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Une image vaut mille mots

Lisa Carducci

 

Dans les années 1970, j'allais en Italie tous les deux ans, du Canada. Des membres de ma famille italienne avaient la disgracieuse habitude d'accuser « l'Amérique » de tous les maux dont souffrait notre culture en voie d'évolution. Si un couple divorçait, c'est qu'il avait émigré aux États-Unis. Si un adolescent répondait impoliment à son père, c'est qu'il subissait l'influence des films étatsuniens.

En ce temps-là, la plupart des Occidentaux ne connaissaient le Tibet que par l'album Tintin au Tibet. Aujourd'hui, on semble tout savoir de cette région sans pourtant y avoir jamais mis les pieds. Et l'on peut réciter comme des perroquets des inepties du genre « le gouvernement chinois a banni la culture et la langue tibétaines ». Si ces grands parleurs mal renseignés s'étaient rendus au Tibet, ils sauraient que seule une minorité de Tibétains parlent chinois ou anglais.

L'enseignement se fait en tibétain, et le chinois est étudié comme langue nationale. Il y a cependant une pénurie d'enseignants de langue chinoise et plusieurs écoles ne peuvent remplir cette partie du programme.

De plus, le gouvernement chinois continue de dépenser de vastes ressources financières et humaines dans la recherche, la cueillette, l'interprétation et la publication de la littérature, de chants, d'épopées et de textes religieux en langue tibétaine.

Quand je vais dans les communautés tibétaines des provinces du Sichuan, du Qinghai, du Gansu, du Yunnan, et, bien sûr, du Tibet même, je constate avec plaisir combien les jeunes sont fiers de leur culture et à quel point ils y sont attachés.

En fait, il est tout aussi normal pour les Tibétains que pour les Italiens, les Canadiens, les Coréens, les Australiens et les Chinois de tous les groupes ethniques d'être influencés par la « modernité ». C'est la conséquence de la mondialisation culturelle et, qu'on le veuille ou non, cette mondialisation a comme pivot les États-Unis.

Les Tibétains, comme le reste du monde, ont accès à la télévision, à l'internet et au téléphone cellulaire. Ils regardent des films, écoutent de la musique, lisent des revues et fréquentent les bars et discothèques. Ils boivent du Coca-Cola et de la bière. Ils portent des jeans et des contrefaçons de vêtements sport Adidas. Le même phénomène se produit dans n'importe quel pays en développement, et les Occidentaux ne s'offusquent pas lorsqu'ils voient des Chinois Han s'habiller à l'occidentale et se teindre les cheveux.

Une image du Tibet vaut mieux qu'un long discours

Le Tibet est semblable au reste du pays. Ceux qui croient à un génocide tibétain de la part de la Chine devraient retourner sur les bancs de l'école et se doter des connaissances fondamentales en sociologie et évolution du monde.

En décembre dernier, j'étais dans un restaurant, au Qinghai, avec trois Tibétains. L'un d'entre eux, un lama, m'a demandé pourquoi le monde occidental s'en prenait à la Chine au sujet du Tibet. J'ai répondu : « Parce qu'on pense que les Tibétains sont privés de liberté religieuse, et l'on fait pression sur le gouvernement chinois pensant vous aider. » Après un instant de réflexion, son cousin déclara : « Non, nous n'avons pas de liberté, mais cela n'a rien à voir avec le gouvernement. C'est notre culture. » – « Comment ? dis-je, étonnée, vous n'avez pas de liberté ? Devez-vous vous cacher pour prier ? Serez-vous arrêtés si vous vous rendez au temple ? Est-il interdit d'afficher le portrait du dalaï-lama chez vous (chaque famille en a un, à côté de celui du panchen-lama) ? N'êtes-vous pas libres de tourner les moulins à prière en public ? La vie tibétaine est si profondément empreinte de religion ! »

Leurs réponses à toutes mes questions furent négatives, bien sûr. Et le cousin d'ajouter : « Quand un Tibétain nait, il nait bouddhiste. Nous n'avons pas le choix de notre religion. »

Voici une autre anecdote. Un professeur d'université canadien visitait le Tibet avec un guide tibétain. Le jeune homme annonça au groupe qu'il s'agissait de son dernier voyage en tant que guide et qu'il serait bientôt remplacé par un Chinois han. Les touristes s'offusquèrent : pas de droits de l'homme, ségrégation, génocide culturel, etc. Ce qu'ils ne savaient pas, c'est que le guide travaillait illégalement, tandis que le Han avait suivi un cours, réussi les examens de rigueur (anglais, histoire, etc.), et obtenu son certificat de guide. Toutefois, dans le livre qu'il publia à la suite de son voyage, le professeur interpréta les faits de façon erronée.

Vu que le dalaï-lama est connu pour son charisme ; qu'il a une grande expérience et sait s'adapter à différents publics ; que ce que dit et publie la Chine est considéré à l'étranger comme de la propagande mensongère et donc rejeté ; que nombre de médias occidentaux n'ont même jamais envoyé de représentant au Tibet ; et que la plupart des gens qui parlent du Tibet tirent leur « information » de l'internet, je propose que l'on cesse de parler du Tibet avant de l'avoir vu de ses propres yeux. Une image est plus éloquente que tous les « on dit ».

 

Traduction par l'auteure d'un article publié par le China Daily, le 18 mars 2009, p. 9.

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