Le XIXe Congrès du PCC : il faut comprendre la Chine

Par : Yann |  Mots clés : PCC, congrès
French.china.org.cn | Mis à jour le 09-11-2017


 



Un journaliste de Associated Press pose une question lors d'une conférence de presse organisée par le Centre des médias du XIXe Congrès du PCC le 21 octobre 2017.

 

En octobre dernier, le XIXe Congrès du Parti communiste chinois (PCC) a polarisé l'attention du monde. Toutefois, un de mes amis français m'a indiqué, avec une pointe de regret : « Tu m'as demandé si les Français avaient suivi avec intérêt ce grand événement de la vie politique chinoise, mais je te le dis sans détour, la réponse est “non”. La Chine est la première économie au monde en termes de parité de pouvoir d'achat et un thème au cœur des conversations des Français. Pourtant, si vous abordez le sujet du XIXe Congrès du PCC avec eux, ils vous diront : “Désolé, je ne suis pas au courant, je ne sais pas de quoi il s'agit…” »

 

Tout le monde parle de la Chine, mais lorsqu'un événement normal, et même extrêmement important, se produit dans le pays, personne ne s'y intéresse. Quel paradoxe ! D'après une maxime française, « Les journalistes ne parlent jamais des trains qui arrivent à l'heure ». Le XIXe Congrès du PCC, qui guide le peuple chinois à réaliser le projet d'industrialisation le plus ambitieux de toute l'histoire de l'humanité, figurait évidemment parmi cette catégorie d'événements « arrivant à l'heure » prévue. C'est pourquoi personne ne s'en est préoccupé. Dans la dernière émission du programme On ne vous dit pas tout que j'anime sur CGTN Français, nous avons réalisé un micro-trottoir en France sur le XIXe Congrès du PCC, où nous avons posé les questions suivantes : « Avez-vous entendu parler du XIXe Congrès du PCC ? Est-ce que vous vous y intéressez ? » Chaque fois, les passants nous répondaient par la négative.

 

Cependant, il serait injuste de rejeter la faute sur les médias et journalistes français, en prétextant qu'ils n'ont pas couvert ce congrès. Pour ma part, j'ai lu un reportage de l'Agence France-Presse intitulé Moins de foot, plus de sécurité : Pékin reçoit le Congrès du PCC, paru le 11 octobre sur le site Internet de La Croix. Les lecteurs français ou francophones intéressés peuvent lire cet article non signé. Mais ils n'en retireront qu'une certaine « impression » du XIXe Congrès du PCC : « police sur les dents », « téléspectateurs abreuvés d'émissions patriotiques », « les étrangers semblent faire l'objet d'une surveillance renforcée »… Bref, après lecture de ce texte, j'avais le sentiment qu'il décrivait un tout autre pays que celui où je vis !

 

Tout cela me rappelle un livre sur lequel étaient inscrits en page de couverture les caractères 对中国应有之了解 (Il faut comprendre la Chine), rédigé il y a un siècle par le journaliste suisse William Martin. Cette œuvre dénonce les idées toutes faites sur la Chine que nourrissent les Occidentaux. Ainsi, un pays aussi important que la France, pour comprendre la Chine, ne devrait-il pas absolument connaître le XIXe Congrès du PCC plutôt que des stars comme Lu Han ?

 

À mon avis, pour comprendre comme il se doit le PCC et son XIXe Congrès, il faut au minimum avoir connaissance des trois points suivants :

 

Premièrement, le PCC est un parti politique particulier. Pourquoi ? Tout d'abord, il est le fondateur de la République populaire de Chine (RPC). Contrairement à la grande majorité des pays européens, le parti au pouvoir (le PCC) a été établi plus tôt que le pays (la RPC). De plus, le PCC rassemble un grand nombre de membres (près de 90 millions) et les conditions sont très strictes pour y adhérer. Il s'agit là d'une nette différence entre le PCC et les partis politiques qui existent en France et dans les autres pays européens. Les partis des pays européens et leurs affiliés se mettent clairement au service de certaines couches sociales, d'où la nécessité de l'alternance. En revanche, en Chine, pour devenir membre du PCC, il faut adhérer à une croyance spirituelle : celle de servir le peuple. Et par le peuple, l'on entend l'ensemble de la population chinoise. Selon la tradition confucianiste, l'homme est une notion se rapportant à la famille, au pays et à la nation. Par conséquent, le PCC est un parti qui représente et sert les intérêts de tout le peuple chinois. Conclusion : l'exercice du pouvoir par le PCC n'a rien à voir avec la « dictature unipartite » telle que la conçoivent les institutions démocratiques occidentales.

 

Deuxièmement, le processus de nomination des dirigeants aux différents échelons du PCC est, au fond, plus raisonnable que celui instauré par les partis politiques occidentaux. Les élections des candidats à la présidentielle au sein des partis politiques occidentaux semblent démocratiques, mais des « problèmes » surviennent à maintes reprises (par exemple, aux dernières primaires françaises, Alain Juppé a été battu par François Fillon et Manuel Valls a perdu face à Benoît Hamon), résultat peut-être de l'évolution de la structure politique suivant la logique politique des pays occidentaux. Le PCC, lui, pratique un modèle qui combine « sélection » et « élection ». Lors du XIXe Congrès du PCC ont été élus le nouveau Bureau politique du Comité central (CC) du PCC, les nouveaux membres du Comité permanent du Bureau politique du CC du PCC et le nouveau secrétaire général du CC du PCC. Avant la tenue du congrès, les organisations du PCC de tous les échelons avaient soigneusement sélectionné les candidats en vertu des normes strictes et multiples, la plus importante étant la compétence professionnelle. Conformément à la pensée confucéenne traditionnelle, l'exercice du pouvoir est une discipline qui exige un certain niveau de connaissances et d'expérience. C'est comme dans le cas d'une opération chirurgicale : il faut d'abord sélectionner les candidats à même de réaliser l'intervention en question, avant d'en élire un seul parmi eux pour y procéder. La couche dirigeante du PCC a ainsi été constituée grâce à cette méthode combinant sélection et élection.

 

Troisièmement, trois objectifs majeurs sont toujours à l'ordre du jour des congrès du PCC : dresser le bilan et la synthèse des cinq années écoulées ; élire le nouveau Bureau politique du CC du PCC, les nouveaux membres du Comité permanent du Bureau politique du CC du PCC et le nouveau secrétaire général du CC du PCC ; et élaborer le plan de travail pour les cinq années à venir. Pour ce qui est de la synthèse du mandat précédent, côté France, les électeurs laissent parler les bulletins, tandis que côté Chine, ce sont les membres du PCC qui évaluent les résultats de la direction du PCC par vote. La différence ? Dans les pays occidentaux accordant soi-disant le suffrage universel, les résultats sont certes importants pour juger de l'aptitude d'un candidat, mais d'autres facteurs complètement différents l'emportent. En 1988, lorsque François Mitterrand avait participé à l'élection présidentielle pour briguer son second mandat, il n'était pas en mesure de compter sur ses performances comme soutien à sa campagne : le nombre de chômeurs en France avait doublé, alors qu'il avait accédé au pouvoir en scandant la lutte contre le chômage comme slogan. Mais au cours du débat télévisé, François Mitterrand avait gagné le concours de l'éloquence contre Jacques Chirac (alors son premier ministre) et avaient ainsi été réélu. En 2002, toujours dans un contexte de cohabitation (cette fois-ci, avec Jacques Chirac comme président et Lionel Jospin comme premier ministre), Lionel Jospin, en dépit de ses bons résultats, avait été battu au premier tour par Jean-Marie Le Pen, car le trop grand nombre de candidats de gauche à se présenter avait conduit à la dispersion des votes des sympathisants...

 

En revanche, en Chine, un homme politique est promu sur la base de ses mérites, qui demeurent le critère absolu. Pour cette raison, depuis la réforme et l'ouverture, chacun des dirigeants tenant les rênes du pouvoir et leurs collaborateurs affichent des résultats extraordinaires. En une trentaine d'années, la Chine s'est transformée, passant d'un pays en voie de développement à la deuxième économie mondiale (la première en parité de pouvoir d'achat). Aucun chef d'État occidental n'a réalisé un tel exploit. Ces cinq dernières années, non seulement la Chine a réussi à maintenir sa croissance économique à 6-7 %, mais aussi elle a connu un essor considérable dans tous les autres aspects. Le TGV chinois « Fuxing » roulant à 350 km/h pour la vitesse commerciale, le FAST (le plus grand radiotélescope du monde), le submersible Jiaolong, le satellite de communication quantique...Toutes ces réalisations montrent que la Chine s'apprête à devenir un pays innovateur. Sur le plan social, rappelons aussi qu'il y a cinq ans, la corruption était le problème qui inquiétait le plus le peuple chinois, alors qu'aujourd'hui, ce sujet ne figure même plus sur la liste de leurs préoccupations dans les sondages d'opinion, tellement la situation s'est améliorée… Nous pourrions donc dire que ce qui caractérise le plus le PCC depuis ces trente dernières années, c'est le fait qu'il a honoré presque toutes ses promesses.

 

Le Monde a publié le 15 octobre une édition spéciale sur la Chine intitulée La Chine : le retour de la grande puissance. À la une apparaissaient six caractères chinois (中国,强国崛起), qui forcément attiraient l'œil. À la vue de ceux-ci, de nombreux lecteurs chinois qui ne parlent pas la langue de Molière ont cru que les médias français commençaient enfin à reconnaître les progrès et le développement de la Chine. Mais moi, j'ai lu toute l'édition. Comme nous le savons, les journalistes étrangers, en particulier les envoyés spéciaux en Chine, rédigent la plupart du temps des reportages teintés d'opinions et de ressenti personnels, dus à une vision limitée sur le pays. Nous ne pouvons pas imposer à chaque journaliste étranger en poste en Chine d'aimer la Chine, certes. Une édition spéciale est souvent accompagnée d'un éditorial qui reflète la voix du média ainsi que d'une interview exclusive d'un spécialiste de la Chine (le sinologue) pour expliquer aux lecteurs issus de l'élite comment ils devraient voir la Chine. Cependant, cette fois-ci, j'ai été surpris de constater que l'expert interviewé était Sebastian Veg, une personne que je ne connais pas et que je ne comprends pas non plus. La France a-t-elle enfin vu émerger un nouveau sinologue ? Je voudrais féliciter ce nouveau  sinologue qui en l'occurrence est plus doué que les autres en mandarin. Il connaît les termes politiques chinois tels que shuanggui (suspension des fonctions d'un cadre dirigeant pour un examen sur un lieu et dans un délai fixés par l'autorité compétente), ou encore ceux relatifs à la centralisation et la décentralisation des pouvoirs, au noyau, etc.

 

Malheureusement, il ne suffit pas de connaître la réalité de la Chine à travers quelques mots ; il faut aussi comprendre un peu son histoire. Cet expert estime que « Xi Jinping a renforcé le pouvoir du Parti au détriment de l'État chinois ». Une conclusion vraiment étrange. En fait, la Chine fait face parfois au manque de cohésion, un enjeu que Sun Yat-sen avait déjà déploré. Ces trente dernières années, la Chine a réalisé de grands progrès non seulement sur le plan économique, mais aussi dans le domaine de la liberté sociale. Tout comme le développement économique a engendré des problèmes, notamment la pollution de l'air, les progrès sociaux ont fait de même, suscitant par exemple le laxisme social et la déviation de l'opinion publique pendant un temps. Un peu comme si certains ne respectaient plus le code de la route, même si celui-ci était toujours en vigueur. Aujourd'hui, si le PCC renforce son pouvoir, c'est justement dans l'intention d'améliorer la capacité nationale de la Chine. Comment pourrait-on « renforcer le pouvoir du Parti au détriment de l'État » ?

 

J'avais souligné dans un de mes articles qu'il ne faut pas mettre les fourchettes et les baguettes dans le même panier. Pour connaître et comprendre le PCC, son XIXe Congrès ainsi que la Chine et l'avenir vers lequel elle se dirige, apprenez donc à utiliser les baguettes, ce n'est pas si difficile !

 

﹡ZHENG RUOLIN est un ancien correspondant à Paris du quotidien Wen Hui Bao de Shanghai et l'auteur du livre Les Chinois sont des hommes comme les autres aux éditions Denoël.


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Source: La Chine au Présent
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