes d'approvisionnement mondiales, garantissant leur bon fonctionnement et augmentant l'efficacité de la production mondiale, a ajouté M. Tian.
"Certains spécialistes considèrent les efforts de la Chine visant à adhérer à l'Accord de partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP) comme un nouvel effort, après l'entrée à l'OMC, pour s'aligner sur le système économique ouvert de haut niveau du monde", a déclaré M. Huo.
A l'avenir, si la concurrence des importations peut continuer à inquiéter certains, elle n'est pas suffisante pour occulter les avantages plus larges du libre-échange.
"Le protectionnisme n'est pas une politique efficace pour protéger les travailleurs, car il entraîne souvent des conséquences inattendues. Par exemple, si des droits de douane plus élevés peuvent protéger des emplois dans des secteurs en concurrence avec les importations, ils peuvent aussi mettre en péril des emplois dans des secteurs qui dépendent d'intrants intermédiaires ou qui sont orientés vers l'exportation si les partenaires commerciaux prennent des mesures de rétorsion", peut-on lire dans un récent blog de l'OMC.
Les faits ont prouvé que l'adhésion à la voie du développement mutuellement bénéfique et gagnant-gagnant est le moyen fondamental de maintenir la prospérité de l'économie mondiale, a réaffirmé M. Huo.