China.org : La relation sino-française attire beaucoup l'attention de nos lecteurs. Selon vous, est-ce que l'avenir de la relation sino-française peut retourner à la période très cordiale des années de présidence de Jacques Chirac ?
Caroline Puel : Je l'espère puisque je suis la première, à mon petit niveau, que les choses se passent ainsi. J'étais très heureuse de voir que pendant toutes ces années la France bénéficiait d'une image très favorable en Chine, et j'étais vraiment très triste de voir la destruction en quelques jours de tout ce travail collectif de Chinois et de Français qui y avaient cru pendant tant d'années. C'était très démoralisant en 2008.
Maintenant je pense qu'au niveau politique, il y a une véritable prise de conscience ; en Chine comme en France, de la nécessité de reconstruire et de maintenir une bonne relation. Je reviens de Paris où j'ai eu des discussions avec des responsables politiques à droite comme à gauche, tout le monde est évidemment convaincu aujourd'hui de la nécessité d'une bonne relation avec la Chine.
Ce qui me parait plus grave, c'est l'impact que cette crise a laissé dans les esprits, notamment auprès de la nouvelle génération chinoise. Des jeunes Chinois nés dans les années 80 et 90, très présents sur Internet et qui ont été particulièrement marqués par cette crise, sans doute aussi car il y a dû y avoir une très grande déception de se sentir un peu trahis par la France, et parce que rien n'est venu derrière pour reconstruire cette image. Cela leur laisse aujourd'hui un goût amer qui pourrait avoir des traces à long terme si l'on ne fait pas attention. Il me paraît absolument nécessaire qu'il y ait à nouveau la reconstruction d'un processus de confiance entre cette nouvelle génération chinoise et la France et le monde occidental en général.
Mais cela ne peut pas se faire à sens unique, donc je pense qu'à ce point de vue les échanges entre étudiants sont excellents mais ne suffisent pas. Il faut aussi que l'on arrive à créer des outils de communication directe. Internet est peut-être un bon outil pour cela, mais pour que cela marche il faut qu'Internet soit vraiment libre et que l'on puisse échanger des propos des deux côtés.
Ce n'est pas la réalité d'aujourd'hui, donc il va falloir trouver des instruments et des possibilités pour que ces échanges aient lieu, encore une fois dans l'idée de retisser des liens de compréhension et de confiance. Cela me semble vraiment important à l'heure où la Chine a une formation de plus en plus patriotique, et le monde occidental une tentation de repli sur lui-même de plus en plus forte à cause de la crise. Il me paraît absolument nécessaire que ce lien existe, sinon le reste de l'Histoire pourrait être vraiment inquiétant.
China.org : Depuis la conférence de Copenhague, le changement climatique attire largement l'attention du monde. Que pensez-vous des responsabilités des pays développés et des pays en voie de développement en la matière ?
Caroline Puel : Je pense que les responsabilités sont complémentaires. Les pays développés ont aujourd'hui pris conscience de l'effet sur l'environnement de leur développement qui a démarré il y a près de deux siècles, mais cela n'est pas une raison pour que les pays en développement ne fassent rien. Je pense que cela est vraiment une action qui doit être concertée, et qu'il y a véritablement urgence pour la stabilité de l'environnement de l'ensemble de la planète, et que ce point de vue là on se retrouve tous à égalité.
Qu'on soit d'un pays développé ou d'un pays en développement, si nos enfants dans quinze ou vingt ans n'ont plus d'air pur à respirer ou d'eau potable à boire, cela sera bien un problème pour le monde entier. Ou si des populations entières sont obligées de migrer ou de quitter des régions parce qu'elles n'ont plus d'eau ou rencontrent d'autres problèmes liés à l'environnement, cela sera aussi une conséquence pour le monde entier. |