(PALAIS DE L'ELYSEE, LUNDI 26 JANVIER 2004 )
Monsieur le Président,
Madame,
C'est en France, Monsieur le Président, que vous avez décidé d'effectuer votre première visite d'Etat sur le continent européen. C'est pour nous un signe fort d'amitié et de confiance. C'est une étape importante et nouvelle dans l'histoire qui unit depuis si longtemps nos deux Nations. Soyez remercié de ce choix qui est celui du c?ur, de la mémoire et d'un avenir commun.
Il y a deux jours, avec le concours de près de sept mille artistes chinois et français, Paris célébrait avec éclat, selon la tradition chinoise, l'avènement du printemps. Pour l'occasion, la tour Eiffel s'est vêtue de rouge, ce rouge qui, dans toute l'Asie, symbolise chance, bonheur et prospérité. C'était pour vous souhaiter au nom des Français, Monsieur le Président, Madame, la plus chaleureuse des bienvenues, celle que l'on réserve à ses amis.
Ici même, il y a quarante ans, s'appuyant sur le ''poids de l'évidence et de la raison'', le Général de GAULLE inscrivait nos relations dans le temps long de l'Histoire. Il esquissait l'espoir d'un autre monde. Un monde capable de dépasser l'affrontement des blocs.
En renouant officiellement, dès 1964, nos deux nations, par delà les clivages et les divisions de l'époque, exprimaient la conviction, ô combien moderne, que l'humanité progresse par la compréhension mutuelle et le dialogue tissé entre les civilisations et entre les peuples. C'est ce monde ouvert et respectueux de l'autre que nous voulons continuer à construire avec vous.
C'est également dans ce refus de la fatalité de la division et de l'affrontement que la France puise son attachement à l'existence d'une seule Chine. Les Français souhaitent à leurs amis Chinois, où qu'ils résident de part et d'autre du détroit, paix, bonheur et prospérité. Le peuple chinois a en héritage indivisible une culture et une histoire exceptionnelles. Rompre le statu quo par une initiative unilatérale déstabilisatrice, quelle qu'elle soit, y compris un référendum, serait privilégier la division sur l'union. Ce serait une grave erreur. Ce serait prendre une lourde responsabilité pour la stabilité de la région.
Monsieur le Président,
Vous savez l'admiration personnelle que je nourris pour la Chine, terre des civilisations les plus anciennes et les plus riches. J'aime la Chine. Je sais, je mesure son apport singulier et exceptionnel à l'humanité, à la réflexion philosophique, à la spiritualité, à la littérature et à l'excellence des arts, à l'histoire.
L'extraordinaire succès de l'Année de la Chine en France, occasion unique de découvrir les trésors culturels de votre pays, mais aussi les atouts et les séductions de la Chine contemporaine, confirme l'attrait et la fascination que votre pays exerce sur les Français depuis l'époque où le ruban chatoyant de la route de la soie a pris place dans leur imaginaire.
Aujourd'hui, la France rend hommage au génie chinois, à son histoire brillante et à ses succès présents. Dans quelques mois s'ouvrira l'Année de la France en Chine. Je souhaite qu'elle soit l'occasion d'une semblable rencontre entre nos civilisations, et qu'elle permette à la Chine d'apprécier tout ce que peut offrir, dans tous les domaines, la France d'aujourd'hui. Je sais que nos entreprises vont se mobiliser pour que l'Année de la France en Chine égale l'immense succès de l'Année de la Chine en France.
Monsieur le Président,
Nos pays ont su, chacun avec son génie propre, relever les défis de la modernité et de la mondialisation. La France a fait le choix résolu de la construction européenne. La Chine a fait, pour sa part, sous l'impulsion de DENG Xiaoping, le choix stratégique de la réforme et de l'ouverture.
La croissance économique impressionnante de votre pays force aujourd'hui l'admiration de tous. Elle l'invite, dans le même temps, à parachever sa mutation économique et sociale en progressant résolument dans la voie de la démocratie et des libertés. Le respect des droits de l'homme est une condition nécessaire du développement des sociétés et des économies modernes. Je sais que c'est l'une de vos priorités.
La Chine et la France partagent également la conviction qu'il nous faut établir, à l'aube de ce nouveau siècle, des rapports harmonieux et pacifiques entre les grands pôles du monde. Construire un monde plus sûr, plus respectueux de sa diversité et plus solidaire ! Voilà l'un des objectifs essentiels de la déclaration que nous adopterons demain, dans le prolongement de celle que nous avions signée en mai 1997 avec le Président JIANG Zemin.
Membres permanents du Conseil de Sécurité, nos deux pays ont, pour l'essentiel, sur les conflits régionaux, sur les crises de prolifération, dans la lutte contre le terrorisme international, des positions très proches. Toujours et partout, nous refusons la fatalité de l'affrontement. La France salue à cet égard l'engagement résolu de la Chine en faveur d' un règlement pacifique de la question de la Corée du Nord.
Notre partenariat doit désormais s'exprimer aussi face aux défis globaux. Ensemble, la Chine et la France peuvent faire entendre la voix de la raison dans les enceintes où s'organise et se construit le monde. Je forme le v?u que la Chine prenne toute sa part dans le dialogue nécessaire entre pays industrialisés. C'était l'esprit du dialogue élargi d'Evian où votre contribution personnelle a été si importante. Il importe en effet que les grandes voix du monde soient entendues et prises en compte.
Monsieur le Président,
Vous avez pour ambition légitime de mener à son terme le chantier de la modernisation économique, politique et sociale de votre pays. Vous avez mission de conduire vers son destin près du quart de l'humanité. Quel formidable dessein ! Quelle tâche immense et quelle responsabilité !
La déclaration que nous allons adopter est le signe d'une volonté partagée de donner un nouvel élan à nos relations bilatérales, de donner corps, à l'image de notre dialogue politique, à une relation exceptionnelle dans les domaines économique, industriel et scientifique.
La présence ici, ce soir, de très nombreux chefs d'entreprises, la signature de plusieurs accords importants, témoignent de l'intérêt que les entreprises françaises les plus performantes portent à votre pays. Elles ont la volonté d'établir avec lui un véritable partenariat industriel, fondé sur un partage des technologies, dans les secteurs stratégiques tels que l'énergie, en particulier l'énergie nucléaire, l'aéronautique ou les transports terrestres.
Nos deux pays cultivent, par tradition, le goût du savoir et de la science. Cette philosophie commune doit nous conduire à multiplier ensemble partenariats et projets. L'accord très important qui va être signé entre le CEA et le ministère chinois de la science et de la technologie illustre la volonté qui nous anime.
Nous devons être plus ambitieux encore. Je pense bien sûr aux sciences du vivant et à la prévention et à la lutte contre les maladies émergentes, domaine où nous devons coopérer davantage comme nos équipes l'ont fait au printemps de l'an dernier pour contenir et combattre les premiers foyers de SRAS. Je pense encore au domaine spatial, où nous avons suivi et admiré les succès éclatants du premier vol habité chinois. Notre coopération peut aussi s'exercer en matière de prévention des risques naturels et de surveillance de l'environnement, enjeu majeur de notre temps. Plus généralement, le développement des technologies de l'environnement au service de l'homme est aussi un défi commun.
Mais nos liens sont aussi renforcés par les hommes et les femmes dont l'histoire personnelle rapproche nos deux peuples. Je pense à ces Français dont les familles sont venues de Chine et qui apportent à la France leur talent, leur dynamisme et leur créativité. Certains d'entre eux nous font l'amitié de leur présence. Qu'ils en soient remerciés.
Je pense également aux jeunes. Ils sont encore trop peu nombreux à aller étudier dans le pays de l'autre. La France souhaite accueillir davantage d'étudiants chinois, notamment au sein de ses universités et de ses grandes écoles, car rien ne remplace la vie en commun, les apprentissages en commun, pour se comprendre et pour s'apprécier.
Dans le même esprit, les Français doivent toujours mieux connaître la Chine et sa civilisation. Et quel meilleur moyen pour s'ouvrir à une culture, pour s'en imprégner, que l'apprentissage de la langue ? C'est pourquoi je souhaite que les jeunes français, soient de plus en plus nombreux à apprendre le chinois, ce qui est sans aucun doute un très bon choix pour l'avenir.
Monsieur le Président,
En se renforçant, notre partenariat bilatéral contribue également au rapprochement entre la Chine et l'Union européenne. D'ores et déjà, des projets communs, tels que le système Galileo, ou internationaux, comme le projet ITER de réacteur de fusion thermonucléaire pour lequel la Chine a choisi de s'engager aux côtés de l'Europe, ce dont je la remercie chaleureusement, marquent la vitalité et l'extraordinaire potentiel des relations sino-européennes.
L'engagement actif de nos deux pays dans la préparation du cinquième Sommet de l'ASEM contribuera à une meilleure compréhension entre l'Asie et l'Europe. Il permettra de donner un nouvel élan à ce dialogue entre les cultures, sans lequel il n'est pas de progrès humain.
Monsieur le Président, l'année du singe nous annonce, dit-on, une année harmonieuse de bonheur, de santé et de longévité. Voici précisément les voeux que, par ma voix, la France forme à votre intention et à celle du peuple chinois.
Permettez-moi, avec mon épouse, de lever mon verre en votre honneur, Monsieur le Président, en celui de Madame LIU Yongqing, en l'honneur des hautes personnalités chinoises et françaises qui nous entourent ce soir et en celui du grand peuple chinois qui tient dans ses mains tant de clés de l'avenir du monde.
Vive la France !
Vive la Chine !
Vive l'amitié sino-française !
2004/01/30
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