Dans le cadre de l'Année de la Chine en France, le grand journal français « Le Figaro » a publié mardi 14 octobre un reportage à la plume de Marie-Douce Albert sur Une exposition exceptionnelle d'archéologie dans la province du Sichuan, qui ouvre ses portes à l'Hôtel de ville de Paris après le vernissage par le maire Bertrand Delanoë et l 'ambassadeur chinois Zhao Jinjun.
En voici de larges extraits :
C'est un étrange labyrinthe où l'on croise des créatures énigmatiques. Quiconque s'aventurera à partir d'aujourd'hui dans la salle Saint-Jean de l'hôtel de ville de Paris se retrouvera plongé dans un monde peuplé d'animaux aux pupilles protubérantes et à la trompe alambiquée, d'hommes au sourire impénétrable et aux grands yeux cernés, d'oiseaux fantastiques et de dragons. Surtout, il pénétrera dans l'antre de l'homme de Sanxingdui. Le personnage, hiératique et mystérieux, est le héros de «Chine, l'énigme de l'homme de bronze». Cette exposition d'archéologie qui se tient jusqu'au 31 janvier est exceptionnelle. Et, qui plus est, son entrée est gratuite.
Dans le cadre de l'Année de la Chine en France, la Ville de Paris a, en effet, décidé d'ouvrir un troisième chapitre de l'histoire ancienne de l'empire du Milieu après avoir raconté les «Rites et festins de la Chine antique» en 1998, puis «La Gloire des empereurs» en 2000. Cette fois, l'exposition raconte l'antiquité du Sichuan. Cette région de l'ouest du pays, une contrée vaste comme la France posée entre les rives du Fleuve Bleu et les contreforts du plateau tibétain, eut de très riches heures au IIe millénaire avant Jésus-Christ. Alors que ce que l'on considère comme la civilisation chinoise traditionnelle s'épanouissait aux bords du fleuve Jaune, le Sichuan développait sa propre culture, aussi féconde qu'originale, comme l'ont prouvé dans les années 80 les fouilles menées sur le site de Sanxingdui, «Les Trois Etoiles».
Le passé de ce village situé à environ quarante kilomètres de Chengdu, la capitale provinciale, était connu depuis 1929. Mais il fallut qu'un jour de juillet 1986 des briquetiers creusent le sol et déterrent quelques jades pour que les archéologues appelés en renfort fassent une découverte fabuleuse. Sur les terres d'une cité antique, ils mirent au jour une fosse, puis une deuxième, datant d'à peu près 1200 av. J.-C. et remplies de centaines d'objets de bronze, de jade, de céramique et d'or mêlés à des dizaines de défenses d'éléphant ainsi qu'à des cauris par milliers. Curieusement, tous ces trésors en morceaux portaient des traces de brûlure et étaient enfouis dans des mètres cubes d'os d'animaux calcinés.
Jamais on n'avait fait pareille découverte et, sans aucune source écrite, les spécialistes n'ont pu que se perdre en hypothèses. Que faisaient là ces objets, dans ces vastes trous qui n'étaient pas des tombes puisqu'on n'y découvrit pas d'ossements, mais ne devaient pas être retrouvés puisque rien ne permettait de distinguer leur emplacement ? Et que pouvaient bien représenter toutes ces merveilles, et en particulier le grand homme de bronze que l'on avait découvert là ?
Dressé sur son triple socle, l'homme impavide atteint 2,60 mètres. Il va pieds nus mais arbore de somptueux vêtements brodés et une coiffe à plumes. Et il lève ses mains vides, désormais dépossédées de l'objet qu'elles tenaient, peut-être des défenses d'éléphant. «On peut supposer qu'il s'agit d'un souverain, peut-être aussi d'un chef religieux», remarque Alain Thote, directeur d'études à l'Ecole pratique des hautes études et commissaire scientifique de l'exposition, mais il invite son interlocuteur à ne pas employer le terme de chaman : «A mon sens, cela ne convient pas. On utilise ce mot à toutes les sauces...» Surtout, cet homme à l'allure étrange, de quelque 1 000 ans plus vieux que les célèbres soldats de l'armée de cuite de l'empereur Qin Shihuangdi, est «la première représentation humaine de l'Antiquité chinoise à cette échelle», poursuit Alain Thote.
Ce grand ancêtre, à Paris, est richement entouré. L'exposition présente pour la première fois en France une centaine de pièces intrigantes et surtout «toutes originales», souligne Gilles Béguin, commissaire technique de la manifestation et directeur du Musée Cernuschi, établissement municipal dédié aux arts d'Asie actuellement en travaux. Des têtes d'hommes en bronze, portant parfois des masques d'or, de formidables vases, des lames de jade, qui ont été également extirpés des fosses de Sanxingdui, précèdent des objets découverts à l'occasion de la fouille d'autres sites de la région et qui portent encore la marque de la civilisation de Sanxingdui.
Visiter l'Exposition «Chine, l'énigme de l'homme de bronze - Archéologie du Sichuan (XIIe-IIIe siècle av. J.-C.)», jusqu'au 31 janvier, à l'Hôtel de ville de Paris, salle Saint-Jean (IVe). Entrée libre. Catalogue : 45 û. Tél. : 08.2000.75.75. (Le Figaro)
peopledaily
2003/10/16
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