Avec le premier plan quinquennal en 1953, la Chine a commencé à élaborer des stratégies de développement socioéconomique en fixant des objectifs de croissance et en lançant des réformes. Traditionnellement, un objectif de croissance élevé de 8 % était proposé, un taux considéré comme compatible avec un faible chômage urbain. Le 13e plan actuel (2016-2020) a fixé une progression annuelle de 6,5 %, reflétant la nouvelle norme après une croissance plus lente dans les économies occidentales, mais suffisant pour atteindre les objectifs à long terme de doublement du PIB et du revenu des ménages au cours de la décennie 2010-2020. Ainsi a pu se réaliser le rêve chinois d’une société modérément prospère à tous égards et de l’élimination de la pauvreté.
Avec le 14e plan quinquennal (2021-2025), de nouvelles priorités seront fixées, de même que d’autres objectifs jusqu’en 2035. Les propositions seront discutées et évaluées lors de la 5e session plénière du XIXe Comité central du PCC du 26 au 29 octobre. Cela reflète une voie stratégique à long terme pour le développement recentré de la Chine. Cette année, si aucun taux de croissance annuel du PIB n’a été fixé du fait de la récession économique mondial due à la pandémie, le maintien de l’emploi est devenu le principal objectif.
Le 14e plan quinquennal devrait inclure un objectif plus modeste (mais toujours fort par rapport aux économies occidentales) dans une fourchette de 5 à 6 % , avec un taux plancher considéré comme un bon compromis pour assurer une croissance de qualité tout en prenant en compte les préoccupations sur le climat. Il devrait en effet être plus agressif sur les énergies durables pour atteindre les objectifs de neutralité carbone d’ici 2060 au plus tard annoncé par la Chine. On s’attend à ce que ce plan soit « l’un des documents les plus importants de la planète » pour la durabilité mondiale.
Nous pouvons d’ores et déjà prévoir un passage d’un plafond de consommation d’énergie à un plafond d’émissions de carbone pour soutenir l’engagement de la Chine à atteindre un pic des émissions de CO2 d’ici 2030. Nous pouvons nous attendre à une attention accrue accordée au bien-être de la population, à une économie plus verte et une production à plus forte valeur ajoutée reposant prioritairement sur les avancées technologiques, avec le déploiement accru de la 5G, le développement de l’intelligence artificielle, les améliorations dans les transports publics urbains propres, les véhicules électriques et la prochaine génération de TGV. Des mesures en termes de réglementations, de finances et de prix seront nécessaires pour accompagner ces développements, avec des directives judicieuses en matière de planification et de gestion des villes.
La Chine devrait poursuivre l’ouverture de plus de secteurs aux investissements étrangers, réduire la liste négative, continuer à améliorer l’accès au marché et renforcer les initiatives, telles que l’Exposition internationale des importations de Chine, dont la 3e édition aura lieu prochainement du 5 au 10 novembre.
Parallèlement à la production de haute qualité, il convient de soutenir le secteur des services, véritable moteur de l’emploi, pour faire face aux menaces pesant sur le commerce des marchandises dans un environnement international de plus en plus hostile, mais également économiquement atone. Le maintien de l’emploi contribuera à soutenir la consommation intérieure, une force puissante pour isoler l’économie chinoise des risques. Ce concept a été mis en avant par le président Xi Jinping lors d’un colloque avec des entrepreneurs en juillet dernier, où il avait souligné la nécessité de mettre pleinement à profit les avantages d’un immense marché intérieur afin que créer un nouveau modèle de développement. Les marchés nationaux et étrangers pourront ainsi, avait-t-il affirmé, se stimuler mutuellement, le marché intérieur demeurant le point d’ancrage.
La planification se fera au niveau national, avec le renforcement des initiatives régionales. Lors de la Conférence centrale sur le travail économique en décembre dernier, l’accent a été mis sur le développement coordonné de la région Beijing-Tianjin-Hebei, le développement intégré du delta du fleuve Yangtsé et la construction de la région de la Grande Baie Guangdong-Hong Kong-Macao. Par ailleurs, « la Ceinture et la Route » pourra permettre d’accroître la coopération régionale hors de Chine.
Le nouveau plan quinquennal est donc axé sur la création d’une économie à revenu élevé tout en soutenant l’accessibilité du marché, l’amélioration de l’environnement, le développement rural et les technologies numériques. Alors que les économies occidentales mettront probablement du temps à se redresser, la Chine a déjà montré sa résilience et se remet de la pandémie. Le 14e Plan quinquennal offrira donc une occasion unique d’avancer dans la prochaine phase de transition.
(L'auteur est économiste et éducateur international à CAPA : The Global Education Network)