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Chan Lai Wa et la sculpture du santal
Au bout de plus de 20 ans de dur labeur, Chan Lai Wa (Chen Lihua), présidente du Conseil d'administration de la Fu Wah internationale (Hongkong), a finalement fondé le Musée du santal rouge à Beijing. Des sculptures et des meubles de bois précieux, d'une grande valeur artistique, peuvent être admirés dans ce lieu culturel.

Le lecteur a peut-être entendu parler d'Au bord de la rivière Bian, le jour de Qingming, la peinture éternelle de Zhang Zeduan, exécutée sous la dynastie des Song du Nord (960-1127), sans avoir eu l'occasion d'admirer l'original. Il a probablement lu, aussi, le Pèlerinage vers l'Ouest et Au bord de l'eau, les deux célèbres ouvrages de la dynastie des Ming (1368-1644), et se demande comment les personnages de ces oeuvres pourraient être présentés. Désormais, Chan Lai Wa, directrice du Musée du santal rouge de Chine, apporte des réponses.

"Je dois faire en sorte que ces trésors soient conservés en Chine."

"J'ai fondé ce musée pour présenter les reliques historiques et la culture traditionnelle du pays, également pour réintroduire les magnifiques meubles traditionnels chinois. Je veux récupérer les trésors oubliés et les conserver éternellement en Chine," dit Chan en regardant, d'un air satisfait, les alentours du Musée du santal rouge de Chine pour lequel elle a travaillé dur pendant plus de 20 ans. "Je veux faire un livre à propos de tout cela, pour la Chine, la nation et l'histoire."

Le santal rouge figure parmi les bois les plus précieux. Il est résistant mais élastique et dégage une senteur florale. Sa couleur pourpre profond ou noire symbolise la solennité et la majesté du gouvernement impérial, tandis que sa texture délicate et variée proclame la prestance. Une fois poli et ciré, il présente l'éclat de la soie.

Des centaines d'années sont nécessaires avant que l'arbre puisse être utilisé pour la fabrication de meubles. De plus, la plupart sont creux à l'intérieur, ce qui réduit d'autant plus la quantité de bois réellement utilisable. Telle est la vieille expression: "Le santal rouge est aussi précieux que l'or."

Sous la dynastie des Ming, le santal rouge était largement utilisé par les familles impériales, de sorte que les réserves du pays furent rapidement épuisées. Plus tard, avec le développement du transport maritime et des échanges commerciaux avec l'étranger, une grande quantité de santal rouge fut importé d'autres pays. A la fin de la dynastie des Ming et au début de celle des Qing, le stock de santal rouge en Chine était énorme. Par conséquent, de meubles élégants et magnifiques, de fine confection, apparurent en quantité. Cependant, nombre d'oeuvres furent emportées à l'étranger pour différentes raisons.

En raison de la folle déforestation sous la dynastie des Ming, il n'y eut plus d'arbres de santal rouge sous celle des Qing. A cette époque-là, les meubles de santal rouge étaient faits pour l'essentiel avec les réserves léguées par la dynastie des Ming. A partir du milieu des Qing, les familles royales durent s'en procurer à prix élevés auprès d'entreprises privées. A la célébration du 60e anniversaire de l'impératrice douairière Cixi et lors du mariage de l'empereur Guangxu, il ne restait que très peu de santal rouge. Après que Yuan Shikai se proclama empereur en 1915, tout le santal rouge avait été utilisé.

Avec l'épuisement des réserves, la technique de fabrication des meubles en santal rouge disparut elle aussi.

Heureusement, le santal rouge a maintenant réapparu, et Chan Lai Wa, remarquablement prévoyante, a saisi l'occasion pour se procurer plusieurs centaines de tonnes de ce bois. Elle a engagé des centaines d'habiles artisans qui ont fabriqué, en vingt ans, plus de 1 000 pièces exquises et artistiques; elle était convaincue que ces trésors pourraient être transmis aux futures générations et admirés par le peuple du monde entier.

"Je préserve non seulement le santal rouge et les sculptures de santal rouge mais je perpétue aussi la technique et l'artisanat," a-t-elle expliqué.

"Je préfère l'action à la parole."

Issue d'une noble famille mandchoue, Chan se montre particulièrement intéressée par les meubles de santal rouge faits sous les dynasties des Ming et des Qing. Pour elle, les meubles pourpres foncés étincelants, temoins de grands changements, sont la cristallisation de la culture traditionnelle chinoise ainsi que l'habileté et l'intelligence des artisans chinois.

Bien qu'elle soit membre de la Conférence consultative politique du Peuple chinois, présidente du Conseil d'administration de la Fu Wah Internationale (Hongkong), du Club Chang'an de Beijing et de la Société de meubles Fu Wah (Beijing), Madame Chan est peu connue du public.

"Je n'aime pas beaucoup parler, je préfère faire des choses avec application et persévérance. Je fais de mon mieux pour que tout soit parfait," a-t-elle expliqué.

Elle s'est rendue au Myanmar huit fois pour chercher du santal rouge et a traversé des montagnes et des forêts peuplées d'animaux sauvages. Elle a même été poursuivie, une fois, par un essaim d'abeilles. S'il n'y avait pas eu de voiture hermétique qui l'attendait à ce moment-là, elle aurait perdu la vie. Une autre fois, elle s'est trouvée au bord d'un précipice et s'en est rendu compte au dernier moment. Malgré tout, elle n'a jamais fait route arrière.

Ayant obtenu les meilleurs santals rouges, Chan a investi une immense somme dans la formation des artisans. Etant donné que la technique avait été abandonné depuis longtemps et que le santal rouge était aussi précieux que l'or, le façonnage de tels matériaux coûta très cher. Quoiqu'il en soit, Chan avait été travailleuse elle-même, savait ce qui était plus cher que l'or. Elle comprenait les larmes de ses employés lorsqu'ils avaient fait une erreur.

Son amour du santal rouge est sincère. Elle témoigne d'une forme de piété, de foi profonde. Ceci explique qu'elle n'ait jamais hésité à dépenser de l'argent et du temps pour le musée.

Au début, elle collectionnait et réparait simplement les meubles de santal rouge abîmés. Par la suite, elle s'est mise à reproduire d'anciennes oeuvres, surtout celles de la Cité interdite.

Elle ordonne, élabore des projets et prend des décisions elle-même; elle participe même à l'ouvrage de l'équipe de sculpture. Des oeuvres de santal rouge sont venues au monde l'une après l'autre dans ses mains. "Les articles de bois sont en réalité de l'art fin," a-t-elle dit.

Sa plus grande satisfaction au cours des 20 ans passés, est d'avoir reçu le soutien des membres de sa famille. Elle doit pourtant affronter nombre de difficultés. Quand il a demandé à certains visiteurs de ne pas toucher le santal rouge, ceux-ci se sont mis en colère et ont proféré des injures. Quelqu'un a même abîmé des objets. Une fois, un visiteur a brisé un champignon amadouvier en santal rouge de la bouche d'un phénix et s'en est allé. Le coeur de Madame Chan était brisé. Combien de temps et d'efforts pénibles avait-il fallu pour la fabrication d'un tel champignon amadouvier! Madame Chan souhaite que les visiteurs fassent davantage attention aux articles et soutiennent davanta ge son travail.

"Je ne peux pas laisser ternir l'art par les intérêts commerciaux."

Le travail assidu de Madame Chan a été payé. Des experts du Musée du Palais ont estimé 100 oeuvres sculptées par elle et ses sculpteurs qu'elles étaient les "trésors de l'art oriental".

L'oeuvre la plus réussie du Musée du santal rouge de Chine est une série de paravents en bois nommés Au bord de la rivière Bian, le jour de Qingming. La série comprend 12 pièces de santal rouge, de 270 cm de longueur chacune, 76,5 cm de largeur et 177 cm de hauteur. Elles pèsent au total l'impressionnant poids de 5 397 kg. Entièrement exécutées de façon traditionnelle sur le plan du travail en relief, les sculptures témoignent d'un maniement habile du couteau, présentent des lignes lisses et vigoureuses, une texture fine et un aspect imposant. Les maisons, ponts, bateaux, charrettes, personnages et même les rides sur l'eau, les cordes et les arbres au bord de la rivière ont été sculptés de manière vive. Le charme artistique de la peinture originale a été conservée; la différence se situe essentiellement au niveau de l'espace et de la création en trois dimensions.

Wang Shixiang et Zhu Jiajin, célèbres experts en meubles de Ming et de Qing, et Wang Shuqing, ancien directeur adjoint du Musée du Palais impérial, ont estimé que les paravents étaient des objets de grande valeur. D'après eux, les techniques utilisées pour d'autres reproductions, comme la Salle des horloges dorées et le trône dans la Salle de la Pureté céleste (Qianqinggong), sont de qualité équivalente à celles utilisées pour créer les originaux.

Chan Lai Wa a aussi créé une sorte de culture cubique. Dans une pièce de santal rouge, elle a sculpté les 108 personnages principaux de Au bord de l'eau, l'ouvrage écrit par Shi Nai'an dans la dernière période de la dynastie des Yuan et au début des Ming. Chacun des personnages semble être vivant. Dans une pièce de bois de camphrier de 2 m de haut, Chan Lai Wa et d'autres sculpteurs ont représenté toutes les intrigues du Pèlerinage vers l'Ouest, le roman écrit par Wu Cheng'en sous les Ming. Exécutée à l'aide de techniques de taille, de sculpture circulaire et jouant avec les ombres et les lumières, l'oeuvre montre comment le Roi-Singe est né et comment le vénérable moine Xuan Zang a finalement obtenu les sutras du Bouddha. D'après les employés du Musée, les artistes travaillent maintenant les sculptures du Rêve dans le Pavillon rouge et du Roman des Trois Royaumes. Représenter ainsi les célèbres quatre classiques constitue l'un des plus grands souhaits de Madame Chan.

Une autre grande oeuvre du musée est celle de la Tour d'angle de la Cité interdite, exécutée dans une proportion de 1 pour 5. Elle est soutenue par 9 poutres, 18 piliers et 72 arêtes. L'addition de ces trois chiffres donne 99, et le double neuf était le nombre suprême dans la Chine ancienne. La Tour d'angle de santal rouge a 5 m de hauteur et un poids de 4 tonnes. Le seul ensemble des arêtes et des consoles est constitué de plus de 4 600 pièces de santal rouge. Un seul artisan en aurait eu pour 200 ans de travail.

Dès l'ouverture du musée le 19 septembre 1999, un grand nombre de visiteurs chinois et étranger se sont présentés. Une délégation de jeunes américains a visité le musée le 28 juin 2000. Ceux-ci ont été fascinés par le modèle d'un siheyuan (maisons construites autour d'une cour, de style Beijingois), qu'ils ont jugé comme un modèle de perfection. L'ouvrage a exigé le travail de 800 sculpteurs pendant un an; 15 procédés ont été employés et des centaines de tonnes de santal rouge ont été utilisées. Le siheyuan, s'étendant sur une surface de 100 m² et exécuté dans une proportion de 1 pour 5, est si impressionnant que les jeunes gens ne voulaient pas partir. Ils ont grandement admiré l'art et l'architecture chinois traditionnels.

Jackie Chan, la célèbre star de Hongkong, a récemment visité le musée. Il a été tellement ému par le siheyuan qu'il a chanté et dansé en disant: "Je me demandais ce qu'allaient devenir les santals rouges. Les voilà ici. Je suis chez moi."

Se trouvent de plus les Pavillons Wanchun et Qianqiu du Palais d'Eté et le portique commémoratif du Temple Longquan du mont Wutai taillés également dans du santal rouge.

"En tant qu'artiste et industriel, j'ai la responsabilité de perpétuer l'art et la culture chinois traditionnels," a déclaré Chan Lai Wa.

Nombre de célébrités de différents milieux et des magnats commerciaux chinois et étrangers ont essayé d'acheter, à un prix élevé, une ou deux oeuvres du musée. Certains voulaient même se procurer le musée entier. Les offres ont cependant toutes été repoussées. Chan Lai Wa a déclaré: "Je ne peux pas ternir la pureté de l'art traditionnel avec des enjeux commerciaux."

Pourtant, afin de répondre à la demande, l'usine de Madame Chan a récemment commencé à fabriquer des meubles pour la vente.

"Cet art du bois doit être connu dans le monde entier."

Le 27 mai 1999, le Savannah College of Art and Design (SCAD), le plus grand institut d'art privé des Etats-Unis, a délivré un diplôme de doctorat honoraire à Madame Chan en reconnaissance de sa contribution à l'art.

Le SCAD compte un grand nombre de professeurs venus des Etats-Unis et d'autres pays, des autorités dans les domaines des arts visuels et représentatifs, des projets, de l'architecture, ainsi que de l'histoire de l'art et de l'architecture. Les étudiants de cet institut sont venus des quatre coins des Etats-Unis et de plus de 80 pays et régions du monde. Chaque année, l'institut récompense une personne qui s'est distinguée dans le domaine de l'art et celui délivre un diplôme de doctorat honoraire.

La décision d'honorer Madame Chan remonte à 1998, lorsque Richard Rowen, président de l'institut, est venu à Shanghai à la tête d'une délégation pour assister à une grande exposition. Par la suite, lui-même et sa délégation se sont rendus spécialement à Beijing pour voir Chan Lai Wa. Ils ont été bouleversés par les sculptures de santal rouge exposées dans le Chang An Club. "La beauté qu'elles dégagent est indicible," a dit Rowen.

A la cérémonie de récompense, il a exprimé son voeu de soutenir davantage le travail important de Madame Chan dans la transmission des grands et inoubliables trésors chinois, dans un but éducatif et stimulatif pour le monde et la société.

Madame Chan a remercié le SCAD: "Mais cet honneur ne revient pas seulement à moi, mais aussi à ma famille et à mon pays," poursuivit-elle. Elle a souhaité bonne chance à tout le monde et espéré que l'amitié et les échanges culturels entre la Chine et les Etats-Unis se développent.

"Je suis chinoise mais je crois que cette sorte d'art doit être connu dans le monde entier. L'art est de propriété universelle et cela m'est égal qu'il demeure en Chine ou en Amérique," a dit Madame Chan. Elle a offert à l'institut un grand paravent et un trône de santal rouge qui ont attiré à peu près 10 000 visiteurs ainsi que de nombreux experts nationaux.

Chan Lai Wa a un autre rêve: avec la coopération du SCAD, établir une académie d'art en Chine. Elle espère que, par ce moyen, elle pourra faire connaître sa propre expérience de la sculpture du santal rouge et inciter les hommes de talent de l'art traditionnel chinois à enseigner. En même temps, elle pourra introduire les méthodes d'enseignement et les technologies avancées d'autres pays et combiner les arts étrangers et chinois, afin d'apporter sa propre contribution au développement de l'art chinois et de la formation des compétences artistiques.

Pour Madame Chan, collectionner les oeuvres de santal rouge et en faire la reproduction sera son objectif de vie. Sur cette base, elle espère pouvoir appeler plus de gens à se consacrer à la culture traditionnelle chinoise. En fait, Chan Lai Wa elle-même prend une part active à l'ouverture chinoise.


China.org.cn    2000/12/20

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