Pourquoi Emmanuel Macron a nommé Elisabeth Borne première ministre

L'Élysée a annoncé le 16 mai la nomination par Emmanuel Macron d'Elisabeth Borne, jusqu'ici ministre du Travail et des Affaires sociales, au poste de première ministre. Plus tôt dans la journée, le premier ministre Jean Castex avait présenté sa démission au président. Avec Elisabeth Borne, la France a ainsi pour la deuxième fois de son histoire une femme à la tête du gouvernement.

Les observateurs ont souligné qu'à moins d'un mois des élections législatives qui verront les électeurs choisir les députés de l'Assemblée nationale, Emmanuel Macron doit faire face au risque d'être confronté à une forte résistance dans la mise en œuvre de ses politiques si les candidats centristes qui le soutiennent ne remportent pas la majorité des sièges. En choisissant Elisabeth Borne comme première ministre, il signale à l'électorat sa volonté d'équilibrer les forces politiques et de répondre au défi que constitue pour lui la gauche aux élections législatives.

Pourquoi Elisabeth Borne ?

Depuis son élection à un second mandat présidentiel en avril, Emmanuel Macron se prépare aux élections législatives de juin en remaniant son gouvernement pour tenter de s'assurer le soutien des électeurs. Les élections législatives, qui décident de la composition de l'Assemblée nationale, sont considérées comme un troisième tour après les élections présidentielles, car leurs résultats auront un impact important sur la gouvernance à venir.

Les médias français ont analysé les raisons pour lesquelles M. Macron a choisi Elisabeth Borne comme première ministre et responsable de la formation du gouvernement, en affirmant qu'elle présente de nombreux points forts à ses yeux.

Tout d'abord, en choisissant une femme à ce poste, Macron signale sa volonté de participer aux efforts en faveur de l'égalité hommes-femmes pendant son nouveau mandat. Elisabeth Borne est la seconde femme première ministre du pays après Edith Cresson. Les derniers sondages ont indiqué que 74 % des Français souhaitaient voir une femme nommée première ministre.

Deuxièmement, Elisabeth Borne se définit comme une femme de gauche et a travaillé avec un certain nombre de grandes personnalités politiques du Parti socialiste. Emmanuel Macron compte sur elle pour l'aider à obtenir plus de voix des électeurs de gauche aux législatives.

Les analystes estiment que la gauche constitue en effet un défi de taille pour les centristes aux élections législatives. Le candidat du parti d'extrême gauche La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, arrivé troisième au premier tour de l'élection présidentielle, s'est associé au Parti socialiste et à d'autres grands partis de gauche en vue des élections législatives, en formant la coalition Nupes, ou Nouvelle union populaire écologique et sociale.

En outre, Emmanuel Macron a été sensible à la vaste expérience politique d'Elisabeth Borne, qui a été ministre des Transports, ministre de la Transition écologique et solidaire, ministre du Travail et des Affaires sociales, et responsable des dossiers de réforme du système de retraite et de l'assurance chômage.

De hauts défis à relever

En tant que responsable de la mise en œuvre de la politique du président, la nouvelle première ministre sera confrontée à plusieurs enjeux complexes au-delà des élections parlementaires, comme la protection de l'environnement, l'emploi et la réforme du système de retraite.

Les médias français ont souligné qu'aucun des objectifs environnementaux énoncés par Emmanuel Macron lorsqu'il a été élu président en 2017 n'a encore été mis en œuvre. Il avait ainsi promis de fermer toutes les centrales électriques au charbon en France, mais n'a pas encore été en mesure de le faire. En 2020, 19,1 % de la consommation énergétique totale du pays provenait de sources renouvelables, un taux qui reste en-deçà de l'objectif européen de 23 %. Emmanuel Macron s'est engagé à accélérer la réalisation de ces objectifs au cours de son second mandat et la nouvelle première ministre devra agir de manière décisive sur ces sujets.

En outre, de récents sondages d'opinion indiquent que 50 % des Français interrogés souhaitent que le gouvernement agisse sur la question du pouvoir d'achat au cours des cinq prochaines années. Depuis le début de l'année, la consommation des ménages français a été durement touchée par une forte inflation. Selon les prévisions de la Banque mondiale, les prix mondiaux des denrées alimentaires et de l'énergie resteront élevés jusqu'en 2024 au moins. L'action du nouveau gouvernement à ce niveau fait partie des grandes préoccupations des électeurs français.

La réforme du système de retraite est un sujet encore plus controversé. Dans son programme de campagne pour un second mandat, le président Macron a clairement annoncé son projet de repousser progressivement l'âge de départ à la retraite de 62 à 65 ans, afin de financer l'objectif de relèvement de la pension minimale. Cependant, selon les résultats d'un sondage récent, 77 % des Français se disent fortement opposés à ce projet. La mise en œuvre de la réforme par Elisabeth Borne risque donc d'être éminemment difficile.

Après son installation à Matignon, Mme Borne soumettra dans les prochains jours au président une liste de nouveaux membres du gouvernement, dans l'objectif d'assurer un bon équilibre politique en vue des élections législatives de juin. L'avenir dira si le choix de la première ministre par Emmanuel Macron aura les effets escomptés et quelle tendance suivra la situation politique française.