Li Keqiang : vers un rééquilibrage des échanges commerciaux internationaux
C'est un Premier ministre chinois décontracté et plein d'assurance qui s'est livré mercredi à la traditionnelle conférence de presse à l'occasion de la clôture de la 5e session de la 12e Assemblée populaire nationale, devant un parterre de journalistes chinois et étrangers.
Les questions posées ont porté sur les aspects les plus saillants de l'actualité socio-économique chinoise et des relations internationales. Si elles semblent distinctes, ces questions sont en fait complémentaires, car la Chine contribue depuis quelques années à environ un tiers de la croissance économique mondiale et les décisions prises en Chine ont un impact considérable sur le reste du monde.
Sur le plan international, l'année 2017 a déjà connu de nombreux rebondissements et les incertitudes demeurent. Si la situation en mer de Chine méridionale s'est apaisée l'an passé, l'arrivée au pouvoir du président américain Donald Trump a provoqué des remous entre la Chine et les Etats-Unis, qui accusent Beijing d'avoir détruit des emplois dans le pays et évoquent des mesures de protectionnisme. Li Keqiang s'est montré clair, soulignant que les intérêts mutuels dans les relations sino-américaines étaient considérables. « S'il y avait une guerre commerciale, ce sont d'abord les entreprises à capitaux étrangers qui en subiront les conséquences, et les entreprises américaines seraient frappées de plein fouet. Nous ne souhaitons pas une guerre commerciale, car elle n'entraînera pas d'échanges commerciaux équitables, et elle sera de plus préjudiciable aux deux parties », a-t-il expliqué en citant un groupe de réflexion. Une guerre commerciale entre les deux premières économies ne profiterait en réalité à personne, car les répercussions mondiales seraient telles qu'elles auraient un effet dépressif sur les échanges internationaux en général et pourraient déclencher une nouvelle crise économique en cette période de reprise fragile. Li Keqiang reste ainsi optimiste et estime que les deux pays sauront surmonter leurs différends au nom de leurs intérêts communs.
Les questions de l'excédent commercial de la Chine à l'égard de l'Union européenne (UE), mais aussi de l'accès au marché chinois des entreprises européennes et de leur traitement sur un même pied d'égalité ont également été abordées. Ces préoccupations sont souvent reprises par le personnel politique européen, surtout en cette année électorale en France comme en Allemagne. Li Keqiang a précisé que la Chine ne recherche pas obstinément un excédent de sa balance commerciale. « La Chine souhaite voir un équilibrage des échanges commerciaux, sans quoi cela n'est pas durable », a-t-il reconnu, précisant que si l'Union européenne, qui est à la pointe dans la chaîne de valeur, exportait davantage de produits de haute technologie en Chine, le déséquilibre commercial connaîtrait une amélioration notable.
Les opportunités pour les entreprises étrangères sont plus nombreuses avec la mise en place de la politique de l'offre, la Chine voulant répondre aux besoins de ses consommateurs de plus en plus exigeants. « Il est temps que nos entreprises entrent dans l'ère des produits de qualité. C'est d'ailleurs l'un des principaux aspects de la réforme du côté de l'offre », a-t-il fait remarquer. Il a répondu par avance à certains commentateurs étrangers, qui s'inquiètent d'une réduction des importations chinoises et d'une ouverture moindre avec la mise en place du plan Made in China 2025 : « C'est une erreur. Pour accroître la qualité des produits chinois et encourager la montée en gamme industrielle, il faut ouvrir encore davantage les portes du pays, il faut faire entrer en Chine encore plus de technologies et de produits haut de gamme », a-t-il affirmé d'un ton assuré. « Bien sûr, nous protégerons de manière encore plus stricte le droit de propriété industrielle pour que cela soit mutuellement bénéfique aux entreprises ».
Il a également évoqué les négociations sur un accord bilatéral d'investissement Chine-UE. Elles ont débuté au début 2012 et ont été rendues difficiles en raison des entraves à l'accès au marché chinois et de l'absence d'une concurrence équitable. Un tel accord se substituerait à une trentaine d'accords bilatéraux d'investissement pour créer un cadre unifié. Il est crucial de noter que le Premier ministre chinois a donné des engagements clairs : « Nous allons élargir toujours plus l'accès aux entreprises européennes, et faire en sorte que les entreprises européennes qui investissent en Chine soient comme les entreprises chinoises ; il suffit qu'elles soient enregistrées pour être traitées sur un même pied d'égalité ». Il a tenu à souligner que la Chine avait « toujours soutenu une Union européenne unie, prospère et stable, un euro fort, ainsi que le processus d'intégration européen ». Une position qui est « favorable à la mondialisation, à un monde multipolaire et à la diversité culturelle ».
Le Premier ministre affiche donc un optimisme tranquille et veut rassurer la communauté internationale ainsi que les Etats-Unis et l'Union européenne, ses principaux partenaires commerciaux. Derrière cet optimisme, Li Keqiang a pris la mesure des défis économiques qui se posent en Chine, notamment la réduction de la surcapacité qui passe par des restructurations industrielles de grande ampleur touchant des centaines de milliers de personnes. La Chine doit donc maintenir un équilibre délicat pour d'un côté répondre aux défis économiques intérieurs et de l'autre être à la hauteur de son statut de première puissance commerciale mondiale. Le Premier ministre chinois aura donné durant cette conférence de presse la preuve au monde entier que son gouvernement possède la pleine et entière maîtrise de ces problématiques.
Par Jacques Fourrier, journaliste et commentateur français basé à Beijing.
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