Se dressant sur la rive nord de la baie de Hangzhou, à 45 km de la ville du même nom et à 100 km de Shanghai, la petite ville de Haining accueille chaque année quelque 200 000 visiteurs, attirés par les spectaculaires mascarets, qui remontent en vagues déferlantes l'estuaire du fleuve Qiantang.
L'observation du mascaret
Dans l'histoire, l'observation du mascaret, commencée dès l'époque des Han (206 av. J.-C. – 220 apr. J.-C.), est devenue très populaire sous la dynastie des Song (960-1279). Les Song du Sud (1127-1279) ont fait du troisième jour après la fête de la Mi-Automne (le 15e jour du 8e mois lunaire) la date de la fête du Mascaret, pendant laquelle le flux de la marée est à son summum.
La place idéale pour observer le mascaret se trouve dans le parc Yanguan, au sud-ouest de Haining. Le mascaret, qui dure moins d'un quart d'heure, survient en général entre 11 h et 14 h. Le moment venu, apparaît au loin une bande écumeuse qui se transforme rapidement en vagues rugissantes élevant leur crête jusqu'à 3,5 m, et créant une dénivellation de 8,9 m d'amplitude. Un grondement de tonnerre se fait entendre lorsque les vagues se brisent contre les rives. Bien que les autorités locales aient pris mille précautions pour assurer la sécurité des spectateurs, il n'empêche que des flots surélevés balayent quelque fois un ou deux imprudents.
Des passionnés de mascaret se livrent souvent à leur « poursuite » en conduisant de la grande brèche de Haining, à l'est, jusqu'au bourg de Yanchang, à l'ouest, où se produit le reflux.
Ding Zuguang est un « chasseur » de mascarets. Né dans une famille de riverains du Qiantang, il y a 61 ans, il n'a cessé de prendre des photos de mascarets depuis 27 ans. « Vu de loin, a-t-il raconté, cela ressemble à une montagne qui cache le ciel et la terre .» Il a observé le plus grand mascaret de sa vie dans les années 1970. « C'est un spectacle des plus fascinants ! » à l'en croire.
Le mascaret est susceptible de causer des dommages à la population locale en provoquant des inondations. Sous le règne de Qianlong (1736-1796) des Qing fut entreprise la construction d'une digue « écailleuse » avec des dalles de pierre imbriquées. Celle de Yanguan à Haining, conservée aujourd'hui dans le cadre du patrimoine culturel, sert toujours à la protection de la ville. À partir de 1998, elle a été renforcée en vue de prévenir le plus grand des mascarets, jamais vu depuis une centaine d'années.
Aller à Haining pour assister au mascaret du fleuve Qiantang est devenu un itinéraire touristique intéressant. « Certes, ce phénomène se rencontre dans beaucoup de grands fleuves du monde, tels l'Amazone en Amérique du Sud et le Colorado en Amérique du Nord, mais nul n'est comparable à celui du Qiantang pour la hauteur, la vitesse et la variation des vagues », a affirmé M. Zhou Lingqiang, vice-directeur de l'Institut du tourisme relevant de l'université du Zhejiang.
Le théâtre d'ombres de Haining
Haining est encore connu pour son théâtre d'ombres (piying), riche d'une histoire millénaire qui lui vaut d'être appelé « le fossile vivant du spectacle ». Plus d'une légende est citée à propos de l'origine de ce genre de théâtre. L'on raconte que, selon le Han Shu (Histoire des Han), l'empereur Wudi était plein d'amour pour sa concubine, Dame Li, une jolie et excellente danseuse. Par malheur, une mort subite la lui ravit un beau jour et le plongea dans une tristesse sans fin. Pour le consoler, on lui proposa de faire rappeler l'âme de la défunte. Il acquiesça. Sur ce, on tendit devant lui un rideau derrière lequel s'allumèrent des bougies qui firent apparaître une silhouette féminine bien familière, celle de sa favorite ...
Sous la dynastie des Tang, le théâtre d'ombres figurait parmi les « cent théâtres nationaux ». Il se jouait partout, bien accueilli dans les restaurants populaires comme dans les résidences de la haute société. Il se donnait même à la Cour lors des cérémonies impériales. L'époque des Song le vit enfin au faîte de sa popularité.
Peu après, pour fuir la guerre dans le Nord, la plupart des artistes du théâtre d'ombres durent émigrer vers le Sud, surtout vers Shanghai et les provinces voisines du Jiangsu et du Zhejiang. Dès lors, ce genre de spectacle d'origine nordique s'est constitué un style particulier sous l'influence de la culture du Sud et est devenu bientôt le plus représentatif au sud du Yangtsé. Comme les techniques de fabrication des accessoires et de représentation, ainsi que les airs de chants d'accompagnement étaient transmis oralement de génération en génération, et que l'accent des Song du Sud et le style local se conservaient intacts, le théâtre de Haining put garder son originalité tout en combinant les deux grands airs méridionaux, ceux de Haining et de Geyang. La confection des personnages en parchemin employait non plus des crochets en fil de fer, ou des fils et des aiguilles, mais des tuyaux de plumes d'oiseaux pour faciliter les mouvements. Enfin, l'érection d'une scène surmontée d'une chaîne de lanternes de palais et flanquée en bas d'un couple de lions acheva de garantir une haute fidélité au style traditionnel des Song du Sud.
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Vers la fin des Qing, le théâtre d'ombres de Haining était déjà très répandu dans les provinces du Jiangsu et du Zhejiang, ainsi qu'à Shanghai, comptant jusqu'à une cinquantaine de troupes et près de 600 artistes.
Ayant survécu au vandalisme de la Révolution culturelle, il s'est remis sur pied dans les années 1990. À l'appel du vétéran Wang Qiansong, huit vieux artistes se sont rassemblés pour reprendre en main l'enseigne de la « Troupe des Lang ».
La Troupe des Lang doit son nom au célèbre artiste Lang Achun qui l'a fondée en 1875. Dans sa période la plus florissante, elle comprenait plusieurs équipes, animées par des dizaines d'artistes. Des lanternes « Lang » illuminaient alors bourgs et villes au sud du Yangtsé.
Lang Zili, descendant de la quatrième génération des Lang, s'est initié dès son enfance au théâtre d'ombres auprès de son grand-père et de son père. À l'âge de 13 ans, il monta sur scène et, quatre ans après, dirigeait la Troupe des Lang avec la permission de son grand-père. Sa réputation gagna rapidement Hangzhou et Shanghai. Dans les années 1950, lui et son équipe sont venus deux fois à Beijing, où ils ont été reçus par le vice-premier ministre Chen Yi et d'autres dirigeants.
Dans le temps, Wang Qiansong s'est fait connaître à Haining par sa technique de papiers découpés. Pendant la Révolution culturelle, il a réussi, au risque de sa vie, à préserver des accessoires de théâtre d'ombres en les cachant dans les fentes d'un mur. Maintenant, il les a ressortis pour les remettre en état et les compléter au besoin par ses propres moyens. Au fil des années, il a dessiné et confectionné plus d'un millier de personnages et accessoires, assez pour jouer plus de 300 pièces du répertoire traditionnel. Il a été invité à Hangzhou, Shanghai, Beijing, et même à l' étranger pour exhiber son art.
Des huit restaurateurs de la Troupe des Lang, il ne reste aujourd'hui que quelques-uns, tous presque octogénaires. Le vétéran Lang Zili a été emporté par un accident de voiture. Quant à Wang Qiansong, qui souffre de plus d'une maladie, poursuit inlassablement ses démarches pour sauver et transmettre son art.
L'économie de Haining
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À Haining, ville qui partage la prospérité de la province du Zhejiang, les entreprises privées connaissent un essor fulgurant. Le plus grand marché d'articles de cuir de Chine s'installe dans un immeuble de trois étages, sur une surface de 160 000 m², où plus de 1 300 boutiques bondées de valises, sacs, jaquettes et d'autres articles en cuir ont réalisé en 2004 un chiffre d'affaires de 6,8 milliards de yuans. À Xucun, le Marché chinois de textiles décoratifs d'usage domestique et le Marché chinois de produits d'industries légères et textiles offrent des tissus décoratifs, des tissus de canapé, des rideaux de fenêtre et du matériel de couchage. Leurs articles occupent une part de marché de 35 %, pourcentage record en Chine, et leur chiffre d'affaires s'est monté à 4,02 milliards de yuans en 2004. « Le travail de nos produits en cuir est aussi raffiné que n'importe lequel des grandes marques, comme l'ont remarqué beaucoup de touristes étrangers », nous a confié un fonctionnaire local.
La Chine au présent
2006/11/02 |