Comment des jeunes kényans formés par la Chine dirigent indépendamment un service ferroviaire moderne

Ayant grandi dans un hameau rural du sud-est du Kenya où serpente un chemin de fer à écartement de voie métrique vieux de plus d'un siècle, John Pius s'émerveillait quand il voyait des locomotives se lancer dans une montée abrupte vers des destinations lointaines. En février, il a rejoint les rangs des premiers conducteurs de locomotives kényans indépendants et il assure désormais la navette du train de voyageurs à écartement de voie standard (Standard Gauge Railway, SGR) qui circule le long de la ligne Nairobi-Suswa de 120 km, ouverte le 16 octobre 2019.

John Pius, diplômé en génie mécanique âgé de 32 ans, a commencé une formation accélérée de conducteur de locomotive d’une durée d’un an en 2016, avant le lancement du chemin de fer SGR Mombasa-Nairobi, long de 480 km et construit par Chine. Il a été placé sous la tutelle d'un expert chinois, qui lui a appris les bases de la conduite d'un train de voyageurs moderne, dans le cadre des efforts visant à promouvoir le transfert de compétences techniques entre la Chine et le Kenya.

Lors d'un récent entretien avec l’agence de presse Xinhua, il a déclaré que grâce à la formation rigoureuse de l'expert chinois, il se sent aujourd’hui suffisamment compétent pour conduire les locomotives SGR, saluées pour avoir révolutionné les voyages et le commerce au Kenya. « Ayant été avec des formateurs chinois depuis 2016, j'ai appris des techniques utiles comme conduire la locomotive, gérer les pannes et comment communiquer avec les gens », a expliqué John Pius.

Selon John Pius, deux trains de passagers et un train de fret circulent quotidiennement le long de la ligne Nairobi-Suswa, tous conduits par des conducteurs locaux qui ont bénéficié d'une formation assurée par des techniciens chinois. « Je suis heureux d'être parmi les premiers conducteurs de locomotive indépendants. Même ma famille est heureuse. Ils sont ravis que la direction du SGR m'ait donné cette chance », a-t-il dit.

Jusqu'à présent, a-t-il indiqué, il y a 10 conducteurs indépendants qui travaillent sur la ligne SGR Nairobi-Suswa, répartis de manière égale entre les services de trains de voyageurs et de marchandises. John Pius a également révélé que 4 autres conducteurs indépendants locaux sont chargés de l’acheminement des marchandises vers le dépôt intérieur de conteneurs situé près de la station balnéaire de Naivasha, à environ 100 km au nord-ouest de Nairobi, la capitale kényane.

Pour John Pius, c’est un grand honneur d'avoir la chance de conduire un train moderne, soulignant que c’était sa formation et le tutorat de l'expert chinois qui lui ont ouvert la voie à la réalisation de ce qu’il considère comme un véritable tour de force. « C'est une chance en or », a-t-il déclaré, ajoutant qu'il avait appris les aspects théoriques et pratiques de la conduite d'une locomotive moderne.

Hellen Mugogwa, une enseignante de maternelle qui accompagnait de jeunes enfants lors d'un voyage de vacances à Suswa, était pour sa part d'humeur joviale alors que John Pius dirigeait la locomotive le long de cette desserte pittoresque, ajoutant qu'elle avait confiance en la compétence des chauffeurs locaux.

Brian Kemboi, conducteur de locomotive assistant sur la ligne SGR Nairobi-Suswa, estime quant à lui que la formation qu'il a suivie depuis 2018 sous la direction d'un instructeur chinois l'a préparé de manière adéquate à la tâche exigeante qui l'attend. Diplômé en génie électrique de 28 ans, il a avoué que son rêve de faire la navette un jour avec des locomotives est né en lui à son plus jeune âge, après les avoir vues traverser son village natal du nord-ouest du Kenya.

Il a commencé une formation pour devenir conducteur de locomotive en 2018, grâce à un partenariat entre la société China Road and Bridge Corporation et son ancien établissement scolaire, l’Institut technique de la Vallée du Rift. « La formation est assez intensive. Elle implique de la théorie et comment résoudre un problème technique, et la sécurité est également un élément essentiel », a indiqué Brian Kemboi, qui occupe depuis février le poste de conducteur assistant indépendant pour le train de passagers Nairobi-Suswa.

Il a ajouté que l'expérience dans la cabine de la locomotive avait été passionnante, et qu'il avait hâte de maîtriser toutes les techniques de conduite le long de la ligne touristique Nairobi-Suswa, soulignant que même les passagers qui voyagent le long de cette ligne ont exprimé leur confiance dans la capacité des jeunes conducteurs de locomotive indépendants.

Kevin Saruni, un homme d'affaires de 27 ans et passager régulier du service ferroviaire Nairobi-Suswa, estime de son côté que les conducteurs locaux se sont révélés suffisamment compétents pour diriger la locomotive, avec zéro accident et des trajets assurés en douceur. « Depuis que les conducteurs locaux ont pris en charge le train de voyageurs Nairobi-Suswa, je dois honnêtement reconnaître qu'ils ont répondu à mes attentes. Les trajets sont fluides et confortables », a-t-il noté.

En moyenne, les conducteurs de locomotive indépendants ont suivi une formation intensive obligatoire de six mois, suivie d'une surveillance étroite par des techniciens chinois pendant des années dans la cabine avant qu'ils ne soient finalement autorisés à assurer la conduite par eux-mêmes sur le service ferroviaire moderne en février.

Selon John Mungai, diplômé en génie mécanique âgé de 31 ans, la ligne de fret Nairobi-Suswa qui fonctionne depuis février est la réalisation d'un vieux rêve, et il a noté que la formation donnée par l'instructeur chinois était bonne, notamment grâce à sa formation d'ingénieur, ajoutant qu'il n'a rencontré aucun accident lors de la conduite de la locomotive de fret. « Au moins, la formation m'a permis de gérer facilement l'énorme responsabilité. Jusqu'à présent, j'ai pu livrer des conteneurs au dépôt de conteneurs intérieurs de Naivasha sans accroc majeur », a-t-il indiqué, indiquant que grâce à la formation qu’il a suivi, il est désormais capable de gérer les problèmes de sécurité en toute quiétude et que la localisation des opérations SGR a également profité aux jeunes locaux en termes d'emplois et d'acquisition de compétences.