RICHARD MULLINS
La richesse des parents et les influences occidentales comptent parmi les facteurs donnant naissance à un groupe de jeunes Chinois à la recherche du plaisir
De manière stéréotypée, on peut dire qu'un jeune Chinois étudie de longues heures, qu'il obéit à ses parents et qu'il est la droiture personnifiée. On associe plus facilement à l'Occident des enfants qui jouent au billard, fument à la chaîne et écoutent du rap. Mais dans la Chine d'aujourd'hui, des parents plus riches, et par conséquent des « petits empereurs plus riches », constituent l'une des raisons pour lesquelles certains enfants du pays cultivent des habitudes qui sont moins en harmonie avec les principes.
La famille « un enfant, six adultes » est devenue courante en Chine. Vingt-six ans après la mise en application de la politique « un enfant par famille », la plupart des étudiants à l'université et pratiquement tous ceux qui sont plus jeunes sont des enfants uniques. Pour la majorité d'entre eux, cela signifie une pression supplémentaire pour réussir, mais pour une grande proportion d'enfants uniques, cela se traduit par une enfance passée dans le luxe. Prenons l'exemple du jeune Guo Dong (un nom fictif), un lycéen de Beijing. « Mes parents me permettent de consacrer plus de temps à des loisirs, dit-il, mais je ne m'en accorde pas trop; de toute façon, mes professeurs, eux, ne l'accepteraient pas. Toutefois, je sais que mes camarades subissent une pression beaucoup plus forte que moi. Et dans la mesure où mes résultats scolaires sont satisfaisants, mes parents sont heureux de financer mon choix de style de vie. »
La relative aisance financière du père et, par conséquent, son influence dans certains milieux, expliquent l'attitude relativement accommodante des parents de Guo Dong par rapport aux rendements scolaires de ce dernier. « En fait, mon meilleur ami est le doyen d'une université, dit le père de Guo Dong. Quand il sera temps que mon fils entre à l'université, je sais que je pourrai compter sur son aide pour lui assurer une place. » Le recours aux guanxi (relations interpersonnelles) n'est pas un phénomène rare dans les universités chinoises, en particulier dans les écoles d'art qui ne se basent pas seulement sur le gaokao (examen national d'entrée à l'université) lorsqu'elles assignent des places.
Certains blâment plus ou moins directement les influences occidentales. Être décontracté n'a jamais été aussi important que pour la génération actuelle de jeunes Chinois, et ce concept se manifeste sous des formes innombrables. « Depuis quelques années, que ce soit en portant les derniers t-shirts de l'équipe de basket-ball des "Rockets" ou en se maquillant pour "avoir l'air d'une adulte", en Chine, les adolescents et adolescentes se comportent davantage comme les jeunes occidentaux », déclare M. Xiao Jing, qui a travaillé aux États-Unis pendant deux ans et qui est le père d'un adolescent.
La pression des camarades se fait également sentir dans les salles de classe chinoises, en particulier dans les écoles des grandes villes, plus prospères. Mme Zhao (nom fictif), une enseignante, révèle son expérience dans cet environnement moderne d'étude, en disant : « Dans le passé, tous les enfants chinois se comportaient de la même manière. Mais de nos jours, personne ne peut nier que la salle de classe se divise en des groupes moins homogènes. Certains adoptent des comportements positifs et sont courtois et studieux. Toutefois, il y a une nette augmentation du nombre de groupes qui sont plus perturbateurs, et le nombre de ces groupes tend à s'accroître plutôt qu'à diminuer. » Mme Zhao s'inquiète du fait que ces jeunes exercent une influence négative sur leurs pairs. En effet, dans l'esprit des adolescents, l'existence de ces jeunes semble plus passionnante, donc plus attrayante.
Qu'est-ce qui attire les adolescents?
Parmi les bouis-bouis que fréquentent les adolescents chinois et où ils aiment passer leur temps et dépenser leur argent, il y a les salles de billard et les cafés Internet. Ces derniers se trouvent presque partout et sont rarement vides. Les jeunes s'entassent dans les cafés bondés, où ils passent leur temps à faire exploser la cervelle des bandits. « Pour moi, c'est un genre de détente, avoue le jeune Wang Wen. Après une journée à l'école, j'aime passer un certain temps à m'adonner aux jeux vidéo dans le café Internet du quartier. Nous n'avons pas d'ordinateur à la maison, et ce qui m' y attend, c'est encore d'étudier. »
Mais il faut savoir que ces cafés ont aidé à produire beaucoup d'accros à Internet et à engendrer une pléthore d'autres problèmes. À ce sujet, le Dr Tao Ran, directeur de la première clinique de Beijing à traiter les accros à Internet, révèle : « Tous les jeunes qui sont ici ont laissé l'école parce qu'ils passent des journées entières aux jeux vidéo ou dans les salles de clavardage. Ces jeunes souffrent de dépression, de nervosité, de peur, de panique et d'agitation, et ils sont réticents à entretenir des relations avec d'autres. Ils souffrent également de désordres du sommeil, de tremblements et d'engourdissement des mains. »
Que les jeunes deviennent intoxiqués à des substances bien plus mortelles est une autre cause principale de préoccupations. La Chine abrite la plus grosse population de fumeurs dans le monde (plus de 350 millions au dernier recensement), il n'est donc pas surprenant de voir des millions de jeunes suivre les traces de leur père et se rendre chez le buraliste local. « J'ai grandi parmi des fumeurs, dit Xiao Zhang, un étudiant de 17 ans de Beijing, je n'ai donc jamais pensé que c'était une mauvaise chose. De toute façon, si le fait de fumer commence à affecter ma santé, j'arrêterai. » Mais n'est-ce pas ce que disaient au début tous les gens maintenant devenus accros à la cigarette?
Autrefois, le tabagisme était la chasse gardée des hommes. De nos jours, il n'est pas rare de voir des jeunes femmes, en particulier des adolescentes, allumer une cigarette à l'extérieur d'un café Internet. Mlle Su Peng, 18 ans, indique : « J'ai commencé à fumer – et mes deux meilleures amies aussi – après avoir vu le film Pulp Fiction. La vedette (Uma Thurman) avait l'air si décontractée avec sa cigarette que nous avons pensé faire de même. » Ces filles avaient 16 ans quand elles ont vu ce film; l'habitude est donc devenue plus ancrée que ce qu'elles auraient peut-être souhaité au départ.
Dans les centres commerciaux et les salles de billard de Beijing, il n'est pas rare non plus de voir des jeunes ingurgiter une bière après l'autre. Étant donné qu'une bouteille de 640 ml de bière locale coûte environ deux yuans et qu'elle est en vente libre dans les magasins, c'est probablement l'une des conduites déviantes qu'un adolescent peut facilement s'offrir à bon marché en Chine. Mais, contrairement à leurs homologues occidentaux, les adolescents chinois boivent très rarement à l'excès; en Chine, il n'y a aucune limite d'âge pour la consommation d'alcool.
Mme Wang Shuo (un nom fictif), 38 ans, est la mère inquiète d'une adolescente de 14 ans, extrovertie et aux mœurs potentiellement légères. Elle avoue : « Quand j'étais à l'école, il n'y avait absolument aucun contact intime entre les étudiants. Mais récemment, j'ai encore vu, en public, des jeunes d'environ 16 ans qui étaient enlacés et s'embrassaient. S'ils ont le courage de se caresser en public, on peut seulement imaginer ce qu'ils osent faire en privé. » Mais il y a au moins un point encourageant : les autorités ont ouvert des sites Web et elles ont intensifié leurs efforts pour éduquer les jeunes sur les relations sexuelles et leurs conséquences. C'est un progrès opportun, étant donné qu'en Chine, par tradition, l'éducation sexuelle était du devoir des parents. Souvent, ces derniers laissaient le soin aux enfants de s'imaginer ce qui se passait, et bien souvent, l'éducation sexuelle se faisait seulement après le mariage.
Les parents chinois d'aujourd'hui s'inquiètent des problèmes de leurs enfants, mais ils commencent à adopter des tactiques modernes pour y faire face. Comme Mme Wang le mentionne : « Les enfants chinois ont davantage tendance à faire comme leurs amis, au lieu de faire ce que leurs parents leur disent. Ainsi, une bonne manière d'éradiquer les problèmes à leur source est d'interdire aux enfants de passer du temps avec des éléments indisciplinés et de les encourager à devenir amis avec des camarades plus intelligents et plus motivés. » Cependant, la majorité des jeunes Chinois correspondent encore au stéréotype que nous avons mentionné au début. Étant donné que la concurrence est très intense au pays pour se tailler une place à l'université – et, bien sûr, pour se trouver un emploi –, relativement peu de jeunes peuvent vivre en hédonistes ou sont autorisés à le faire. D'ailleurs, l'accent que met la culture chinoise traditionnelle sur l'obéissance à ceux qui « savent mieux » permet à bien des gens de ne pas être importunés par le changement et impose une pression accrue aux jeunes
Chine au présent
2006/11/09 |